vendredi, septembre 13

En Maurienne, la connexion ferroviaire à l’Italie repoussée à début 2025, la saison d’hiver en ligne de mire

A l’aube du premier anniversaire de l’éboulement dit de la Praz le 27 août dernier, durant lequel un énorme bloc de près de 15.000 m3 de roches s’effondrait sur une ligne SNCF près de Modane (Savoie), la vallée de la Maurienne n’a toujours pas retrouvé sa connexion ferroviaire entre la France et l’Italie.

Une mauvaise nouvelle pour le trafic franco-italien, et notamment les TGV Lyon-Turin, opérés non seulement par la SNCF, mais également pour la compagnie italienne Trenitalia, qui venait de lancer son Paris-Milan en décembre 2021. La route départementale 1006, située dans le même secteur, est elle aussi coupée depuis près d’un an et fait l’objet d’une déviation par l’autoroute, sur la portion située entre les communes de Saint-Michel de Maurienne et de Modane.

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Après de longs mois d’études et de premiers travaux de sécurisation, un calendrier prévisionnel établi par SNCF Réseau faisait état d’une possible réouverture à l’automne 2024. En juin dernier, Béatrice Leloup, directrice territoriale Auvergne-Rhône-Alpes chez SNCF Réseau, se disait d’ailleurs plutôt confiante sur la tenue de celui-ci, tout en soulignant la dépendance des travaux à la sécurisation de la falaise.

Mais ce ne sera finalement pas le cas : ce mercredi soir, une communication conjointe de la Préfecture, du Département de Savoie et de SNCF Réseau balaie toute reprise du trafic pour cette année. En s’appuyant sur les aléas rencontrés par ce chantier d’envergure, la réouverture de la voie ferroviaire ne devrait désormais pas avoir lieu avant le 1er trimestre 2025. « Si aucun nouvel aléa géologique sérieux ne survient d’ici là », préviennent également les trois acteurs.

Car depuis l’éboulement survenu en 2023, le rythme intense des travaux sous maîtrise d’ouvrage du Département, qui a pris les devants pour assurer la sécurisation du secteur, en mettant en place un marché « à bons de commandes », a malheureusement rencontré des « difficultés géologiques croissantes, qui ont fait de ce chantier un véritable défi au quotidien ».

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Joint par La Tribune, le vice-président aux infrastructures du Département de la Savoie, Olivier Thevenet, se désole de la situation : « Depuis le mois de juin, nous avons découvert des cavités instables dans la zone centrale du versant, qui se révèlent beaucoup plus étendues que prévu et qui vont nécessiter des travaux supplémentaires de purges », rappelle l’élu, qui détaille des contraintes XXL sur un chantier de ce type.

« Pour assurer la sécurisation de la falaise, nous devons réaliser des ancrages avec de grandes barres scellées dans la roche, sur lesquelles on déroule ensuite des filets, en commençant par le haut. Mais quand on ne peut pas s’ancrer, en raison de cavités trop importantes, on doit reprendre le travail de purges et faire des allers-retours sur la falaise, avant de pouvoir s’ancrer à nouveau ». Un travail rendu d’autant plus complexe qu’aucun homme n’a pu encore à ce stade pénétrer sous la zone d’éboulement.

« Nous avons beau avoir envoyé des drones, aucun humain n’a encore pu pénétrer sous la zone qui n’est pas sécurisée, ce qui fait que nous découvrons certaines choses au fur et à mesure que l’on descend. »

Une sécurisation à assurer en priorité

Sur le terrain, une « équipe renforcée » d’experts du Département, de SNCF Réseau et de RTM (Service de restauration de terrains en montagne) travaille en effet actuellement en collaboration « pour analyser l’état de la falaise au fur et à mesure de l’avancée du chantier », examiner « les meilleures solutions techniques » et « ajuster les travaux nécessaires pour la mise en sécurité, dans un calendrier optimisé, de la voie ferrée, de l’A43 et de la RD 1006, tout en garantissant la sécurité des cordistes ». Pour rappel, des équipes de cordistes de l’entreprise CITEM, spécialisée dans les travaux en hauteur et en milieu montagnard, se relaient 7 jours sur 7, de 6h à 20h sur ce chantier.

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« A tout moment des pierres ou des blocs peuvent se détacher et chuter en contrebas. Tant que ces risques demeurent, il est impossible d’envisager d’exposer des vies humaines au pied de la falaise ; leur sécurité reste la priorité et détermine les choix techniques », rappellent les trois partenaires du chantier, qui ajoutent : « Par conséquent, SNCF Réseau ne pourra intervenir pour remettre en état ses infrastructures (voie, caténaire, filets détecteurs, câbles de signalisation et tête de tunnel) et a fortiori pour autoriser la circulation des trains, qu’une fois les travaux de sécurisation de la falaise suffisamment avancés ».

