Les respectables hauts prélats qui pratiquent le petit jeu du « totopapa » à Borgo Pio, le quartier typiquement romain de la Ville éternelle à proximité du Vatican, ont tous perdu ! Aucun parmi les dignes monsignori n’avait parié qu’à 87 ans – 88 le 17 décembre prochain – François allait se lancer dans une tournée asiatique de douze jours, presque un tour du monde, sous haute sécurité, et parcourir quelque 32 800 kilomètres entre l’Indonésie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Timor oriental et Singapour. En regrettant de surcroît de n’avoir pu y ajouter le Vietnam en raison de rapports bilatéraux tendus. Cela signifie pas moins de quarante-quatre heures de vol pour « l’homme en blanc », se rendant pour la quatorzième fois de son pontificat dans un pays majoritairement musulman. Le plus long voyage de son pontificat, testament moral qui souligne le poids qu’il accorde au dialogue interreligieux. L’avion a décollé de Fiumicino, l’aéroport international de Rome, sur le vol Ita Airways AZ4000. Toujours le même numéro pour l’avion papal, un Airbus A330, cette fois-ci, stationné à côté d’un appareil de la compagnie low cost Ryanair. Le ton est donné quand on voyage avec le pape des pauvres !
Le périple de paix a débuté mardi à Jakarta, capitale de l’Indonésie, où se trouve notamment le plus grand centre commercial d’Asie, cathédrale du luxe, mais d’abord le premier pays musulman sur Terre avec 200 millions de fidèles, pratiquant un islam qualifié de modéré. Pour cette première étape, le 266e pape a été reçu dans le palais présidentiel au son des 21 coups de canon réservés aux souverains et chefs d’État, tradition qu’il n’aime guère. Lors de son premier discours, il a encouragé les dirigeants indonésiens « à contrecarrer l’extrémisme et aussi l’intolérance qui tentent de s’imposer en se servant de la supercherie et de la violence, et à défendre la justice sociale ». Ce même jour, Bergoglio a rencontré les 200 pères jésuites du pays au centre François-Xavier. Fait intéressant, ce pape jésuite reçoit d’habitude les membres locaux de son ordre en fin de visite. Or, selon l’expression consacrée au Vatican, « ces religieux sont hautement informés ». D’où l’intérêt d’un tel tête-à-tête avec les membres de la Compagnie de Jésus dès le début du « pèlerinage ». Il faut savoir que ce prestigieux et puissant ordre compte quelque 1 600 membres dans toute l’Asie pacifique.
Le Pape hier à son arrivée à l’aéroport de Port Moresby (Crédits : © LTD / TIZIANA FABI/AFP ; ANDREW KUTAN / AFP)
À sa première grand-messe, 80 000 personnes sont réunies dans l’enceinte du stade de Jakarta et 20 000 massées devant les écrans pour suivre la cérémonie. Un peuple de Dieu transporté par l’émotion. D’aucuns portent des vêtements à l’effigie du Saint-Père, de jeunes religieuses alertes et gracieuses dansent sur son passage. Ces foules qu’il galvanise sont le meilleur des remèdes pour un pape suivi en permanence par son médecin personnel et deux infirmiers, sans compter le dispositif médical local. L’Argentin au caractère aussi fort qu’indomptable veut mourir sur scène, à l’inverse de Jean-Paul Ier, Jean-Paul II et Benoît XVI, pour ne citer qu’eux. Lors de ce voyage de tous les records, le successeur de Pierre a effectué un survol de la Papouasie. Un vol de plusieurs heures dans un avion mis à disposition par l’armée australienne.
Au fil des ans, au cours de ses déplacements, entouré de sa suite rapprochée qui le protège – ses secrétaires particuliers Fabio Salerno et Daniel Pellizon et ses deux majordomes poussant sa chaise roulante et distribuant au passage des chapelets bénits quand il leur fait un petit geste codé -, le pape a toujours impressionné les vaticanistes par sa volonté. On le croirait essoufflé et le voici qui rebondit, guidé par sa foi, sa force intérieure, son sens de l’Histoire, ses défis… La meilleure indication de son état d’âme du jour est sa voix conquérante… ou traînante. Son timbre traduit les enjeux du moment. Le pape est séquentiel et traite donc un sujet après l’autre. Avec sa propre logique. Il ne va pas des hommes au pays, mais choisit d’abord un pays pour déterminer à qui il confiera des responsabilités, qui il créera cardinal. Difficile en effet pour les intrigants et les ambitieux de comprendre sa psychologie sans avoir vraiment analysé le caractère de Jorge Mario Bergoglio, homme aux multiples facettes. Son enthousiasme, son incroyable détermination et son goût du défi ne le quittent jamais.
