dimanche, octobre 6

Autonomie finalisée ou enterrée : la Corse va être rapidement fixée

Ce mardi 1er octobre, la Corse sera suspendue aux lèvres de Michel Barnier. Elle ne compte ni grandes fortunes ni géants de l’industrie pour s’inquiéter des hausses d’impôt ciblées qui déverseront quelques pelletées dans la fosse béante du déficit budgétaire.

Non, elle veut savoir si le Premier ministre, à la faveur de sa déclaration de politique générale, aura quelques mots sur le processus d’autonomie qui a été dissou en même temps que le Parlement le 9 juin dernier. Quatre mois plus tôt, jour pour jour, le processus dit de Beauvau, piloté par Gérald Darmanin, avait débouché sur un projet d’écriture constitutionnelle qui grave dans le marbre la reconnaissance d’un statut d’autonomie au sein de la République et le principe d’un pouvoir de nature législative soumis au contrôle du Conseil constitutionnel. Puis était prévue en débat une loi organique destinée à préciser le périmètre des compétences et les modalités d’exercice de ce pouvoir législatif.

Michel Barnier est un familier de la Corse, il y vient régulièrement. Pour autant, va-t-il prendre la route d’une évolution institutionnelle ? Peut-être, après tout, si Emmanuel Macron, qui a donné le coup d’envoi des négociations avec la Corse, l’invite à y réfléchir sérieusement…

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Pour Gilles Simeoni, « le processus initié engage l’État »

De son côté, Gilles Simeoni n’a pas perdu de temps. Le président du Conseil exécutif de Corse a adressé une missive à Michel Barnier, avant même que celui-ci ne promène son tout premier regard circulaire sur son bureau à Matignon. L’objectif : l’enjoindre à finaliser le processus avec le Parlement et, à titre accessoire – un mot-litote car il s’agit d’une requête essentielle – à abonder de 50 millions d’euros l’enveloppe de Continuité territoriale pour bétonner le financement des délégations de service public relatives aux transports aérien et maritime.

« Le processus initié par le président de la République engage l’État de façon irréversible. Il doit continuer et aboutir, ce n’est pas négociable », argumente Gilles Simeoni.

Le gouvernement Barnier a créé un ministère des Outre-mer, mais pas de la Corse qui, par défaut, demeurerait donc sous la garde (républicaine) du ministère de l’Intérieur. Or, si l’autonomie de la Corse s’inventait un ennemi public numéro 1, il aurait précisément les traits de Bruno Retailleau. L’ex-président du groupe LR au Sénat est non seulement rétif à toute idée d’autonomie, mais il est franchement hostile à la dévolution d’une quelconque prérogative législative car, ce sont ses termes, il n’est ni question de « constitutionnaliser le communautarisme » ni envisageable de « contourner le Parlement ». Autrement formulé : circulez, il n’y a rien à voir.

Petite consolation : au Palais Bourbon, la dissolution a renforcé numériquement les forces politiques favorables à l’autonomie de la Corse…

Un vent favorable à la décentralisation se lève…

Ancien député et bras droit de Gilles Simeoni, Jean-Félix Acquaviva considère lui aussi qu’aller au terme du processus pour le président de la République et le gouvernement, constitue « une obligation morale et politique ». Ainsi, l’obtention par l’État d’un statut d’autonomie ne serait pas l’acmé de la lutte nationaliste engagée depuis un demi-siècle et susceptible de confiner au moins un temps les militants de la clandestinité armée dans le maquis. Mais bien un outil indispensable pour répondre aux attentes prioritaires de la société corse comme la régulation du prix des carburants (un écart à la pompe défavorable malgré une taxation avantageuse sur les produits pétroliers) ou encore l’interruption de la spéculation foncière et immobilière qui résidentialise le territoire à outrance au détriment de l’accès au logement des jeunes foyers insulaires.

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La partie est loin d’être gagnée, mais elle n’est pas non plus perdue d’avance. La création d’un super-ministère du Partenariat avec les territoires et de la décentralisation confiée à Catherine Vautrin, qui montre la volonté d’apaiser les relations avec les élus locaux (relations contrariées par Bruno Le Maire qui avait épinglé les dépenses des collectivités territoriales), est de bon augure. De même, le discours tout frais de Gérard Larcher, président du Sénat, au congrès des Régions de France à Strasbourg, incitant à franchir un nouveau cap dans la décentralisation et à confier l’autonomie financière aux territoires, émousse le pavois du conservatisme jacobin. Enfin, si on ignore encore – au moins jusqu’à mardi – les intentions du Premier ministre, la Corse ne manque pas de relais de son cru dans le premier cercle du pouvoir : Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l’Industrie et Laurent Marcangeli, président du groupe Horizons à l’Assemblée nationale, sont de fervents partisans du statut d’autonomie.

À l’Assemblée de Corse, le principe d’une réforme constitutionnelle a été voté à l’unanimité et 80% des élus, toutes tendances confondues, approuvent la possibilité de légiférer. Une adhésion qui doit maintenant franchir la Méditerranée pour rallier Paris…

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