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Crédit immobilier : le nombre de prêts remonte en flèche et signe le retour des emprunteurs

Le marché du crédit immobilier, après son effondrement au second semestre 2023, amorce un nouveau cycle. « C’est clairement un paysage de sortie de crise que nous observons », résume Michel Mouillart, professeur des Universités et conseiller scientifique de l’Observatoire Crédit Logement, lors de la présentation de son étude sur le premier trimestre. Une sortie de crise qui sera « lente, avec peut-être des déconvenues », tempère cependant cet expert reconnu du marché de l’immobilier.

La baisse des taux moyens de crédits à l’habitat (hors assurances et frais) se confirme, et ce depuis le début de l’année, sur un rythme soutenu de l’ordre de dix points de base par mois.

Sur le premier trimestre, le taux moyen relevé par Crédit Logement (dès l’octroi de la garantie, soit un ou deux mois avant le décaissement effectif du crédit qui est lui comptabilisé par la Banque de France) s’établit à 3,99%, contre une moyenne de 4,20 % au trimestre précédent. Selon les derniers pointages, le taux moyen poursuit sa décrue à la mi-avril à 3,83%, une baisse qui ne ralentit donc pas. Selon les prévisions de Crédit Logement, ce taux moyen devrait tomber à 2,75% à la fin de l’année et retrouver ses niveaux des années 2013-2014.

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Peu d’impact sur la capacité d’emprunt

« 75% des emprunteurs bénéficient aujourd’hui de conditions dont nous n’aurions pas rêvé il y a quelques mois encore », décrit Michel Mouillart. Et cette baisse des taux bénéficie à toutes les catégories de prêts et toutes les catégories d’emprunteurs, même ceux dont le profil est jugé plus risqué. Cela témoigne aussi du retour des banques sur le marché du crédit alors même que les conditions de refinancement ne sont pas améliorées aussi rapidement que prévu.

Pour autant, cette baisse des taux n’a pas encore véritablement influé sur la capacité d’emprunt des ménages. En décembre 2023 et mars 2024, l’annuité moyenne a reculé de seulement 3 %. Reste que les contraintes de crédit devraient s’alléger progressivement.

Ainsi, le coût moyen d’une opération (différent du prix au m2) a tendance à se stabiliser (-2%) sur le premier trimestre – il augmente même en mars – après la chute de 2023 (-5,9%). Ces deux années de crise ont, en effet, profondément transformé le marché du crédit immobilier, avec un déplacement de clientèle sur de nouvelles zones géographiques plus accessibles ou l’abandon de centres urbains, ce qui s’est traduit par une baisse du coût moyen d’une opération.

Situation paradoxale

Mais là aussi, le marché semble sur un point d’inflexion. En revanche, l’apport personnel continue de grimper fortement, sur des rythmes de croissance de 2020 à 2022. C’est bien cette forte hausse de l’apport personnel depuis 2019 – il a même bondi de 55 % sur le logement neuf – qui souligne l’éviction du marché des jeunes, des ménages les plus modestes, des familles nombreuses.

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Mais, selon les données de l’Observatoire, la baisse des taux n’a pas permis de redresser l’indicateur de solvabilité des ménages, qui stagne au même niveau depuis un an et demi. Cet indicateur clé est tiraillé par des vents contraires, entre rebond du coût des opérations, hausse de l’apport et stagnation des revenus.

« Nous sommes dans une situation un peu paradoxale. D’un côté, nous avons des indicateurs qui nous disent le marché reprend progressivement des couleurs. Mais, de l’autre côté, les indicateurs conventionnels d’évaluation des capacités des ménages à emprunter ou à entrer sur le marché semblent flotter, en tout cas, ne donnent pas de signes très convaincants d’évolution du marché, dans un sens comme dans l’autre », avance Michel Mouillart.

Évolution spectaculaire

Pour autant, la baisse des taux est un signal fort à destination des ménages pour enfin imaginer, à nouveau, des projets immobiliers. « Nous sommes quand même dans une situation où beaucoup de conditions font que probablement la décision d’acheter un bien immobilier l’emporte désormais sur la décision de ne pas le faire », ajoute l’économiste.

Pourtant, en glissement annuel (premier trimestre 2024 vs premier trimestre 2023), rien de bouge sur la production de crédit. Le nombre de prêts en toujours en fort recul de 35% et la production tombe de plus de 40%. Mais, ces chiffres du premier trimestre masquent en réalité, selon l’Observatoire, des évolutions « spectaculaires ».

En glissement trimestriel (premier trimestre 2024 vs le trimestre précédent), le nombre de prêts a augmenté de 1% et la baisse de la production est limitée à 2%. Ce qui marque un retournement après l’effondrement de la production au second semestre 2023. L’ouverture du robinet à crédit et le retour des emprunteurs a même permis sur le mois de mars, comparé à décembre, un bond de 46% du nombre de dossiers et de 52% de la production. Certes, décembre fut sans doute un point bas, mais « nous n’avons jamais connu un rebond d’une telle ampleur », note Michel Mouillart.

Pour autant, la production de crédit ne devrait pas connaître en 2024 une hausse spectaculaire, mais plutôt prendre la forme d’une lente remontée après une période très déprimée. Au total, la production, cette année, devrait rester autour de 150 milliards d’euros, soit le même niveau qu’en 2023, avant de connaître une progression à deux chiffres, dans le sillage du second semestre 2024, et pourrait atteindre les 165 ou 170 milliards d’euros fin 2025. Une certitude : le marché ne retrouvera jamais les belles années de 2019 ou de 2021 (200 milliards) !

Le diagnostic énergétique a une forte influence sur les prix

 Les notaires l’avaient déjà constaté, l’Observatoire du Crédit Logement/CSA le confirme : les étiquettes énergétiques DPE (diagnostic de performance énergétique), pourtant de plus en plus contestées sur le fond, ont une forte influence sur les prix de l’immobilier.

En prenant comme référence une étiquette D, l’Observatoire a en effet mesuré l’écart de prix de moyen au mètre carré par l’étiquette concerné. Et le constat est sans appel. En 2022, l’écart de prix par rapport à une étiquette G est de -5,4% et, à l’inverse, il est de + 2,4 % pour une étiquette A (excellent DPE). « Ce phénomène était donc visible dès 2022 », souligne Jean-Marc Vilon, directeur général de Crédit Logement.

En 2023, cet écart s’est encore creusé : un bien immobilier avec une étiquette G va se vendre moins cher de près de 10 % (9,7%) qu’un bien avec un DPE D alors qu’un bien avec une étiquette A se vendre en moyenne 4,2 % plus cher. Ces écarts ont donc pratiquement doublé en un an en moyenne.

Toutefois, il existe de très grandes disparités entre les régions. Sur certaines régions, une « mauvaise étiquette » peut plomber le prix d’un bien de 15 % à 18 %, comme en Bourgogne Franche Comté (-16,3%), Centre Val de Loire (-17,9%) ou Hauts de France (-15,9%). En revanche, cet écart peut-être plus réduit, voire négligeable, dans des régions au climat plus doux, comme Occitanie et Provence-Alpes-Côte d’Azur, ou sur des marchés en tension comme l’Ile-de-France. A Paris, où le logement neuf est quasiment inexistant, l’impact est quasi-nul (-3% pour une étiquette G).

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