C’est la deuxième fois qu’ils se voient en quarante-huit heures. Mercredi après-midi, Xavier Bertrand est de retour à l’Élysée, dans le bureau d’Emmanuel Macron. Cette fois-ci, leur tête-à-tête n’est pas rendu public, contrairement à celui qu’ils ont eu lundi. Le chef de l’État a souhaité revoir le président de la Région des Hauts-de-France afin que celui-ci lui explique de nouveau la manière dont, s’il était nommé à Matignon, il s’y prendrait pour ne pas être censuré par l’Assemblée nationale dès les premiers pas qu’il y effectuerait. Après l’entretien qu’ils ont eu deux jours plus tôt, le président a en effet pris sa décision : c’est très vraisemblablement lui qu’il va nommer pour succéder à Gabriel Attal. Le chef de l’État a aimé l’envie et l’énergie déployées par Xavier Bertrand pour décrocher le poste, alors que la donne politique va en exiger beaucoup. Il a jugé intéressants la manière dont il envisageait leur collaboration et le programme de travail avec lequel il est venu. Il a trouvé que l’ancien lieutenant sarkozyste savait se montrer plus rond que Bernard Cazeneuve, qu’il avait reçu le matin même pour discuter également du poste de Premier ministre. Si l’élu du Nord s’est opposé à la réforme des retraites votée l’an passé, il n’entend pas la suspendre, contrairement à l’ancien bras droit de François Hollande.
Offensive de l’aile gauche
Et pourtant, mercredi, rien ne vient. Plus la matinée avance, moins la promotion du président des Hauts-de-France à Matignon paraît même certaine. Que se passe-t-il ? D’abord, une offensive de députés et de conseillers extérieurs situés à l’aile gauche de la Macronie se met en place pour dissuader l’Élysée de procéder à un tel choix. Xavier Bertrand n’a-t-il pas été par le passé un opposant trop rugueux de leur camp ? Bernard Cazeneuve ne reste-t-il pas plutôt la solution la plus adaptée au message envoyé par les électeurs après la dissolution ? Surtout, Emmanuel Macron est alerté par plusieurs de ses proches. Le leader LR, contrairement à ce qu’il prétend, a, selon leurs informations et calculs, les plus grandes chances d’être censuré immédiatement par le RN et la totalité des députés du Nouveau Front populaire (NFP) après sa nomination à la tête du gouvernement. Face au président lundi, Xavier Bertrand a énuméré les raisons pour lesquelles il estimait pouvoir y échapper. La feuille de route sociale qu’il présentera rendra très compliqué pour certains élus de gauche le fait de le sanctionner d’emblée, lui a-t-il assuré. Il ne faut également pas écarter la possibilité que, malgré leur menace, les troupes de Marine Le Pen, dont il est l’une des bêtes noires en raison de leur mano a mano dans les Hauts-de-France, ne le fassent pas chuter automatiquement. Enfin, il considère que les députés NFP ne voteront pas une motion de censure déposée par le RN et réciproquement.
Emmanuel Macron n’a pas donné suite à l’idée de Nicolas Sarkozy de nommer François Baroin, qui avait eu des mots très durs envers lui
Et pourtant, mercredi, rien ne vient. Plus la matinée avance, moins la promotion du président des Hauts-de-France à Matignon paraît même certaine. Que se passe-t-il ? D’abord, une offensive de députés et de conseillers extérieurs situés à l’aile gauche de la Macronie se met en place pour dissuader l’Élysée de procéder à un tel choix. Xavier Bertrand n’a-t-il pas été par le passé un opposant trop rugueux de leur camp ? Bernard Cazeneuve ne reste-t-il pas plutôt la solution la plus adaptée au message envoyé par les électeurs après la dissolution ? Surtout, Emmanuel Macron est alerté par plusieurs de ses proches. Le leader LR, contrairement à ce qu’il prétend, a, selon leurs informations et calculs, les plus grandes chances d’être censuré immédiatement par le RN et la totalité des députés du Nouveau Front populaire (NFP) après sa nomination à la tête du gouvernement. Face au président lundi, Xavier Bertrand a énuméré les raisons pour lesquelles il estimait pouvoir y échapper. La feuille de route sociale qu’il présentera rendra très compliqué pour certains élus de gauche le fait de le sanctionner d’emblée, lui a-t-il assuré. Il ne faut également pas écarter la possibilité que, malgré leur menace, les troupes de Marine Le Pen, dont il est l’une des bêtes noires en raison de leur mano a mano dans les Hauts-de-France, ne le fassent pas chuter automatiquement. Enfin, il considère que les députés NFP ne voteront pas une motion de censure déposée par le RN et réciproquement.
