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Retraites : le cortège parisien s’élance, des heurts à Rennes et à Nantes… Le point sur la journée de mobilisation

[Article publié le jeudi 23 mars 2023 à 07h21 et mis à jour à 15h12] L’interview télévisée d’Emmanuel Macron aura réussi à crisper les syndicats. Ces derniers ont appelé ce jeudi à une nouvelle journée d’action, la première depuis que la loi sur la réforme des retraites a été adoptée par les parlementaires. Si les syndicats n’ont pas avancé de chiffres sur l’ampleur globale de la manifestation, la police anticipe « entre 600 et 800.000 personnes sur environ 320 actions », dont 40 à 70.000 à Paris.

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Peu avant le départ du cortège parisien, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a noté un« regain de mobilisation » et appelé « à la non-violence », ajoutant que « jusqu’au bout il va falloir garder l’opinion » qui est une « pépite ».

Dans la capitale, le cortège s’est élancé peu après 14 heures de la place de la Bastille, en direction de la place de l’Opéra. Environ 500 gilets jaunes et 500 éléments radicaux y sont attendus.

Les premiers cortèges de manifestants qui se sont élancés ce jeudi ont parfois été marqués par des moments de tension. Des heurts ont opposé jeudi à Nantes et Rennes des manifestants aux forces de l’ordre. Ces dernières ont répondu aux dégradations et jets de projectiles par des tirs de gaz lacrymogène et de canon à eau.

Des tensions entre manifestants et forces de l’ordre dans plusieurs villes

Le syndicat Force Ouvrière a annoncé à Rennes, 35.000 participants, et 22.200 selon la préfecture. Selon un bilan provisoire de la préfecture d’Ille-et-Vilaine, un manifestant de 41 ans a été pris en charge par les pompiers pour un traumatisme au genou, trois membres de forces de l’ordre ont été « impactés par des jets de projectiles » et quatre personnes ont été interpellées.

A Nantes, la police a annoncé 25.000 manifestants. Les syndicats, eux, revendiquent 80.000 manifestants, soit la plus grosse mobilisation depuis le début du mouvement.

La manifestation avait débuté dans le calme peu après 10h30 mais s’est tendue deux heures plus tard. Symptôme des tensions, la manifestation organisée à Lorient (Morbihan) a elle aussi été marquée par des troubles inédits, lorsque des manifestants, en grande partie des jeunes au visage dissimulé, ont pris pour cibles les forces de l’ordre et le commissariat de la ville.

Côté participation, le ministère de l’Education a recensé 21,41% d’enseignants grévistes jeudi, contre 32,71% le 7 mars dernier. Dans le détail, la participation au mouvement social s’élève à 23,22% dans le primaire et 19,61% dans le secondaire (collèges et lycées). Entre 40 et 50% de grévistes étaient attendus dans les écoles maternelles et élémentaires, selon le Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire.

Un quart des salariés d’EDF en grève

Le taux de grévistes le plus élevé chez les enseignants date du 19 janvier, lors de la première journée d’action, avec 42,35% dans le primaire et 34,66% dans le secondaire, selon les chiffres du ministère. Le gouvernement a recensé 15,5% de grévistes dans la fonction publique d’Etat à la mi-journée.

Dans les transports, le taux provisoire de grévistes atteignait 25% jeudi midi à la SNCF. Selon une source syndicale, la mobilisation reprend de la vigueur, mais reste bien moindre qu’au début de la mobilisation. Quelque 15% des cheminots devraient être en grève vendredi, selon la même source.

Un peu plus d’un quart des salariés d’EDF (25,3%) ont cessé le travail jeudi à la mi-journée. Cette participation est en légère hausse par rapport à la précédente journée de mobilisation, le 15 mars, lors de laquelle la direction avait comptabilisé 22,45% de grévistes à mi-journée par rapport aux effectifs totaux de l’entreprise.

La pénurie d’essence et de diesel en stations-service va croissant. Selon l’AFP, 15% des stations françaises manquent de l’un ou l’autre jeudi, et 7,65% des stations sont à sec.

15% des stations-service en pénurie

L’approvisionnement en kérosène de l’Ile-de-France et de ses aéroports par la Normandie « devient critique » en raison des grèves dans les raffineries, a indiqué ce jeudi à l’AFP le ministère de la Transition énergétique. Compte tenu de cette situation, le gouvernement « a pris un arrêté de réquisition » à l’égard des grévistes de la raffinerie TotalEnergies de Normandie. Cette raffinerie a été mise à l’arrêt le week-end dernier.

Plus de la moitié des stations-service de Loire-Atlantique sont touchées par des pénuries d’au moins un carburant, et environ une sur six à l’échelle de toute la France, selon des données publiques analysées jeudi par l’AFP. Au total, 15,14% des stations-service de France étaient en pénurie d’au moins un des carburants à 9 heures ce jeudi matin. Seule une raffinerie TotalEnergies sur quatre est en fonctionnement.

