jeudi, mai 2

Bourse : la montée des tensions entre Israël et l’Iran ne fait pas bouger les marchés européens

Un vendredi pas banal pour les marchés financiers. Et pour cause. Tôt ce matin, des explosions proches d’installations militaires et nucléaires iraniennes ont été rapportées par des sources sécuritaires américaines haut placées, qui les imputent à Israël. La modalité de l’attaque, semble-t-il, opérée par drones et potentiellement lancés du territoire iranien, est évoquée, mais pas encore confirmée par l’armée israélienne.

Le pétrole bondit pour finalement se stabiliser

Parmi les premières classes d’actifs à réagir à mesure que la nouvelle s’est propagée, le pétrole, qui a vu son cours bondir de plus de 4%, pour finalement s’orienter en baisse en fin de matinée. Le marché veut, en effet, croire à une désescalade des tensions entre Israël et l’Iran. Vers 16h (heure de Paris), le prix du baril de Brent de la mer du Nord, pour livraison en juin, valait 87,16 dollars (+0,07%) et son équivalent américain, le baril de West Texas Intermediate (WTI), pour livraison en mai, s’échangeait pour 82,80 dollars (+0,08%).

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« Si les prix du pétrole agissaient comme un baromètre du risque géopolitique au Moyen-Orient, les niveaux actuels suggéreraient que ce n’est pas un sujet », a d’ailleurs commenté à l’AFP Stephen Innes, analyste de Spi AM. Un point de vue partagé par un autre analyste des marchés financiers, interrogé par La Tribune, travaillant à la Place de Paris : « Ce qui s’est passé sur les marchés pétroliers ce matin est, certes, notable, mais cela restera un soubresaut au regard de la réaction tempérée des autorités iraniennes à ces attaques ».

Au fil de la journée, le marché du pétrole, qui craignait des représailles de l’Iran, s’est en effet redressé après des déclarations modérées de responsables politiques de Téhéran dans des médias d’État iraniens. « L’explosion d’aujourd’hui dans le ciel d’Ispahan était liée au tir de systèmes de défense anti-aérienne sur un objet suspect qui n’a causé aucun accident ni dommage », a d’ailleurs déclaré le commandant en chef de l’armée du pays, Abdolrahim Mousavi, selon l’agence de presse Tasnim. En clair, l’Iran a minimisé l’impact de ces explosions sans accuser directement Israël, qui ne les a pas revendiquées.

Une journée au ralenti pour les marchés actions

Du côté des marchés actions, la journée a aussi démarré de manière turbulente. À l’ouverture de la Bourse de Paris, son indice phare, le CAC 40 a chuté de près de 1%, avant de se redresser au fil des heures. Si elle n’a pas été catastrophique, la journée des principales bourses européennes a suivi une trajectoire au ralenti : en début d’après-midi, la Bourse de Paris reculait de 0,30%, celle de Francfort de 0,60%, tandis que Milan perdait 1,02% et Londres 0,55%.

Mais ces pertes enregistrées ont finalement été épongées et la Bourse de Paris a fini stable (-0,01%) à 8.022,41 points, Francfort a perdu 0,56%, mais Londres a gagné 0,24% et Milan 0,12%.

Du côté de la Bourse de New York, la journée de vendredi a commencé de manière mitigée. À l’ouverture, l’indice Dow Jones a grappillé 0,27%, le Nasdaq, à dominante technologique, perdait 0,32% et le S&P 500 stagnait (+0,01%).

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C’est en Asie que l’inquiétude des marchés a été la plus marquante ce vendredi. Dans la foulée de la nouvelle de l’attaque, l’indice vedette Nikkei de la Bourse de Tokyo a dévissé, lâchant 1.011,35 points (-2,66%). Il s’agit de sa pire chute en points depuis plus de trois ans. De sorte qu’à la fin des échanges de vendredi (heure de Tokyo), le Nikkei a atterri à son plus bas niveau de clôture depuis le 9 février et affichait une chute de 6,2% sur l’ensemble de la semaine écoulée. Ailleurs en Asie, la Bourse de Hong Kong a finalement abandonné 0,99% et Shanghai 0,29%.

« Face à la situation géopolitique tendue au Moyen-Orient, les marchés sont pour le moment résilients. Certains investisseurs ont même profité des derniers événements pour faire des profits. Les marchés liquides permettent cela. Aussi, ce genre d’occasions sont pour eux une fenêtre pour respirer », commente l’analyste financier parisien.

Le marché obligataire et les valeurs refuges restent solides

Du côté du marché obligataire, les tensions entre Israël et l’Iran ne semblent pas être non plus un sujet. Ce vendredi, vers 16h20, le rendement des emprunts américains à dix ans revenait ainsi à 4,61% (contre 4,63% à la clôture jeudi). Son homologue allemand, à même échéance, s’établissait à 2,51% (contre 2,50% la veille). À noter : le bitcoin, cryptomonnaie de référence, gagnait, lui, 1,53% à 64.504 dollars.

Si les marchés actions, plus risqués, montrent une certaine fébrilité face aux tensions géopolitiques au Moyen-Orient, les valeurs refuges, elles, ont engrangé des profits ces derniers jours. L’or ou le franc suisse, restent en effet très recherchés par les investisseurs. Ainsi, vers 12h50 (heure de Paris), la devise helvétique prenait 0,43% contre le billet vert, à 0,9084 franc suisse pour un dollar. De son côté l’or montait de 0,11% à 2.381,73 dollars l’once, non loin de son sommet absolu atteint la semaine dernière (à 2.431,52 dollars).

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Le risque d’un embrasement pour les marchés

Si, dans leur ensemble, les marchés n’ont pas cédé à la panique ce vendredi, le risque d’un embrasement du Moyen-Orient pourrait changer la donne. « Les marchés, notamment pétroliers, pourraient être sérieusement perturbés si la région entrait dans un conflit de haute intensité engageant toutes les puissances de la région et leur soutiens occidentaux ou orientaux », explique l’expert financier de la Place de Paris.

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Sans aller jusqu’à ce scénario noir, un autre risque pourrait se révéler tout aussi déstabilisant pour le marché des hydrocarbures : le blocage par l’Iran du détroit d’Ormuz, qu’elle contrôle en partie. Pour l’économiste Philippe Chalmin, interrogé par La Tribune la semaine dernière, « si l’Iran bloquait le détroit d’Ormuz », le conflit « changerait de dimension ». Ce spécialiste des marchés des matières premières rappelait ainsi que ce détroit voit passer près de 20 millions de barils de pétrole par jour, soit « un tiers des exportations mondiales ». Et, selon l’économiste, « même si une partie peut sortir par les Émirats arabes unis, bloquer le détroit d’Ormuz serait suffisamment important pour que les 100 dollars le baril soient largement dépassés ».

Mais selon Francis Perrin, directeur de recherche à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), il semble peu probable que l’Iran opère un tel blocage. « Le régime de la République islamique n’étudierait cette option que s’il se sentait profondément menacé. En l’état, il n’y a pas intérêt puisque cela entraînerait une guerre, et pas seulement avec Israël, mais également avec les États-Unis. Par ailleurs, cela bloquerait ses propres exportations de pétrole », expliquait aussi à La Tribune le professeur.

Mathieu Viviani

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