mercredi, mai 1

Énergie solaire : près de Nantes, la PME Systovi met la clé sous la porte

 « C’est la tristesse qui prédomine, de voir que l’aventure de la construction d’une filière solaire industrielle en France, initiée par Systovi il y a 15 ans, s’arrête là », s’exprime son dirigeant Paul Toulouse, lors d’un entretien accordé à La Tribune, au lendemain de la mise en liquidation judiciaire de la PME spécialisée dans la fabrication de panneaux solaires.

Ce dernier s’était donné un mois pour trouver un repreneur. Dans un secteur particulièrement fragilisé par la concurrence asiatique, ce fabricant localisé en Loire-Atlantique, l’un des derniers avec l’alsacien Voltec Solar, est donc contraint de cesser totalement ses activités.

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“Cette décision était devenue inévitable »

Pour rappel, Systovi avait annoncé le 14 mars dernier sa recherche d’un repreneur. « Nous avons eu une cinquantaine de contacts d’acteurs intéressés, notamment à l’étranger, sur tous les continents. Il y avait majoritairement des entrepreneurs français issus de l’industrie solaire ou proches de cette filière et qui en connaissaient les enjeux. Malgré des discussions très intenses, aucun n’a concrétisé d’offre principalement parce que le marché connaît une concurrence chinoise très déloyale avec un cadre réglementaire qui ne l’empêche pas. Ces acteurs ont jugé l’avenir trop incertain », explique à La Tribune Paul Toulouse.

Il ajoute : « Cette décision douloureuse était devenue inévitable. Nous sommes très tristes de cette issue et mobilisons dès à présent toute notre énergie pour accompagner du mieux possible les femmes et les hommes qui se sont battus depuis 15 ans pour faire exister le solaire français. » L’entreprise indique qu’elle va mettre à disposition de ses 81 salariés des dispositifs d’accompagnement dédiés au retour à l’emploi et identifier des postes ouverts au sein du groupe Cetih, auquel elle appartient depuis 2018, et sur le bassin géographique.

« C’est tout l’enjeu du moment et notre seul sujet de préoccupation. Nous invitons également les entreprises de la région à communiquer les offres d’emploi actuellement disponibles », prolonge Paul Toulouse.

Impossible de rivaliser avec les Chinois

Depuis sa création en 2008, Systovi tentait de contribuer activement à la transition énergétique et à la structuration d’une filière industrielle du photovoltaïque à échelle nationale et européenne. Ces dernières années, l’entreprise dotée d’un site industriel à Carquefou, près de Nantes, avait à ce titre régulièrement investi dans son outil industriel et en R&D. « Plusieurs millions d’euros ont été investis jusqu’en 2023, en partie avec le soutien de l’État, notamment de la région Pays de la Loire », précise son dirigeant. Pour exister face à la concurrence internationale, notamment chinoise, la société avait notamment investi l’an passé dans une nouvelle ligne de production et doublé sa production de 100.000 à 200.000 panneaux.

Malgré ces investissements, l’entreprise a dû faire face à l’accélération soudaine du dumping chinois. « La Chine a baissé ses prix de façon très brutale. La différence était malgré tout soutenable et permettait même d’envisager l’avenir avec optimisme. Malheureusement, à l’été 2023, les industriels chinois ont divisé leur prix par deux en quelques semaines, ce qui a conduit à une raréfaction massive de notre carnet de commandes. Entre le 1er septembre 2022 et le 31 août 2023, nous avions enregistré 32 millions d’euros de commandes. Aujourd’hui, nous sommes sur un rythme très inférieur à un million d’euros », indique Paul Toulouse, selon qui 90% des panneaux vendus sur le sol européen proviennent de Chine.

Paul Toulouse dit avoir alerté, pendant des années, les ministères de l’Énergie et de l’Économie sur les difficultés de la filière photovoltaïque… « Ce qui manque ce sont des dispositions réglementaires qui permettent d’encadrer suffisamment ce marché afin que la compétition devienne loyale. C’est possible dans d’autres filières comme la pompe à chaleur où les subventions seront réservées pour les solutions fabriquées en France. Nous aurions aimé que cela soit aussi le cas dans la filière photovoltaïque. »

En 2023, Systovi affichait un chiffre d’affaires de 21,5 millions d’euros, en croissance de 75% sur un an.

 Un plan de bataille

La France a lancé début avril un « plan de bataille » pour doubler le rythme de déploiement des capacités d’énergie solaire sur son territoire d’ici à 2030. Et soutenir la production de panneaux solaires fabriqués en Europe, face à l’ultradomination industrielle de la Chine. « L’objectif est de produire en France, d’ici à 2030, 40 % des panneaux photovoltaïques que nous utilisons », a déclaré début avril le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire. Le gouvernement compte sur la mise en service de deux usines de panneaux solaires dans le pays d’ici à 2025. Parmi elles figure le projet de l’industriel français HoloSolis dont l’ambition est de construire « la plus grande usine de panneaux et de cellules photovoltaïques en Europe » à Sarreguemines (Moselle).

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