Les critiques n’en finissent plus de pleuvoir sur le gouvernement. Après la violente charge de la Commission des finances de l’Assemblée nationale mardi 3 septembre, c’est au tour du Sénat de tirer à boulets rouges sur la politique budgétaire de l’exécutif démissionnaire. « La situation financière catastrophique du pays est de la responsabilité du chef de l’Etat et du ministre des Finances », a cinglé le sénateur Jean-François Husson (LR) et rapporteur général de la Commission des Finances, lors d’un point presse organisé en fin de journée ce mercredi 4 septembre.
Sous la pression des parlementaires, les ministres de Bercy Bruno Le Maire (Economie) et Thomas Cazenave (Comptes publics) ont finalement envoyé tard dans la soirée de lundi dernier des documents budgétaires à l’Assemblée nationale et au Sénat. A partir des notes reçues, les spécialistes des finances publiques du Sénat ont dressé un bilan sévère de la situation budgétaire de l’Hexagone. Et en ont profité pour étriller «l’opération communication » de l’exécutif juste avant son départ.
En pleines tractations pour la nomination d’un nouvel exécutif, ces critiques viennent encore assombrir le bilan du gouvernement Attal. Après l’annonce tonitruante de la dissolution en juin dernier, Emmanuel Macron avait promis du « sérieux budgétaire» lors d’une conférence de presse en présence de nombreux ministres à Paris pour lancer la bataille éclair des législatives. Trois mois après cette campagne menée au pas de charge, la révélation des notes de Bercy est un nouveau désaveu pour le gouvernement toujours aux affaires courantes.
Bataille autour des dépenses des collectivités
Estimé auparavant à 5,1% du PIB, le déficit pourrait s’établir à 5,6% en 2024, selon les notes de Bercy. En cause, l’envolée des dépenses des collectivités (16 milliards d’euros), a pointé le ministre de l’Economie Bruno Le Maire sur le départ. « Ce serait bien d’arrêter de se défausser. La part des collectivités dans le déficit est infinitésimale par rapport au poids de l’Etat », a réagi vivement Jean-François Husson.
« Les 16 milliards d’euros est un chiffre que nous n’avons pas encore », a ajouté Claude Raynal. « Pour l’instant, nous sommes incapables de dire si ce chiffre est sérieux ou s’il est gonflé ». Les sénateurs ont également évoqué des recettes fiscales bien moindres qu’attendues sur la TVA, l’impôt sur les sociétés ou l’impôt sur le revenu.
Soupçons de « mensonges » sur la situation budgétaire de la France
Surtout, les élus du Palais du Luxembourg ont regretté de ne pas avoir reçu tous les documents demandés à Bercy. «Quand on ne transmet pas les documents, il y a une forme de mensonge », a critiqué Jean-François Husson. Après la découverte d’un déficit en 2023 plus élevé que prévu (5,5% au lieu de 4,9%), le Sénat avait déjà lancé une mission flash sur les finances publiques au printemps.
A cette occasion, les sénateurs avaient passé sur le grill Bruno Le Maire durant une longue audition. « Le 30 mai dernier, le gouvernement nous a dit que la situation budgétaire était sous contrôle. Bruno Le Maire nous avait parlé d’une “perfect storm” avec un événement exceptionnel en 2023 », a relaté Jean-François Husson. « Or, cet événement n’a rien eu d’exceptionnel car la situation du déficit s’est encore aggravée. On nous a vendu une situation budgétaire qui n’était pas conforme à la réalité ».
Pression sur le calendrier budgétaire
Les interminables tractations sur la nomination d’un nouveau gouvernement chamboulent l’agenda budgétaire. Le ministre démissionnaire des Comptes publics Thomas Cazenave a récemment assuré que le calendrier serait « tenu ». Attendue au premier octobre au Parlement, la présentation du projet de loi de finances 2025 pourrait être repoussée. Face à ce scénario, les sénateurs ont mis la pression pour que le prochain exécutif respecte au mieux le calendrier. « Il est impératif que le prochain gouvernement respecte la présentation du PLF au premier octobre. Il faut arrêter de bidouiller. Il nous faut un document sur la table », a affirmé Claude Raynal. Avant cette date butoir, le mois de septembre risque de se transformer en parcours d’obstacles pour le futur exécutif.
Matignon devra saisir le Conseil d’Etat pour avis et envoyer une copie du PLF au Haut conseil des Finances publiques vers la mi-septembre. Puis, la France devra transmettre sa stratégie budgétaire de moyen terme le 20 septembre à la Commission européenne. Placée officiellement en procédure de déficit excessif depuis juillet, la France va devoir faire ses preuves auprès des instances européennes. Une pression supplémentaire sur l’Hexagone après cette rentrée houleuse.
Lien source : Déficit public : le Sénat pilonne le gouvernement et pointe sa responsabilité