Fin de parcours pour Universal Hydrogen à Toulouse. La startup californienne fondée en 2020 par l’ancien CTO d’Airbus Paul Eremenko a fait faillite fin juin, comme l’a révélé le Seattle Times. En plus de son siège américain, Universal Hydrogen avait créé fin 2021 un centre d’ingénierie dans un hangar de l’aéroport de Toulouse-Blagnac. Plutôt que d’imaginer un avion à hydrogène de A à Z, comme ambitionne de le faire Airbus avec l’avion ZeroE, la jeune société a opté pour l’intégration de capsules d’hydrogène liquide sur des avions de transport régional déjà en service de type ATR 72 ou Dash 8. Moyennant une légère réduction du nombre de passagers, la startup visait un aéronef avec une autonomie de 500 milles marins soit environ 1.000 km.
En mars 2023, Universal Hydrogen avait réalisé un premier vol pendant 15 minutes aux Etats-Unis de son avion Dash 8 alimenté par une pile à hydrogène dans lequel l’un des moteurs avait été remplacé par son groupe motopropulseur électrique à pile à combustible. A Toulouse, la société avait réalisé à l’automne dernier une opération complète de chargement et de déchargement de ses capsules d’hydrogène (à vide) sur son avion ATR-72 en conditions réelles sur le tarmac de l’aéroport Toulouse-Blagnac. La solution d’Universal Hydrogen avait déjà conquis une douzaine de compagnies aériennes dont Amelia en France, qui assure notamment une ligne entre Paris-Orly et Rodez.
Démonstration de chargement à l’aéroport Toulouse-Blagnac. (Crédits : Universal Hydrogen)
Echec de la levée de fonds de 200 millions d’euros
Malgré ces avancées technologiques et cet appétit du secteur aérien, la jeune pousse a donc fait faillite après l’échec de sa dernière levée de fonds. Après avoir rassemblé 100 millions de dollars depuis sa création, Universal Hydrogen avait besoin de 200 millions supplémentaires avant la fin de l’année pour poursuivre ses activités.
« Nous n’avons pas réussi à conclure la levée de fonds prévue, en raison principalement de la défaillance de notre investisseur principal. Cet acteur qui devait prendre le lead sur l’opération a malheureusement dû restructurer son fonds d’investissement et cela nous a mis complètement en péril.
Une fois la levée de fonds initiale abandonnée, nous avons tenté d’autres mécanismes pour aller chercher des fonds via une fusion ou une acquisition par une autre société. Nous avons par exemple envisagé un rapprochement avec une compagnie aérienne. Malheureusement, aucune option n’a fonctionné », retrace Pierre Farjounel, directeur général des opérations européennes d’Universal Hydrogen qui avait rejoint la startup après avoir quitté Airbus.
L’hydrogène concurrencé par l’IA dans le coeur des investisseurs
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette frilosité des investisseurs. Alors qu’en pleine crise sanitaire, les projets de décarbonation de l’aviation ont connu un afflux colossal de financements, les fonds d’investissement semblent désormais plus freiner des quatre fers. « Après le grand enthousiasme des débuts autour de ces projets, les investisseurs sont maintenant extrêmement prudents, même aux États-Unis », observait au mois de juin Jean Botti alors que Voltaero compte lever 32 millions d’euros cette année pour faire décoller son avion électrique hybride.
Le même sort est réservé pour les projets d’aviation à hydrogène.
« Il y a encore trois ans, l’hydrogène figurait vraiment tout en haut de la pyramide des priorités des investisseurs et malheureusement cette vague de financement a chuté. Aujourd’hui, des technologies comme l’intelligence artificielle arrivent à lever beaucoup plus de fonds. Nous avons vécu cette bascule quand nous sommes retournés voir les investisseurs qui avaient misé sur notre projet. Certains nous disaient que l’intelligence artificielle offrait plus de potentiel », regrette Pierre Farjounel.
Locaux toulousains d’Universal Hydrogen. (Crédits : Rémi Benoit)
« Il ne suffit pas de produire de l’hydrogène »
Le dirigeant considère également qu’Universal Hydrogen « est peut-être arrivé trop tôt » alors que le secteur aérien se calque sur l’agenda d’Airbus qui vise 2035 pour certifier son avion à hydrogène :
« Les technologies autour de l’hydrogène comme la pile à combustible sont matures. La production de la molécule d’hydrogène vert commence à décoller avec en France des sociétés comme Lhyfe. Mais il ne suffit pas de produire la molécule, il faut aussi la transporter jusqu’aux aéroports et la stocker. Tout cet écosystème n’est pas encore prêt. Il faudra aussi que les prix d’hydrogène à la pompe descendent. On ne peut pas rendre un modèle économique viable avec un hydrogène au-dessus de 10 euros le kilo. »
Le patron d’Airbus Guillaume Faury ne disait pas autre chose en confirmant fin 2022 à Toulouse son ambition de faire voler un avion régional à hydrogène en 2035, à condition notamment qu’il y ait assez d’hydrogène disponible au moment du lancement du programme (en 2027 ou 2028) sans quoi il pourrait être retardé. Après l’annonce de la faillite d’Universal Hydrogen, son directeur commercial Jon Gordon a souhaité dans un post sur Linkedin « bonne chance » à Airbus et ZeroAvia « pour favoriser l’essor d’une aviation à hydrogène ».
La startup anglo-américaine ZeroAvia qui veut remplacer les moteurs thermiques des avions régionaux par des chaînes propulsives à hydrogène a continué à engranger les marques d’intérêt fin juillet au salon de Farnborough et revendique aujourd’hui près de 2.000 pré-commandes.
Du côté d’Universal Hydrogen, les effectifs américains ont été remerciés (40 postes) et les 38 salariés de la structure toulousaine vont faire l’objet d’un licenciement économique dans les prochains jours. Certains d’entre eux ont déjà reçu des marques d’intérêt de la part d’autres entreprises du secteur, alors que les compétences sur l’hydrogène sont très recherchées par les recruteurs.
Lien source : Faillite d'Universal Hydrogen : « Nous sommes arrivés trop tôt »