Le 31 janvier 2020, le président français recevait le commissaire européen à l’Élysée.(Crédits : © LTD / LUDOVIC MARIN/AFP)
Mais dans l’entourage du chef de l’État, certains demeurent très sceptiques. C’est notamment le cas d’Alexis Kohler. Le secrétaire général de l’Élysée a appelé Laurent Wauquiez dans la matinée. « Avez-vous vérifié les garanties que Xavier Bertrand vous a données ? » lui a glissé le président du groupe La Droite républicaine à l’Assemblée, qui ne porte pas l’élu du Nord dans son cœur. À l’heure du déjeuner, Alexis Kohler partage, en tête à tête, la table du chef de l’État. Il relaie ses doutes sur ce qu’avance le patron des Hauts-de-France. Est-ce aussi l’occasion pour le puissant collaborateur du chef de l’État de faire payer à ce dernier son refus, depuis qu’il s’est lancé dans sa conquête de Matignon, de parler aux conseillers du président ? L’après-midi face à Emmanuel Macron, Xavier Bertrand, qui, au fil de la journée, a compris que ses chances s’amenuisaient et a demandé en coulisses à certains proches d’activer leurs réseaux macronistes afin de plaider sa cause, refait donc sa démonstration. Mais pour le locataire de l’Élysée, le risque encouru est trop grand. Il ne peut pas se permettre que son Premier ministre soit si tôt censuré, alors que depuis des jours il a répété que celui qu’il nommerait serait celui qui offrirait la plus forte garantie de stabilité face à une Assemblée si fragmentée. Une chute immédiate du gouvernement l’affaiblirait beaucoup trop, alors que c’est la raison première qu’il a invoquée pour ne pas nommer Lucie Castets, la candidate du NFP, à Matignon. En fin de journée, il appelle Gérard Larcher pour lui indiquer qu’il n’optera pas pour Xavier Bertrand. En coulisses depuis deux jours, le président du Sénat s’active beaucoup pour que le président des Hauts-de-France soit le nouvel occupant de la Rue de Varenne.
Pour Emmanuel Macron, il est plus qu’urgent de trouver une autre solution. La nomination du successeur de Gabriel Attal est en train de tourner au très mauvais feuilleton. C’est déjà la deuxième fois qu’il est contraint de changer ainsi brusquement de pied. En fin de semaine passée, c’est Thierry Beaudet, le président du Conseil économique, social et environnemental, qui tenait la corde pour Matignon. Mais lundi, dès que le choix probable de ce technicien a été révélé, tout s’est effondré comme un château de cartes. Gérald Darmanin a fait savoir tout le mal qu’il en pensait : cet hiver, Thierry Beaudet a vilipendé la loi sur l’immigration du ministre de l’Intérieur et il est, de plus, partisan de la légalisation du cannabis. Reçu par Emmanuel Macron à l’Élysée en fin de matinée, Nicolas Sarkozy s’est fait peu amène. Exit Thierry Beaudet…
L’hypothèse Christine Lagarde
Ces derniers jours, le chef de l’État et son prédécesseur se sont déjà beaucoup parlé. L’ancien héraut de la droite française, qui entend bien cette fois voir se concrétiser l’alliance qu’il appelle de ses vœux depuis 2022 entre la Macronie et LR, a proposé plusieurs noms de chef de gouvernement à son cadet. Il lui a soufflé celui de Christine Lagarde. Mais la patronne de la Banque centrale européenne a déjà été sondée par l’Élysée et a dit non. Emmanuel Macron a donc chargé Nicolas Sarkozy de la contacter afin de tenter de la faire changer d’avis. Sa mission s’est soldée par un échec. L’ancien chef de l’État a également avancé une autre solution : François Baroin. L’ex-président en a parlé avec le maire de Troyes, qui s’est mis en retrait de la vie politique