dimanche, octobre 6

Matignon : toujours pas de Premier ministre, Emmanuel Macron sous grande pression

La crise ministérielle atteint son… 60e jour ce jeudi. Emmanuel Macron n’a donc toujours pas trouvé son nouveau Premier ministre. Et le casse-tête continue, avec une nouvelle piste, celle de Michel Barnier, qui succède à l’option Xavier Bertrand.

Contrairement à ce qui était attendu encore au début de mercredi après-midi, l’Elysée a renoncé à une annonce mercredi soir, près de deux mois après le deuxième tour des législatives. « On avance. Les critères du président restent la non censurabilité » par l’Assemblée du futur locataire de Matignon « et la capacité à faire des coalitions », a expliqué à l’AFP un proche du président.

Lire aussi100 milliards d’euros d’économies : la bombe politique du nouveau Premier ministre

Une « erreur de méthode » et un « problème de fond », a estimé son prédécesseur François Hollande mercredi soir sur TMC. « Sur la méthode, Emmanuel Macron pense qu’il va régler lui-même la question de la gouvernabilitéC’est une erreur, c’est à l’Assemblée nationale d’en décider », a développé l’ancien président.

Avant de mettre en avant « un problème de fond » : « Emmanuel Macron ne veut pas changer de politique » et « ce qui fait blocage, c’est la question de savoir jusqu’où le Premier ministre pourrait aller dans la remise en cause » des réformes accomplies depuis 2017 par le président, a-t-il poursuivi.

Les pistes Bertrand et Cazeneuve débranchées

Mais la capacité à ne pas être renversé d’emblée par une motion de censure, motif invoqué pour refuser la nomination de la candidate du Nouveau Front populaire Lucie Castets, reste à l’ordre du jour. Et ce critère pourrait être venu à bout des hypothèses Xavier Bertrand et Bernard Cazeneuve, dont les noms étaient cités mardi soir à l’Elysée.

Plusieurs membres du camp présidentiel évoquent un « front anti-Bertrand » qui s’est élevé en Macronie contre cette nomination, donnée mercredi comme très probable, du président des Hauts-de-France, membre du parti Les Républicains et tenant d’une droite sociale. Le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire menaçaient de fait de le censurer d’emblée. « Bertrand est très probablement mort à 100% », constate un conseiller ministériel, « car il n’aurait jamais eu de majorité sur aucun texte ».

Ex-Premier ministre socialiste, mais non assuré de recueillir le feu vert du PS qu’il a quitté, Bernard Cazeneuve a lui été écarté par Emmanuel Macron car il voulait rester « droit dans ses bottes » sur un programme de gauche, sans rechercher d’emblée des compromis avec le centre, estime un cadre macroniste.

Alors que l’hypothèse Cazeneuve à Matignon divise son parti, le patron du PS Olivier Faure a émis de fortes réserves à cette éventualité. Ce serait « une forme d’anomalie » de choisir « le seul homme de gauche qui s’est battu contre le Front populaire », a-t-il jugé sur TF1.

Une nouvelle option : Michel Barnier, ex-ministre chiraquien

Tout à recommencer, donc ? Mercredi soir, le nom de Michel Barnier, 73 ans, qui fut aussi ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac et négociateur du Brexit au nom de l’Union européenne, circulait avec insistance.

Selon une ministre démissionnaire, l’Elysée a échangé avec lui dans la journée, quand d’autres vantent son profil « moins clivant » et « plus consensuel ». « Il est très apprécié des députés de droite sans que ce soit un irritant à gauche. Si Xavier Bertrand coince vraiment, je ne vois pas d’autres pistes que la sienne », glisse-t-elle.

Le nom de Michel Barnier, qui comme Xavier Bertrand avait concouru à la primaire de la droite en 2021, circulait déjà depuis l’été parmi les noms égrenés par le président devant certains de ses interlocuteurs.

« La colère monte »

Le chef de l’État est pressé de toute part d’arrêter un choix près de trois mois après la dissolution qu’il a lui-même provoquée, le 9 juin. « Plus le temps passe, plus c’est catastrophique. La colère monte. Les gens nous demandent quand on commence à bosser. Il y a urgence à agir sinon c’est la rue qui va prendre le relais », a prévenu le patron du groupe centriste Liot Stéphane Lenormand. D’ailleurs, samedi, une manifestation est prévue à Paris contre le « coup de force de Macron » à l’appel de plusieurs organisations étudiantes, rejointes par La France insoumise, le PCF ou encore les Écologistes.

