Déjà en mauvaise posture, Bayer accuse le coup. Le groupe allemand de chimie-pharmacie perdait plus de 17% à la Bourse de Francfort vers 12h, heure de Paris, ce lundi. Il est notamment sanctionné par les marchés financiers après avoir annoncé interrompre les essais cliniques sur son médicament anticoagulant Asundexian, en raison de sa faible efficacité.
Le développement de ce médicament était un des projets les plus importants en cours pour le groupe et son arrêt est « un coup dur », selon les analystes de Jefferies. Et pour cause, il promettait un sacré pactole à terme. L’Asundexian, qui n’est pour l’instant autorisé dans aucun pays, devait, selon les prévisions de Bayer, permettre de générer un chiffre d’affaires de « 5 milliards d’euros à partir de 2026 », a indiqué une porte-parole du groupe à l’AFP. Or, ces espoirs ont, semble-t-il, été douchés.
Bayer a annoncé dimanche soir qu’une « étude de phase III examinant l’Asundexian par rapport à l’Apixaban (un médicament existant, ndlr) chez les patients atteints de fibrillation auriculaire présentant un risque d’accident vasculaire cérébral, est interrompue prématurément ».
Cette décision a fait suite à la recommandation du Comité indépendant de surveillance des données (IDMC), un organe indépendant qui supervisait les études. Ce dernier a « montré une efficacité inférieure de l’Asundexian, dans le cadre de cette étude », baptisé OCEANIC-AF, selon Bayer.
« Des mesures appropriées seront prises pour clôturer l’étude OCEANIC-AF et les patients seront contactés par leurs médecins/traitants pour discuter des prochaines étapes », a ajouté l’entreprise allemande.
L’Asundexian continuera toutefois à faire l’objet d’une autre étude clinique, baptisée OCEANIC-STROKE, examinant son « efficacité (…) pour la prévention de l’accident vasculaire cérébral ischémique » chez certains patients.
Nouveau coup dur aux Etats-Unis
Il s’agit de la deuxième mauvaise nouvelle coup sur coup pour Bayer. Le groupe a été condamné une nouvelle fois vendredi dernier, par un jury américain, à verser plus d’1,5 milliard de dollars à trois plaignants dont le cancer aurait été causé par le désherbant Roundup, à base de glyphosate. Bayer va faire appel de cette décision.
« Nous ferons certainement appel d’un jugement accordant un montant des dommages-intérêts violant (par leur ampleur) la Constitution américaine », a fustigé dimanche un porte-parole de l’entreprise à l’AFP.
« Contrairement aux cas précédents, les tribunaux (américains) ont récemment autorisé à tort les plaignants à déformer les faits réglementaires et scientifiques », s’est plaint Bayer dans un communiqué.
Un restructuration en cours chez Bayer
Aux Etats-Unis, ce nouveau revers juridique subi par Monsanto est le quatrième depuis un mois, semblant inverser un cycle après une série de neuf jugements en faveur de l’entreprise, engluée dans les procédures judiciaires depuis son rachat de Monsanto en 2018. Ces événements interviennent aussi dans un contexte de restructuration du groupe, menée par son nouveau PDG, l’Américain Bill Anderson arrivé en juin.
« Nous ne sommes vraiment pas satisfaits de nos performances cette année (…). Le statu quo n’est plus une option », a martelé le dirigeant, arrivé en juin à la tête du groupe allemand, lors d’une conférence de presse.
Il a notamment annoncé début novembre une réduction « significative » du nombre de postes de direction dans le groupe afin « d’améliorer la performance » de l’entreprise, sans toutefois annoncer de chiffre.
L’entreprise est depuis plusieurs années sous pression de ses actionnaires, qui estiment que le potentiel de valorisation et les performances de l’ensemble ne sont pas suffisamment bien exploités. Une offensive de certains investisseurs en début d’année pour obtenir une scission de Bayer en deux parties afin d’améliorer cette valorisation avait fait tomber la tête de l’ancien PDG, Werner Baumann.
Des chiffres trimestriels en berne
Les options d’une séparation de la division agrochimie ou de la filiale automédication sont toujours « étudiées », même si elles excluent totalement désormais de « diviser le groupe en trois entreprises de façon simultanée », avait déclaré Bayer début novembre.
Ces annonces avaient été faites dans la foulée des résultats du troisième trimestre, durant lequel le groupe a enregistré un résultat net de « -4,6 milliards d’euros », succédant déjà à une perte de 1,9 milliards d’euros au deuxième trimestre. La perte enregistrée reflète notamment une « dépréciation de 4,3 milliards d’euros, due essentiellement à des pertes de valeurs » liées à l’augmentation des « taux d’intérêt » pour les emprunts, essentiellement dans la filiale agrochimique, a détaillé l’entreprise.
Cette division est en difficulté depuis plusieurs trimestres, en raison des baisses de ventes et de prix des herbicides, essentiellement à base de glyphosate. Les clients de Bayer ont constitué des stocks importants l’an dernier, pour faire face aux pénuries, alors que des problèmes d’approvisionnement frappaient le marché. Désormais, ils les écoulent, et achètent moins.
Résultat, la division agrochimie a connu une perte d’exploitation (EBITDA) de 24 millions d’euros au troisième trimestre, contre un gain de 629 millions d’euros l’an dernier à la même période. La division pharmaceutique a connu de son côté une chute de 8,6% de son bénéfice d’exploitation, plombé notamment par une baisse de son activité en Chine. Pour l’an prochain, Bayer table sur une « croissance modérée » et des « défis persistants pour la rentabilité ».
(Avec AFP)
Lien source : L'Asundexian, l'anticoagulant qui devait remplir les caisses de Bayer fait chuter le cours en Bourse