vendredi, mai 3

L’eau du Rhône à Perpignan ? Si oui, pas avant une décennie…

Amener l’eau du Rhône dans les Pyrénées-Orientales. Il y a longtemps que ce dossier agite le département. Par deux fois déjà, il a été repoussé ces dernières décennies. En particulier par le monde agricole qui redoutait que l’eau aille alimenter les champs en Catalogne, donc la concurrence espagnole, puisque le programme Aqua Domitia (extension du grand réseau hydraulique régional pour accompagner l’agriculture et le développement urbain et touristique du Gard, de l’Hérault et de l’Aude en mobilisant des ressources en eau issues du Rhône) devait, à l’origine, poursuivre sa route jusqu’à Barcelone.

À l’issue d’une réunion de travail tenue à Perpignan le 19 avril avec les acteurs locaux du dossier – élus et chambre d’agriculture -, la présidente de la Région Occitanie, Carole Delga, a donné quelques précisions sur cette éventualité désormais réclamée quasi unanimement par le territoire.

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Un éventail de solutions

« Une étude va être réalisée, sous la conduite de BRL et financée par la Région et pour près de 50% par l’État, pour vérifier la faisabilité et les conditions d’un prolongement de l’adduction d’eau jusqu’aux Pyrénées-Orientales, confirme-t-elle. Mais ce n’est surtout pas une solution miracle ! »

Le bureau d’études devrait être désigné dans les semaines qui viennent et l’étude prendre deux ans. L’élue régionale ajoutant que « de toute façon, c’est le projet d’une décennie ». Quoi qu’il en soit, ce projet ne pourrait résoudre à lui seul la situation de pénurie d’eau que subit le département catalan depuis deux ans.

« Pour changer la donne, il faut mettre en œuvre un éventail de solutions, martèle Carole Delga. Cela commence par nous, citoyens, par la réduction de nos consommations d’eau, par des solutions naturelles, la restauration des zones humides, le maillage des réseaux, la création de petites retenues collinaires, la réutilisation des eaux de station… »

Si elle ne confirme ni n’infirme le montant de 500 millions d’euros que pourrait coûter ce tuyau additionnel, l’élue rappelle que c’est un projet qui dépasse largement le cadre de la région et relève de l’intérêt national.

De là à pousser jusqu’à la capitale catalane en Espagne ? « La question n’est pas posée pour le moment mais c’est une discussion qui n’est pas forcément fermée », répond Carole Delga… Quant aux critiques régulièrement avancées sur ce projet, à savoir la captation d’une ressource en eau qui doit se raréfier, là encore, la présidente de Région propose d’attendre les résultats de l’étude tout en précisant que « le potentiel est là, BRL a un quota de 75 m3/seconde mais n’en prélève que 15 ». Localement ou régionalement, les mouvements de défense de l’environnement, s’ils ne sont pas, encore, vent debout, ne voient pas le projet d’un bon œil. Car il viendrait, selon eux et en résumé, consolider un modèle agricole qu’ils jugent délétère.

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« L’exception de l’agriculture méditerranéenne »

« Il va y avoir une nouvelle politique agricole commune, il va falloir négocier pour mettre fin au système de rente accordé aux grandes exploitations, favoriser une agriculture rémunératrice et créatrice d’emploi et faire reconnaître, dans le cadre européen, l’exception que représente l’agriculture méditerranéenne, évoque également Carole Delga, élargissant le débat, insistant sur les blocages encore à l’œuvre. Il faudra aussi que la réglementation évolue, par exemple sur la question de la réutilisation des eaux des stations d’épuration. Mais même si ce projet d’amener l’eau du Rhône dans les Pyrénées-Orientales est un projet à dix ans, nous ne voulons pas que les populations puissent penser qu’il ne se passe rien. »

En attendant, le monde agricole s’enfonce dans la troisième année de sécheresse et les secteurs les plus touchés l’an dernier, entre Espira de l’Agly et Rivesaltes, n’ont toujours pas d’eau. De quoi finir de nettoyer le paysage des vergers qui avaient, par miracle, survécu ?

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