mardi, avril 30

Attractivité économique : l’Etat dévoile les 55 sites clés en main pour réindustrialiser la France

Annoncé par Emmanuel Macron en mai 2023 à l’Elysée, puis poussé par l’association d’élus Intercommunalités de France, avant d’être inscrit dans le projet de loi Industrie verte, le programme « sites France 2030 » voit (enfin) le jour. Les ministres Roland Lescure (Industrie et Energie) et Christophe Béchu (Transition écologique et Cohésion des territoires) viennent de dévoiler la liste de 55 sites « clés en main ». Objectif: convaincre les investisseurs de s’implanter ou de rester en France.

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Il s’agit soit de foncier appartenant soit à des collectivités territoriales (28), soit à des entreprises privées (11), soit à d’autres structures (16). Trente sont des friches industrielles et 25 des terres vierges, d’une superficie comprise entre 3 et 340 hectares, équipées en électricité, en eau et en gaz, et raccordées à des routes ou à d’autres infrastructures de transport. Au total, 3.342 hectares seront disponibles, à raison de 1 à 8 sites par région.

Autres critères qui ont prévalu à cette sélection : la présence d’un bassin d’emploi et d’un écosystème différenciant dans le territoire, la maîtrise foncière du site, la maturité du site et bien entendu la pertinence et l’intégration au projet des élus de terrain. Les investisseurs pourront en outre bénéficier d’un état des lieux complet du site avec la mise à disposition des études techniques.

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Des sites qui ne sont pas à l’abri de recours

Sauf que ces fonciers ne sont pas à l’abri de recours… «  Nous expurgeons tout ce qui peut être fait avant pour que les délais soient extrêmement réduits », balaie un porte-parole de Bercy à La Tribune. Pour éviter les déconvenues des investisseurs, le président (LR) du Grand Chalon (Saône-et-Loire) Sébastien Martin aime, lui, raconte que sur une ancienne friche Kodak, l’intercommunalité a investi 200.000 euros dans la préparation d’un foncier de 100 hectares baptisé « SaôneOr ».

Concrètement, les élus locaux ont fait réaliser des études 4 saisons, pour la faune et la flore, ainsi que les fouilles archéologiques, avant de se mettre à table avec la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). A la suite de ce travail en amont, les porteurs de projet n’ont qu’à déposer leur permis de construire et à obtenir leur agrément d’« installation classée pour la protection de l’environnement » (ICPE).

L’élu Sébastien Martin en oublierait presque que porter un projet industriel soumis à la réglementation des installations classées protection de l’environnement (ICPE) est tout sauf un long fleuve tranquille. Il faut d’abord déposer un dossier en préfecture, avant que ce dernier soit instruit par la direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports (DRIEAT). Si cette instance le juge irrecevable, elle exige des informations complémentaires dans un délai qu’elle définit. Une fois ces compléments reçus, la DRIEAT reprend l’instruction de la demande.

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Un véritable parcours du combattant

Tant est si bien que le délai est compris entre 12 et 15 mois. À l’issue de l’instruction, une enquête publique est lancée. Selon la dimension du projet, cette dernière est conduite par la commission nationale du débat public (CNDP) ou par des commissaires enquêteurs désignés par le tribunal administratif. Lorsque l’enquête publique s’achève, le rapport et les conclusions motivées sont remis au préfet de département. Celui-ci peut, dans certains cas, consulter une commission départementale nature, site et paysage (CNDPS) et/ou le conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST). Enfin, le préfet prend son arrêté d’autorisation… ou de refus sous quelques semaines.

Un véritable parcours du combattant d’une durée moyenne de 17 mois que l’exécutif, qui vient de changer la législation en ce sens via le projet de loi industrie verte, espère « rapprocher de 9 mois ».

« Nous voulons réduire les délais en proposant du foncier le plus directement possible », poursuit cette même source à Bercy.

D’autant que sur les 55 sites dévoilés aujourd’hui, seuls 5 sites situés dans la Drôme, dans l’Indre, dans les Deux-Sèvres, dans les Hautes-Pyrénées et dans les Bouches-du-Rhône, sont déjà opérationnels.

Sites clés en main

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Pour les 50 sites restants, certains nécessitent des travaux et deviendront disponibles à horizon 2025-2027 et d’autres le seront au-delà même de la fin du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron. Et ce alors que cinquante autres sites s’étaient portés candidats. « C’est un label de qualité pour faire rayonner les sites à l’international », évacue le cabinet du ministre de l’Industrie et de l’Energie, lors d’une conférence de presse téléphonique organisée ce 16 avril.

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450 millions d’euros sur la table

Les fonciers retenus devront en effet être valorisés tant par l’agence d’attractivité Business France que par les agences régionales de développement économique, ainsi que par les préfectures. « Un sous-préfet dédié accompagnera et pilotera l’action de l’Etat pour chaque site, précisera la feuille de route et identifiera les financements. Quelques millions d’euros pourront être mobilisés pour des études et des compléments de travaux », fait encore savoir l’entourage de Roland Lescure.

Au total, l’Etat s’engage à apporter aux collectivités territoriales concernées près de 450 millions d’euros de dépenses d’investissement, soit sous forme de capital soit sous forme de prêts. En réalité, ce montant n’est rien d’autre que l’enveloppe annoncée dès l’an dernier par la Banque des territoires (groupe Caisse des Dépôts) pour « pré-aménager et pré-équiper par anticipation » tous ces sites. Et ce sans compter les financements privés des investisseurs attirés par ces terrains.

César Armand

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