À gauche de l’échiquier politique, les Insoumis – qui ont refusé mardi de s’entretenir à nouveau avec le président de la République – continuent d’affirmer qu’ils censureront tout autre Premier ministre que Lucie Castets. Si Emmanuel Macron « pouvait se nommer lui-même et cohabiter avec lui-même, il l’aurait fait », a ainsi raillé mardi la cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot, dont le parti a déposé auprès du bureau de l’Assemblée nationale une motion de destitution du chef de l’Etat.

Un budget à définir… dans moins d’un mois

La pression sur le président est aussi très forte sur le front économique. En effet, lbudget 2025 de la France doit être impérativement déposé au Parlement le 1er octobre. À ce sujet, le 20 août dernier, pour « assurer la continuité de l’Etat », le Premier ministre démissionnaire Gabriel Attal a fixé à ses ministres les limites des crédits de leurs ministères pour 2025 dans des « lettres-plafonds », afin qu’ils commencent à préparer leurs budgets.

Lire aussiBudget : un risque de déficit à 5,6% en 2024, alerte Bercy

Tous ministères confondus, ces enveloppes financières reproduisent, à l’euro près pour 2025, les dépenses de 2024 (492 milliards d’euros). Ce qui engendrerait, selon Matignon, une économie d’environ 10 milliards d’euros, rien qu’en ne les indexant pas sur une inflation prévisible autour de 2% l’an prochain. Et ce niveau de dépenses est « réversible », avait précisé Gabriel Attal, puisque le nouveau gouvernement pourra l’adapter à sa guise avant la date limite pour présenter le budget 2025.

À noter : dans ce budget, l’actuel locataire de Matignon a prévu de tailler drastiquement dans le ministère de la Transition écologique (Fonds vert et électrification du parc de véhicules électriques) et celui du Travail (aides à l’apprentissage). Une perspective qui fait grincer des dents les ministres concernés, tout particulièrement Christophe Béchu, à la Transition écologique.

Alerte rouge sur le déficit

Et pour ne rien arranger, la pression est encore montée d’un cran lundi soir avec une nouvelle alerte rouge de Bercy à propos du déficit de la France. Projeté à 5,1% du produit intérieur brut, le déficit 2024 pourrait, à politique constante, finalement atteindre 5,6% cette année,  selon des documents de Bercy envoyés aux élus de la Commission des finances de l’Assemblée nationale.

Lire aussiDéficit public : le Sénat pilonne le gouvernement et pointe sa responsabilité

Pour Bruno Le Maire et Thomas Cazenave, ce dérapage est lié à deux facteurs principaux : une envolée des dépenses des collectivités locales – même si leurs représentants contestent vivement ce fait – et également des prévisions de recettes fiscales, qui pourraient ne pas être au rendez-vous, « compte tenu de l’évolution de la composition de la croissance, moins favorable aux recettes fiscales ».

Première conséquence, d’après les ministres de l’Economie et du Budget démissionnaires : le surcroît de dépenses des collectivités pourrait donc « dégrader les comptes 2024 de 16 milliards d’euros » par rapport à la trajectoire de déficit envoyée à Bruxelles au printemps.

Et ce n’est pas tout : une note confidentielle de l’administration du Trésor, envoyée aux ministres cet été, évalue à plus de 100 milliards d’euros l’effort qui doit être fait sur nos finances publiques d’ici 2028. Objectif, respecter les règles européennes et espérer faire passer le déficit public en dessous des 3%.

Aussi, met en garde le Trésor, si rien n’est fait, le déficit continuera donc à se creuser fortement : 5,6% du PIB à la fin de cette année, puis 6,2% en 2025 pour se stabiliser en 2027, à 6,5%… « Le prochain gouvernement devra se donner une stratégie des finances publiques claire et déterminée pour préserver la confiance des marchés et nos partenaires européens », alerte-t-il.

(Avec AFP)

Lien source : Matignon : toujours pas de Premier ministre, Emmanuel Macron sous grande pression