Une autre inconnue se profile sur ce chantier : celle des coûts. Car jusqu’ici, c’est une enveloppe de 8 millions d’euros qui a déjà été débloquée par le Département de la Savoie et qui devrait ensuite, à l’issue des travaux, être répartie entre SNCF Réseau et
la société mixte d’économie locale SFTRF (Société française du tunnel routier du Fréjus).

« Nous avons signé une convention qui prévoit que 37,5% des coûts seront partagés à la même proportion entre le Département et la SNCF, tandis que 25% sera pris en charge par la SFTRF, avec un plafond fixé à 1,5 million d’euros », glisse Olivier Thevenet. Avec néanmoins un espoir : que la zone située en contrebas de la partie actuellement prise en charge soit moins complexe – car moins raide – que la partie sommitale, la plus touchée.

La saison d’hiver en ligne de mire

Côté transports, Préfecture, Département de la Savoie et SNCF Réseau estiment que « l’anticipation du calendrier permet de bien préparer la saison hivernale et les
voyageurs pourront bénéficier d’une offre de service ferroviaire et de transfert de
voyageurs vers les stations. »

En d’autres termes, pour le second Noël de suite, les trains seront contraints de s’arrêter en gare de Saint-Michel-de-Maurienne et ne pourront toujours pas relier Modane (Savoie), située à 20 kilomètres de là.

Des bus devraient donc ensuite être mis en place comme l’hiver dernier pour relier les stations de ski du massif de la Maurienne (Valloire, Valmeinier, Valfréjus, Aussois, La Norma, etc). Une solution qui se serait révélée plutôt efficace l’an dernier selon Marc Beggiora, président de la CCI Savoie, qui citait même « une saison hivernale exceptionnelle » avec un fort taux d’enneigement qui a su convaincre les touristes de venir.

Pour rappel, cette vallée où le ski représente un poids économique important est desservie habituellement l’hiver par « 3 TGV ski » chaque week-end à Noël, pour une fréquence qui peut même monter jusqu’à dix allers-retours certains samedis durant les vacances de février. Elle était également un pont avec le commerce local, notamment sur Modane où la voie ferrée permettait jusqu’ici de faire circuler quotidiennement une trentaine de trains de marchandises internationaux.

Et d’ajouter que « les dispositifs d’aides aux commerces et à l’économie locale font actuellement l’objet de travaux pour pouvoir être réactivés et approfondis ». Sans plus d’éléments également à ce stade.

Début 2024, une aide de la Région Auvergne Rhône-Alpes avait été contractualisée par la Région-Auvergne-Rhône-Alpes et la CCHMV (Communauté de communes Haute Maurienne Vanoise), afin d’aider les commerçants à se développer. Elle constituait en « une compensation de 50 % de la perte du chiffre d’affaires, indemnisée jusqu’à hauteur de 10.000 euros par la Région, puis abondée de 10 % par la CCHMV de l’aide reçue », comme le rappelait elle-même la communauté de communes mauriennaise sur son site internet.

La reprise du trafic de Trenitalia mise à mal

Nul doute que ce nouveau calendrier devrait fortement impacter les prévisions de la compagnie Trenitalia, qui tablait sur un retour en circulation de sa première ligne à grande vitesse franco-italienne dans son ensemble dès l’automne 2024. Pour rappel, elle avait dû se contenter jusqu’ici du tronçon Paris-Lyon, avec une extension jusqu’à Chambéry proposée à l’hiver dernier. Mais elle espérait de pied ferme le retour de cette première ligne emblématique, comme le rappelait encore récemment à La Tribune son nouveau président. Avec, en ligne de mire, la saison d’hiver 2024-2025.

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Fortement handicapé dans sa conquête de l’Hexagone par cet éboulement survenu en août 2023, alors que son Paris-Milan représentait l’un des meilleurs taux de remplissage, l’opérateur italien se préparait à relancer une campagne de reconquête à destination des voyageurs.

Avec, pour commencer, l’annonce de deux nouveaux arrêts à Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie) et Oulx (Italie.) Contactée, la compagnie n’avait pas encore répondu à nos sollicitations au moment d’écrire ces lignes, mais nul doute que cette nouvelle constitue une épine dans le pied pour sa saison d’hiver et plus largement, pour ses opérations sur le marché français.

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