Le Saint-Père avec le grand imam Nasaruddin Umar de la mosquée Istiqlal, jeudi à Jakarta (Indonésie). (Crédits : © LTD / TIZIANA FABI/AFP ; ANDREW KUTAN / AFP)
Sujet de taille pour les Français : Sa Sainteté viendrait à l’inauguration de Notre-Dame restaurée. Il arriverait le 7 décembre au matin, jour où la cathédrale, propriété de l’État, sera remise à son affectataire, l’Église catholique, et où aura lieu une célébration liturgique qui devrait comprendre une bénédiction, un magnificat ainsi que les vêpres. Le lendemain, François présiderait la grand-messe aux côtés de l’archevêque de Paris, Mgr Ulrich, des centaines de prêtres de la capitale et des évêques de l’Île-de-France. L’évêque de Rome est ensuite attendu au cœur de la Ville éternelle pour célébrer comme chaque année la fête de l’Immaculée Conception. Il y préside une procession à l’ombre de la Piazza di Spagna, dépose une couronne de fleurs au pied de la statue de la Vierge, qui « donne aux Romains la grâce d’affronter avec patience les difficultés »… Juste avant cela, le pape argentin va se recueillir devant l’icône de Marie, à qui il confie toujours ses voyages. Un rituel immuable depuis les débuts de son pontificat. Il lui dépose dans la basilique Santa-Maria-Maggiore le petit bouquet qui a été placé devant son siège dans l’appareil lors du vol retour et qu’il n’oublie jamais d’emporter. Ainsi il la remercie de sa haute protection pendant tout le voyage.
Depuis le début de son pontificat, François s’est peu attardé dans notre pays, « fille aînée de l’Église »
C’est ces jours-ci, comme nous l’a secrètement confié un influent prélat du Vatican, que l’organisation de la venue du Saint-Père à Paris serait en train de finir d’être mise au point. Ce choix arrêté des 7 et 8 décembre correspond en revanche à des dates providentielles pour le pape car elles lui permettraient en effet d’accomplir cette fois-ci un geste essentiel envers la France sans devoir y rester plus longtemps en raison de ses obligations dans la capitale italienne. Selon nos informations, le souverain pontife arriverait à Paris le samedi en fin de journée. Il dormirait à la nonciature et présiderait la messe inaugurale le dimanche 8 décembre avant de quitter la capitale à la mi-journée.
Depuis le début de son pontificat, il s’est peu attardé dans notre pays, « fille aînée de l’Église », où, rappelons-le, il s’est rendu en visite éclair au Parlement européen à Strasbourg, le 25 novembre 2014, sans même entrer dans la cathédrale puis à Marseille, trente heures, les 22 et 23 septembre 2023 à l’occasion des Rencontres méditerranéennes et pour présider la messe au stade Vélodrome de la cité phocéenne.
L’Argentin au caractère indomptable veut mourir sur scène, à l’inverse de Jean- Paul Ier, Jean-Paul II et Benoît XVI
Afin d’avoir la confirmation de sa présence tant attendue à l’inauguration de Notre-Dame, je pose à voix basse l’incontournable question à François, en route vers Jakarta, car, notamment sur ce sujet précis, tout le monde est aux aguets. « On étudie cela… », précise-t-il, réponse doublée d’un clignement des yeux et d’un sourire malicieux. Un message plus subtil qu’une déclaration officielle… Nous y sommes, c’est sa promesse du soir ! L’important avec « papa » Bergoglio, élu le 13 mars 2013, est souvent de décrypter les silences et le froncement des sourcils.
François en cinq dates
1936 Naissance le 17 décembre à Buenos Aires (Argentine) de Jorge Mario Bergoglio
1969 Ordonné prêtre
2001 Créé cardinal par le pape Jean-Paul II
2013 Élu pape à 77 ans le 13 mars
2024 Début de la tournée asiatique du pape le 3 septembre en Indonésie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, au Timor oriental et à Singapour
Lien source : Réouverture de Notre-Dame : le pape attendu à Paris