dimanche, mai 19

Danger pour la transition écologique, les minerais stratégiques sont gravement menacés

Le train du dérèglement climatique pourrait percuter celui des efforts en faveur de la transition écologique. C’est l’un des enseignements centraux d’une étude récente publiée par le cabinet international de conseil PricewaterhouseCoopers (PwC).

Dans ce rapport, PwC s’est intéressé à l’impact du dérèglement climatique sur neuf produits vitaux pour le fonctionnement de nos sociétés : les céréales de base (blé, le maïs et le riz), les métaux simples (zinc, fer, aluminium), ainsi que le cuivre, le lithium et le cobalt, des minerais absolument stratégiques dans la transition énergétique du monde (fabrication d’éoliennes et de panneaux solaires, batteries pour les voitures électriques, etc).

70% de la production de minerais stratégiques menacée

Et force est de constater que sur ce dernier volet, les prévisions sont assez inquiétantes : selon l’étude, d’ici 2050, plus de 70 % de la production de cuivre, de cobalt et de lithium pourrait être sérieusement menacée par « les stress thermiques » et « les sécheresses » accentués par le dérèglement climatique. La raison est simple : les mines dans lesquelles sont extraits ces minerais se situent au sein de zones vulnérables à ces phénomènes climatiques. Par ailleurs, l’eau est un élément clef du fonctionnement des mines, qui l’utilisent notamment pour filtrer les terres extraites.

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En plus du manque de ressources hydriques, le cabinet de conseil relève un autre facteur de risque pour la productivité de ces industriels : la mise en danger de leurs employés, qui seront exposés à des températures extérieures extrêmes, et ce, pendant plusieurs heures d’affilée. Si l’on ajoute la hausse de l’humidité atmosphérique (qui empêche le refroidissement du corps humain), le danger pour ces travailleurs est d’autant plus important.

Des zones plus menacées que d’autres

Parmi les localités les plus menacées par les pénuries hydriques, on trouve l’Afrique, l’un des continents les plus touchés par les sécheresses, pourvoyeur d’un cinquième des réserves mondiales des métaux essentiels à la transition énergétique. Avec comme pays fleuron, la République démocratique du Congo, premier producteur mondial de cobalt.

L’Amérique du Sud-Est aussi à risque, et plus particulièrement le Mexique, dans le top 3 des producteurs mondiaux de cuivre, ou encore le Chili, fournisseur de près d’un tiers de la production planétaire de lithium. Le rapport désigne également l’Australie, devenu en quelques années l’un des premiers fournisseurs de cet or blanc, essentiel pour les batteries électriques.

L’équation impossible : répondre à une demande explosive et survivre au changement climatique

Le constat dressé par PwC est d’autant plus alarmant que l’offre mondiale de minerais stratégiques est déjà largement insuffisante. Et la tendance ne risque pas de s’améliorer tant la demande des industriels des énergies renouvelables, de l’automobile et des infrastructures électroniques nécessaires à ces derniers, va exploser.

C’est d’ailleurs ce que dit un autre rapport publié fin avril par l’ONU Commerce et Développement. D’après celui-ci, la demande de lithium pourrait augmenter de plus de 1.500% d’ici 2050, avec une tendance quasi-similaire pour le nickel, le cobalt et le cuivre. « Les investissements mondiaux dans les minéraux essentiels à la transition énergétique ne suivent pas la vertigineuse hausse de la demande », constate donc l’agence onusienne. Conséquence, ajoute-t-elle : « Les niveaux de production actuels ne permettent pas de répondre aux besoins pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, conformément à l’Accord de Paris. »

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Dans son étude, l’ONU Commerce et Développement recense, à ce jour, 110 nouveaux projets miniers dans le monde, d’une valeur de 39 milliards de dollars, dont 22 milliards de dollars investis dans 60 projets dans les pays en développement. Mais pour atteindre les objectifs de zéro émission nette en 2030, l’industrie pourrait avoir besoin d’environ 80 nouvelles mines de cuivre, 70 nouvelles mines de lithium et de nickel, et 30 nouvelles mines de cobalt. Et pour financer le tout : d’ici 2030, les investissements nécessaires sont estimés entre 360 450 milliards de dollars.

Baisser les émissions de CO2 ne suffira pas

Y a-t-il un espoir de voir la situation des minerais stratégiques s’améliorer en cas d’atténuation des émissions de CO2, premières responsables du réchauffement de la planète ? Pas vraiment, explique Olivier Muller, associé Développement durable chez PwC France et Maghreb : « En fait, même si on baisse drastiquement les émissions de CO2 d’ici 2050, les températures vont continuer à augmenter et les sécheresses, à s’accentuer. C’est comme un paquebot qui est déjà emporté par le courant. »

Alors, comment surmonter ce mur inéluctable ? L’adaptation, répond l’étude de PwC, qui cite un de ses sondages, dans lequel le cabinet a interrogé un large panel de PDG. Selon celui-ci, 47 % d’entre eux ont déjà pris « des mesures proactives » pour protéger leurs effectifs et leurs actifs physiques, face au changement climatique.

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« Pour l’industrie des minerais stratégiques, cela peut passer par des solutions pour utiliser moins d’eau, voir, quand cela est possible de la puiser ailleurs que dans le sous-sol. Par exemple, au Chili, il y a des projets pour dessaliniser l’eau de mer et l’utiliser pour les mines de lithium. Mais ce n’est pas possible partout, il est vrai. », explique Olivier Muller.

Chez les industriels de l’automobile, on travaille déjà sur le recyclage des métaux des batteries électriques usagées. D’ailleurs, une loi votée en juin dernier par le Parlement européen fixe comme objectif de récupérer jusqu’à 73% de la matière des batteries en 2030, avec 80% de lithium recyclé et jusqu’à 95% de cobalt, de cuivre, de nickel et de plomb. De sorte que, d’ici 2035, certaines études estiment qu’entre 12 et 14% des besoins européens en métaux critiques seront recyclés.

Mathieu Viviani

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