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Médicaments : le casse-tête de la relocalisation en France

Un déplacement en grande pompe, pour de grandes ambitions. En visite à Lyon au début de l’été 2023, Emmanuel Macron annonce son intention de relocaliser en France la production de 50 médicaments jugés prioritaires. Un guichet unique France 2030 avec plusieurs dizaines de millions d’euros à la clé est ouvert pour les porteurs de projet, face à la dépendance observée à l’égard de la Chine et de l’Inde pour deux tiers des principes actifs nécessaires pendant la crise sanitaire. Le producteur de principes actifs Seqens va ainsi faire l’objet d’un accompagnement financier de la part des pouvoirs publics, de 30 à 40%, pour son projet de production de 15.000 tonnes par an de paracétamol à Roussillon, en Isère.

« Dans un marché où le prix est régulé comme celui du médicament, la relocalisation doit apporter une valeur ajoutée. Si vous produisez dans les mêmes conditions qu’en Asie, vous ne serez jamais compétitifs en France », met en garde Gildas Barreyre, le secrétaire général du groupe Seqens. L’entité compte investir 100 millions d’euros dans ce nouvel atelier pharmaceutique, après avoir délocalisé en 2008 en Chine une production de paracétamol présente dans cette usine.

Pour faire machine arrière, le groupe a mis au point un nouveau procédé de production industrielle, validé par ses partenaires et clients UPSA et Sanofi, qui fait la part belle à l’environnement. « Sur les SCOPE 1 et 2, nous allons réduire de 75 % nos émissions de CO2, en comparaison avec notre unité en Chine, tandis que les déchets vont être réduits de 90% et la consommation énergétique va diminuer pour deux tiers », liste le dirigeant, qui table sur un début de la production en 2025.

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Une usine de paracétamol prévue en Occitanie

À plusieurs centaines de kilomètres, la région toulousaine compte aussi disposer de son usine de paracétamol Made In France avec un début de production l’an prochain. Dévoilé par le conseil régional d’Occitanie, le projet porté par la société Ipsophène doit permettre de produire « 3.000 à 3.400 tonnes » de paracétamol chaque année, selon son coordinateur Jean Boher, grâce à une disruption technologique.

« Ce sera un projet industriel totalement RSE, avec du green process, qui reposera sur un procédé de production en continu sur de molécules chimiques. Aucun déchet ultime ne sera émis par cette usine de paracétamol. Cette organisation sera une première européenne et elle nous permettra des gains de production largement supérieurs à ce qui se fait actuellement », détaille le porteur du projet.

Cette future usine, dont l’investissement global est estimé à 30 millions d’euros, va faire l’objet d’un soutien de la collectivité pour près de quatre millions, tandis que le laboratoire UPSA a annoncé son soutien à Ipsophène sans évoquer de montant. « Qu’il y ait des aides directes de la part des pouvoirs publics, c’est bien. Mais le vrai sujet de la relocalisation en France, c’est la compétitivité. Pour cela, il faut innover, et ce n’est pas une option, mais une obligation », insiste le président de la société.

La question centrale du prix de vente des médicaments

Pour d’autres, le prix de vente des médicaments ne doit pas être un sujet tabou et doit même servir de variable d’ajustement pour favoriser la relocalisation de la production de médicaments en France. « Certains prix de médicaments ont baissé drastiquement et ne nous permettent plus d’investir pour maintenir des productions en France. Aujourd’hui, je me bats avec mes clients et les pouvoirs publics pour revoir à la hausse certains prix de médicaments comme l’amoxicilline », confie Bruce Vielle, le président de Synerlab.

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Après avoir stoppé la production de cette molécule dans deux sites français en 2017 et 2020, le dirigeant espère boucler dans les prochains mois un plan de financement permettant de « participer à l’effort national » en produisant des médicaments en France. Synerlab projette la production annuelle de 80 millions de gélules et 20 millions de comprimés d’amoxicilline.

Pour l’heure, tous les yeux des professionnels de la filière pharma sont rivés vers l’Europe. Une réunion de l’ensemble des acteurs est prévue fin avril pour établir un Critical Medicines Act et arrêter un pan de mesures qui favorisera ces relocalisations à l’échelle européenne.

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