Les grévistes des stockages souterrains de Storengy, filiale d’Engie, qui ont bloqué l’émission de gaz sur le réseau dans plusieurs sites depuis quelques jours, souhaitent désormais empêcher l’opération inverse et donc le remplissage des stockages pour l’hiver prochain, a-t-on appris jeudi de sources concordantes. « La conjoncture gazière a totalement changé », a déclaré à l’AFP Frédéric Ben, responsable du secteur gaz à la CGT Energie. Il a énuméré les températures clémentes, la reprise de l’activité pendant plusieurs jours au terminal méthanier de Dunkerque et les importations de gaz par pipeline “au maximum”.

« Les réseaux étant pleins, on n’est plus en mode soutirage, Storengy est passé en mode injection » pour stocker le gaz en vue de l’hiver prochain, a-t-il ajouté. En conséquence, les salariés du terminal méthanier de Dunkerque, opéré par le groupe belge Fluxys, ont de nouveau rejoint les trois autres terminaux méthaniers de France, opérés par Elengy, filiale d’Engie, pour une grève de 24 heures, a indiqué la CGT, une information confirmée par la direction. Les grévistes ont « baissé de 80% la production de gaz sur le réseau » de ce terminal, selon Frédéric Ben.

Des lycées bloqués

Des dizaines de lycées et d’universités étaient bloqués en France : à Paris, l’université d’Assas, bloquée pour la première fois, le prestigieux lycée Louis-le-Grand, ainsi que Racine, Rodin, Jules Ferry… Même chose pour plusieurs établissements à Marseille, Toulouse et Rennes, entre autres.

Devant Louis-le-Grand, 150 à 200 personnes étaient rassemblées, avec des pancartes « Macron démission » ou « La retraite avant l’arthrite », scandant « Paris, Paris soulève toi », selon une journaliste de l’AFP.

Le syndicat étudiant L’Aternative comptabilisait quelque 80 écoles et universités mobilisées en France, dont une soixantaine bloqués au moins partiellement ou occupés.

Jeudi noir dans les transports

Le syndicat FO-RATP, première organisation chez les conducteurs de métro, a appelé à faire de ce jeudi « une journée noire » dans les transports. Pour autant, si le trafic des RER et du métro parisien sera « très perturbé », il le sera moins que celui observé au début de la mobilisation.

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A la SNCF, seule la moitié des TGV Inoui et Ouigo, ainsi que le tiers des TER rouleront. Selon plusieurs sources syndicales, le taux de déclaration d’intention, qui concerne les salariés obligés de se déclarer grévistes 48 heures à l’avance pour permettre d’organiser le plan de transports, atteint 35% à la SNCF.

A Quimper ce jeudi matin, des manifestants ont bloqué les accès à la gare et occupé les voies depuis l’aube. Les dépôts de bus sont bloqués par des manifestants à Rennes, Saint-Brieuc et Evreux. Plusieurs centaines de manifestants ont envahi les voies Gare de Lyon, à Paris, interrompant la circulation des trains, jeudi matin.

La direction générale de l’Aviation civile (DGAC) a demandé aux compagnies aériennes d’annuler 30% de leurs vols à Paris-Orly et 20% dans d’autres aéroports, une demande qu’elle a réitéré ce jeudi pour la journée de vendredi.

La Tour Eiffel et le château de Versailles, entre autres lieux touristiques de Paris et de sa région, étaient à nouveau fermés au public. L’Arc de triomphe, en haut des Champs-Elysées, était également fermé.

« Il y a un délai de décence »

Selon une source proche du gouvernement, l’exécutif s’attend à ce que la mobilisation « s’étiole » après la manifestation de jeudi, et à ce que tout rentre dans l’ordre « ce week-end ». Emmanuel Macron veut par ailleurs « réengager » un dialogue avec les partenaires sociaux sur le rapport au travail.

Mais « il faut attendre quelques jours, quelques semaines », a-t-il observé. Réponse immédiate de Laurent Berger : « Ce sont des mots creux, pour l’instant, il y a un gros conflit social, une crise démocratique, une crise sociale. Faut être dingue, il y a un délai de décence ».

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Les syndicats fulminent

L’interview du président de la République Emmanuel Macron a été suivie par 10 millions de téléspectateurs sur TF1 et France 2 mercredi à 13 heures. « Cette intervention va attiser la colère », a affirmé sur RTL le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, qui quittera la semaine prochaine la direction de la Confédération, lors du 53e Congrès de l’organisation.

« La provocation vient de la part du pouvoir », a-t-il dit, dénonçant une comparaison « scandaleuse » avec les émeutes du Capitole et la volonté de l’exécutif de « casser la grève » en envoyant la police sur les piquets de grève. « Déni et mensonge », a fulminé son homologue de la CFDT Laurent Berger, alors qu’Emmanuel Macron venait d’affirmer qu’aucun syndicat n’avait proposé de compromis sur les retraites.

(Avec AFP)

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