mardi, avril 23

Rachat de Credit Suisse : pourquoi la taille d’UBS pose question

En acceptant de racheter – à contrecœur – son rival Credit Suisse, UBS, le numéro un du secteur bancaire helvétique, « va devenir une très grosse banque », a reconnu le président de la banque centrale lors d’une conférence de presse, ce jeudi 23 mars.

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Thomas Jordan a aussi admis que ce rapprochement va soulever des « questions de concurrence ». De fait, la taille de la banque qui va émerger de cette union va créer « une nouvelle situation », selon lui, que la banque centrale et les autorités de régulation vont devoir apprendre à gérer.

« Nous devrons nous assurer à l’avenir qu’il y aura assez de concurrence en Suisse pour fournir des services bancaires », a-t-il prévenu, tout en réaffirmant que le système bancaire suisse est « robuste » et « résilient ».

Attention à la concurrence

Cette déclaration de la banque centrale suisse n’est pas anodine. Dans les milieux économiques en Suisse, des voix se sont rapidement élevées pour mettre en garde contre les répercussions de ce rachat pour les entreprises. Mardi, la fédération qui représente les PME s’est inquiétée des conditions de financement si la concurrence se réduit.

Dans un entretien avec l’AFP, Philippe Cordonier, membre de la direction de Swissmem, l’organisation qui représente les fabricants de machines et d’équipements électriques, s’est lui aussi alarmé des risques pour les coûts, « s’il n’y a plus qu’une seule grande banque qui a la capacité de travailler à l’étranger ». « Cela va restreindre le choix de solutions pour les entreprises », craint-il, Credit Suisse étant jusqu’à présent un partenaire de choix pour les entreprises exportatrices suisses.

Les deux banques étant toutes deux actives dans la banque de détail dans le pays alpin, certains appréhendent également les conséquences en matière de choix au niveau des hypothèques. La Commission de la concurrence n’a toutefois pas eu son mot à dire dans cette union.

Au niveau mondial, UBS va surtout devenir un géant sans égal dans la gestion de fortune. Une position que la banque helvétique occupe déjà, tandis que Credit Suisse est au coude-à-coude avec l’Américain Morgan Stanley pour la deuxième place du podium.

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Encore plus de risques pour le système financier

Avec ce mariage forcé, UBS va se trouver à la tête de plus de 5.000 milliards de dollars d’actifs investis et 3.400 milliards de dollars d’actifs sous gestion. Avant même leur union, les deux banques faisaient déjà partie des 30 banques dans le monde considérées comme trop grosses pour les laisser faire faillite.

Le conseil de stabilité financière, mis en place par le G20 à la suite de la faillite de la banque américaine Lehman Brothers en 2008 pour mieux encadrer le système bancaire, établit chaque année une liste des banques considérées comme systémiques. Elles sont classées en fonction des risques qu’elles posent pour le système financier mondial. Elles doivent se conformer à des exigences plus strictes, notamment au niveau des fonds propres qu’elles doivent mettre de côté pour tenir le coup en cas de crise.

Les règles les plus strictes s’appliquent à la banque américaine JP Morgan Chase. UBS risque de bondir dans le classement, ce rapprochement créant une banque présentant beaucoup plus de risques pour le système financier, que les autorités suisses vont également devoir apprendre à gérer.

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La meilleure solution, selon la Banque centrale

Reste que ce rachat de Credit Suisse par UBS était la seule « solution réalisable », a affirmé Thomas Jordan, soulignant que « la pression du temps était énorme ». La confiance à l’égard de Credit Suisse s’était effondrée rapidement la semaine dernière. Pour la regagner, le ministère des Finances, la banque centrale suisse et la Finma – le gendarme des marchés en Suisse – se sont engagés dans une course contre la montre pendant le week-end.

La priorité de la banque centrale était de « maintenir la stabilité financière » et éviter une crise financière bien plus grave qui aurait « immédiatement » frappé la Suisse, mais aussi le système financier international, a précisé le président de la banque centrale. « Il est évident que l’on a regardé toutes les solutions qui existaient », a-t-il toutefois assuré.

Beaucoup s’interrogent en Suisse quant à savoir pourquoi les autorités n’ont pas plutôt opté pour une vente à une banque étrangère ou une faillite ordonnée qui aurait laissé le temps de redresser les actifs sains de Credit Suisse et liquider les autres. Mais selon Thomas Jordan, une mise en faillite ordonnée aurait, « au contraire », fait courir le risque de déclencher une crise financière « encore plus grande », a-t-il affirmé.

(Avec AFP)

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