Après deux mois d’attente, autant prendre encore un peu de temps pour faire les choses bien. C’est ce que préconise le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, dans un entretien avec Le Parisien Dimanche, face au défi du prochain gouvernement de boucler dans des temps désormais serrés le projet de budget de l’Etat pour 2025.
Pierre Moscovici rappelle la délicatesse de l’exercice dans un contexte de déficit public en hausse.
Le prochain budget « sera sans doute« le plus délicat de la Ve République », estime-t-il.
Il insiste sur la nécessité d’« un vrai projet de loi de finances complet et détaillé », et se dit opposé à l’idée « d’une architecture à dépense constante » amendée par la suite.
« Cela ne réduirait pas suffisamment les déficits, et la qualité de la défense publique ne serait pas améliorée. Et s’il faut pour cela prendre quelques jours de plus, c’est possible », plaide-t-il, en suggérant de déposer le projet « une ou deux semaines » après l’ouverture de la session ordinaire de l’Assemblée le 1er octobre, pourvu que les sept jours nécessaires au Haut Conseil des finances publiques pour émettre ses avis soient garantis.
« Une trajectoire véridique » et « un pont d’inflexion très net dès 2025 »
Pierre Moscovici met en garde contre le danger d’un prolongement de la tendance actuelle: « ce serait un décrochage massif par rapport à nos engagements et à nos partenaires européens », analyse-t-il.
« Un pays trop endetté est un pays impuissant », rappelle le président, « en jugeant que nous devons impérativement maîtriser notre dette ».
Le président de la Cour des comptes affirme souhaiter « qu’on entame enfin la décrue des déficits publics », avec « une trajectoire véridique », remettant en cause l’objectif de 3% en 2027 fixé par la loi de programmation de finances publiques, mais aussi « un pont d’inflexion très net dès 2025 » et « des mesures et des réformes crédibles ».
« Le débat fiscal ne peut pas être tabou »
Pour redresser les comptes publics, il insiste sur la nécessité de réaliser surtout « des économies en dépenses », sans pour autant dégrader les services publics. Tout en admettant qu’« attendre des dizaines de milliards de recettes d’un alourdissement écrasant de la fiscalité ne serait pas bon pour l’économie française », il affirme aussi que « le débat fiscal ne peut pas être tabou »:
« Il se déroulera forcément entre le gouvernement et le parlement », prévoit le président de la Cour des comptes.
Pierre Moscovici alerte aussi sur le risque d’un shutdown en cas d’absence de budget, si le gouvernement devait être censuré: « les prestations ne seraient plus distribuées, les prestataires plus payés », rappelle-t-il. En cas de budget ni voté ni rejeté après soixante-dix jours de débat, le gouvernement pourrait en revanche mettre en œuvre par ordonnances celui présenté au parlement, ou faire voter une loi spéciale pour lever l’impôt et exécuter la partie dépenses sur la base du budget de l’année précédente. Mais ces dernières ne seraient alors pas réduites.
Lien source : Pierre Moscovici réclame un budget « complet et détaillé »