nationale. Et contre toute attente, l’ancien ministre des Finances n’a pas du tout écarté l’idée de devenir Premier ministre, argue Nicolas Sarkozy auprès du président. De son côté, François Baroin se met d’ailleurs à sonder ses chances. Mardi, il échange avec Laurent Wauquiez, qui constate effectivement son intérêt pour le poste. Le même jour, il voit Éric Ciotti. Si le maire de Troyes a désapprouvé le choix du patron de LR de rejoindre Marine Le Pen à l’occasion des législatives anticipées, ils sont restés très amis. Comme d’habitude, il l’a ainsi invité à leur traditionnel week-end de chasse estival, avec Christian Jacob, dans la Creuse. Mais celui-ci tombant en plein milieu des élections internes à l’Assemblée nationale, Éric Ciotti n’a pas pu s’y rendre. Ce mardi, François Baroin veut savoir si le président du groupe À droite à l’Assemblée le censurerait s’il accédait à Matignon, et comment réagirait le RN. Le député des Alpes-Maritimes lui répond que, pour un autre LR que Xavier Bertrand, le dépôt d’une motion de censure ne sera pas automatique. Mais tout en est resté là. Emmanuel Macron n’a pas donné suite à la suggestion de Nicolas Sarkozy, et François Baroin ne reçoit aucun appel de l’Élysée. Durant le précédent quinquennat, il a eu des mots très durs envers le chef de l’État.
En fin de journée, Michel Barnier fait part au chef de l’État de ce que sera son style à Matignon. Le président est agréablement surpris
Pendant le déjeuner que partagent Emmanuel Macron et Alexis Kohler, un nom fait soudain s’emballer la machine médiatique : David Lisnard. Le 29 août, le chef de l’État a discuté avec le maire LR de Cannes. Au cours de leur entretien, l’ambitieux élu du Sud-Est lui a indiqué que l’heure était venue pour son camp de participer au redressement du pays. Le locataire de l’Élysée a apprécié et lui a demandé à la fin de leur rendez-vous s’il serait partant pour s’engager davantage, sans évoquer explicitement Matignon. Le lendemain, David Lisnard a tenu un séminaire avec l’état-major de son mouvement Nouvelle Énergie. Aller ou pas à Matignon, si cela se présentait ? La plupart ont jugé que cela ne se refusait pas.
Pas de censure automatique du RN
Lors de leurs agapes, c’est en fait un autre qui occupe la conversation entre le chef de l’État et son bras droit : Michel Barnier. Depuis des mois, l’ancien commissaire européen est en contact avec le secrétaire général de l’Élysée. Ces dernières semaines, ils ont plusieurs fois discuté. Si le septuagénaire n’a pas, comme Xavier Bertrand et Bertrand Cazeneuve, fait ouvertement campagne pour le poste cet été, il est très intéressé. Il n’est pas sans cartes dans son jeu. Son parcours européen l’a habitué au dialogue permanent. Dans un contexte surchauffé, sa personnalité peut apporter un certain apaisement. Dans l’après-midi, Alexis Kohler reçoit donc Michel Barnier à l’Élysée pour un premier entretien. En fin de journée, ce dernier revient pour rencontrer le chef de l’État. Celui qui a été ministre pour la première fois en 1993 lui fait part notamment de ce que sera son style à Matignon. Le président est agréablement surpris. Un autre point joue en sa faveur : Marine Le Pen fait savoir que si c’est lui, la censure ne sera pas automatique.
Jeudi matin, Emmanuel Macron tranche définitivement : ce sera lui. Il appelle Gabriel Attal, Gérard Larcher, Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée, pour les prévenir : Michel Barnier sera son cinquième Premier ministre.
Lien source : Ce mercredi où Macron a préféré Barnier à Bertrand