vendredi, mars 29

Retraites : Elisabeth Borne ne prévoit pas de recourir au 49.3 pour faire passer la réforme

Face à une opposition grandissante à sa réforme des retraites, Élisabeth Borne s’est expliquée jeudi soir sur France 2 sur le sens de son projet qu’elle n’pas qualifié de  « juste » comme elle le disait jusqu’ici. Et pour cause : le gouvernement a été critiqué pour avoir utilisé ce vocable au moment de la présentation du projet alors qu’il subsistera des disparités de durées de cotisations et que ceux qui ont commencé à travailler plus jeunes devront contribuer plus longtemps au système. La situation de certaines femmes a aussi été soulignée.

Lire aussiReforme des retraites : pourquoi de nombreuses femmes seront perdantes

Un 49.3 n’est pas envisagé

Elisabeth Borne a plutôt insisté sur l’« effort » demandé pour convaincre les Français.  Alors que la pression de la rue est forte et qu’une majorité à l’Assemblée nationale sur le texte n’est pas acquise, la Première ministre a déclaré qu’elle « n’envisage pas l’hypothèse » d’un recours au 49.3 pour faire adopter sa réforme qui repousse notamment l’âge de départ de 62 à 64 ans. Difficile néanmoins de dire le contraire néanmoins alors que le texte arrive lundi dans l’hémicycle. Le gouvernement et sa majorité sortiraient « politiquement affaibli » d’un recours au 49.3.

« Je cherche des compromis sur ce texte comme sur tous ceux que je présente au Parlement » a répondu sur France 2 la Première ministre, alors que le gouvernement a déjà eu recours à dix reprises au 49.3 pour l’adoption des textes budgétaires.

Environ 20.000 amendements, dont près de 13.000 de LFI, ont été déposés en vue de l’examen de la réforme, a appris l’AFP de sources parlementaires. Marine Le Pen, chef de file des députés RN, qui en ont déposé plus de 200, a accusé l’alliance de gauche Nupes de faire « obstruction » et de « permettre au gouvernement de faire passer la réforme (…) sans vote », comme la procédure parlementaire pourrait le permettre.

Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, s’est, quant à lui, dit « convaincu » qu’il y aura suffisamment de voix pour voter le texte, tout en admettant qu’une « majorité, ça se construit, ce n’est jamais donné d’avance ». Les yeux sont braqués sur Les Républicains, divisés sur la réforme et dont le soutien au texte permettrait de ne pas passer par le 49.3.

Lire aussiRéforme des retraites : le plan de la CFDT pour faire plier le gouvernement

Sanctions

Elisabeth Borne a redit le côté « indispensable » de la réforme « pour sauver le système de retraites », même si « ça n’est pas simple de demander aux Français de travailler progressivement plus longtemps ».

Concernant le travail de seniors, aspect crucial de la réforme, Elisabeth Borne s’est dite favorable à des « sanctions » contre les entreprises qui ont de « mauvaises pratiques » en matière d’emploi des seniors. Au sujet de l’index d’emploi des seniors que le gouvernement veut mettre en place, Elisabeth Brtne « pense qu’on peut aller plus loin (…) en disant que les entreprises dont l’index montre qu’elles n’ont pas des bonnes pratiques à l’égard des seniors, doivent mettre en oeuvre un plan d’action qui évidemment sera négocié dans l’entreprise ». « Et si elles ne le font pas, ou s’il n’y a pas d’effets pour corriger les mauvaises pratiques, alors il pourrait y avoir des sanctions », a-t-elle ajouté.

Edouard Philippe sort de son mutisme

Avant d’être interrogée pendant 35 minutes par la journaliste Caroline Roux dans l’émission « L’Evénement », Elisabeth Borne a reçu le soutien d’Edouard Philippe, chef du parti allié Horizons, qui a annoncé son soutien « sans ambiguïté au projet.  Accusé de ne pas suffisamment soutenir l’exécutif, ce partisan d’un report de l’âge de départ jusqu’à 65, 66 voire 67 ans, voit son groupe semer la confusion, certains députés menaçant de voter contre ou s’abstenir.

En première ligne sur cette réforme, la cote de confiance de la Première ministre a atteint un plus bas depuis sa nomination à 23% (-4 points), selon un sondage Elabe réalisé mardi et mercredi. Après une mobilisation record mardi, avec entre 1,2 et 2,7 millions de personnes dans la rue, qui sera suivie par deux nouvelles journées d’action la semaine prochaine, le gouvernement a dit « entendre » et « comprendre »la colère des Français.

Mais la cheffe du gouvernement a aussi serré la vis en affirmant dimanche que le report à 64 ans, qui cristallise le mécontentement, n’était « plus négociable ». Ce raidissement expose à d’éventuels blocages dans le pays, que 60% (+3 points en une semaine) des Français « comprendraient », selon un sondage Elabe publié mercredi, tandis que 71% restent opposés à la réforme.

Lire aussiPour ou contre : les grèves sont-elles encore efficaces ? (François Dubet face à Jean-François Amadieu)

Berger (CFDT) appelle à « amplifier » la mobilisation le 7 février

Il faut « amplifier »la mobilisation contre la réforme des retraites lors de la journée d’action du 7 février, a jugé jeudi soir le leader de la CFDT Laurent Berger, qui a regretté l’absence d’ « empathie » exprimée par la Première ministre Elisabeth Borne sur France 2. Réagissant à chaud après un entretien au cours de laquelle la Première ministre est revenue sur les mesures de la réforme, Laurent Berger a regretté qu’on n’ait « pas entendu parler de travail ». Or, « c’est de travail dont il aurait fallu parler ce soir pour montrer un minimum d’empathie », a-t-il regretté, ajoutant: « on a l’impression qu’il n’y a pas en ce moment un mouvement social dans ce pays ».

« Les gens ont envie qu’on parle ce soir de leur travail, de la prise en compte de ce qu’ils expriment », a-t-il insisté, rappelant les deux journées d’action du 19 et du 31 janvier, cette dernière date ayant suscité la « plus grande » mobilisation « depuis 30 ans ».

Lors de la prochaine journée décidée par l’intersyndicale, mardi 7 février, « il faut continuer la mobilisation » des 19 et 31 janvier et « il faut l’amplifier », a insisté le leader syndical. Quant à la journée suivante, le samedi 11, elle offrira « la possibilité de venir manifester, y compris pour les travailleuses, les travailleurs qui ne viennent pas forcément en semaine, y compris en famille », pour « montrer qu’il y a un vrai mécontentement et une vraie mobilisation », a-t-il poursuivi. Il a salué l’annonce par Mme Borne que des sanctions financières pourraient être appliquées aux entreprises qui n’agiront pas en faveur de l’emploi des seniors. « Je lui donne le point », a-t-il dit. Mais c’est le report de l’âge légal à 64 ans qui fait que « cette réforme est injuste », a-t-il insisté.

« A quel moment le gouvernement, Mme Borne, va entendre cet appel du monde du travail (disant) cette réforme on ne veut pas ? », s’est-il interrogé.

La réforme est « injuste et brutal »”, a renchéri le dirigeant de FO, Frédéric Souillot, lui aussi interrogé dans le cadre du débat qui a suivi l’intervention de la Première ministre.

AFP

Lien source : Retraites : Elisabeth Borne ne prévoit pas de recourir au 49.3 pour faire passer la réforme