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Plan d’urbanisme à Paris : les professionnels dénoncent « une aberration », le premier adjoint d’Hidalgo leur répond

A moins de 100 jours de l’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques dans la capitale, l’examen du plan local d’urbanisme (PLU) dit bioclimatique commence à tourner au vinaigre. D’un côté, la Ville vante un outil pour « permettre aux Parisiens de se loger à un prix abordable », « inclure les enjeux de la transition énergétique et climatique »,« accompagner les copropriétés dans le financement de la rénovation thermique » et « offrir un meilleur cadre de vie ».

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De l’autre, le Medef Paris ainsi que l’Association française des sociétés de placement immobilier (Aspim) jugent que ce nouveau document de planification va à l’encontre des objectifs écologiques affichés par l’équipe d’Anne Hidalgo. « Nous partageons l’ambition climatique et l’adaptation de la ville mais nous nous opposons farouchement à certaines dispositions qui vont à l’inverse de cet objectif » déclare ainsi à La Tribune Jean-Marc Coly, président de l’Aspim (314 milliards d’euros portés par 4 millions d’épargnants).

Une obligation de « servitude de mixité fonctionnelle » qui ne passe pas

Si le projet a déjà été voté, en juin 2023, par le Conseil de Paris, il a également fait l’objet d’une enquête publique entre le 7 janvier et le 29 février dernier. « Nous sommes en phase d’échanges préalables entre les membres de la commission d’enquête, la direction de l’urbanisme et mon cabinet. Les travaux vont s’étirer jusqu’en juillet, à la suite de quoi le rapport sera rendu public »affirme aujourd’hui le premier adjoint (PS), Emmanuel Grégoire, qui annonce une adoption définitive du PLU en décembre.

Dans le viseur des acteurs économiques : l’obligation dite de « servitude de mixité fonctionnelle ». Dès le 1er janvier 2025, tout immeuble de bureaux neuf ou restructuré supérieur à 5.000 mètres carrés situé dans l’ouest parisien devra consacrer 10% de sa surface à la création de logements. Sur ces 10%, la municipalité imposera 30% de logements sociaux, 35% en zone de déficit et même 50% dans une zone d’hyper déficit de logement social, un nouveau secteur créé par l’exécutif parisien.

PLU

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Avec les maires d’arrondissement, 1.000 adresses ont été identifiées dont 400 concernent des immeubles de bureaux, pour créer du logement socialC’est ce que la commune appelle le « pastillage » visant à convertir ces bâtiments en logements sociaux ou en espaces verts. « Nous nous questionnons sur le nombre d’adresses pastillées, sachant que seulement 30% ont été transformées en dix-huit ans », affirme la déléguée générale du Medef Paris, Marie-Sophie Ngo Ky Claverie.

« Oui, nous avons pastillé beaucoup de bâtiments, mais nous allons en réduire le nombre après l’analyse qualitative de la commission d’enquête. Nous n’allons donc pas racheter tous les bâtiments pastillés » rétorque Emmanuel Grégoire pour la ville de Paris.

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 Une interrogation sur la constitutionnalité du « pastillage »

« Nous nous interrogeons sur la constitutionnalité du pastillage et de la servitude de mixité fonctionnelle », persiste et signe Jean-Marc Coly, président de l’association française des sociétés de placement immobilier (Aspim). Le « pastillage » est « un outil de programmation stratégique inscrit dans le droit communal défini par la loi qui, elle-même, a fait l’objet d’un contrôle », réplique le premier adjoint d’Anne Hidalgo.

Il n’empêche : l’Aspim, qui représente les gestionnaires des fonds d’investissement alternatif (FIA) en immobilier non cotés (SCPI, OPCI…), pointe encore « une aberration immobilière d’imaginer qu’on puisse transformer un bureau en logement ».

Une accusation qui fait bondir Emmanuel Grégoire : « Ils racontent tout et n’importent quoi ! Tous ces acteurs se gargarisent de leurs projets exemplaires sur la rénovation du bâtiment et organisent des colloques avec tambour et trompette pour dire que la transformation de bureaux en logements, c’est génial, mais, en réalité, ils ne veulent pas faire du logement », assène l’élu.

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Une aberration « économique et financière » pour la ville de Paris ?

Pour autant, Jean-Marc Coly ne s’arrête pas là et dénonce une double aberration «  économique et financière pour la ville de Paris qui n’a pas les moyens de préempter ». « Notre critère est de privilégier là où il y a un déficit de logement. Nous indemniserons à la valeur du marché et il y aura des négociations au cas par cas », promet le bras droit d’Anne Hidalgo.

Toujours est-il que le bonus de constructibilité de 10%, qui avait été annoncé aux propriétaires immobiliers pour compenser le manque à gagner lié à la transformation de l’immeuble, a disparu de la dernière version du document de planification. « Et ce alors qu’il nous est nécessaire pour l’équilibre économique des opérations », insiste Marie-Sophie Ngo Ky Claverie du Mouvement des entreprises de France (Medef) 75.

« Nous l’avons certes supprimé en première intention, mais nous nous interrogeons sur le fait de le remettre. Nous voulons développer du logement là où le marché ne le fait pas lui-même. C’est la vocation même du PLU : relever les incohérences et faire évoluer la copie finale. Si leurs arguments sont bons, nous dépastillerons », tente de rassurer Emmanuel Grégoire.

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Reste un ultime sujet et non des moindres : l’acceptation d’un tel plan d’urbanisme dans un hémicycle parisien où les Verts fourbissent déjà leurs armes en vue des élections municipales de 2026 et où la droite, certes divisée depuis la nomination de Rachida Dati au ministère de la Culture, compte bien montrer son opposition.

César Armand

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