mardi, avril 30

Pour le FMI, le redémarrage de l’économie européenne devrait être poussif, le maintien des taux élevés freine l’activité

L’économie mondiale peine à voir le bout du tunnel. Après la guerre en Ukraine et l’inflation, la situation géopolitique s’est envenimée au Proche-Orient après les attaques de l’Iran contre Israël. Depuis les attentats du Hamas en octobre dernier, les craintes d’un embrasement régional se propagent à grande vitesse dans les milieux économiques. Dans ce contexte troublé, le Fonds monétaire international (FMI) a privilégié la prudence dans ses dernières prévisions dévoilées ce mardi 16 avril.

L’institution de Washington table sur une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 3,2% en 2024 et 2025 après 3,2% en 2023. Les économistes du Fonds ont révisé à la marge leur chiffre pour 2024 (+0,1 point) et ont maintenu leurs prévisions pour 2025. «En dépit de prédictions pessimistes, l’économie mondiale est restée remarquablement résiliente avec une croissance stable et une inflation qui ralentit aussi vite qu’elle a grimpé », a expliqué l’économiste en chef du Fonds, Pierre-Olivier Gourinchas, dans une note de blog. « Les perspectives de croissance sont élevées pour 2024, 2025 et 2026 mais ces perspectives se fracassent sur la réalité géopolitique », a déclaré de son côté le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire, avant de s’envoler à Washington ce mardi pour les réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale. « Les risques d’escalade au Proche-Orient, la persistance de la guerre en Ukraine pèsent sur la croissance économique ». S’agissant de l’inflation, elle devrait fortement marquer le pas dans les pays avancés passant de 4,6% en 2023 à 2,6% en 2024 et 2% en 2025.

Les Etats-Unis tirent leur épingle du jeu

Aux Etats-Unis, la croissance économique devrait continuer d’accélérer en 2024 à 2,7% contre 2,5% en 2023. Le Fonds monétaire international a révisé fortement sa prévision pour cette année (+0,4 point) par rapport à son chiffre de janvier. L’économie américaine « a déjà surpassé la tendance prépandémique » et reste incontestablement « un moteur de l’économie mondiale »« La performance solide récente des Etats-Unis reflète la productivité robuste et la croissance de l’emploi, mais aussi une forte demande dans une économie qui demeure en surchauffe », souligne Pierrre-Olivier Gourinchas. «Cela appelle à une approche prudente et graduelle de la Réserve fédérale américaine (Fed) », poursuit- il.

L’indice des prix  à la consommation a accéléré au mois de mars. Cette nouvelle poussée des prix devrait inciter la Réserve fédérale à réviser son programme de baisse des taux plutôt à l’automne. Sur le plan politique, l’élection présidentielle de novembre devrait être particulièrement scrutée. Empêtré dans de multiples affaires judiciaires, le candidat républicain Trump est déterminé à prendre sa revanche sur son rival Joe Biden après sa défaite en 2020. Là encore, les résultats devraient se jouer dans quelques Etats pivots clés.

Joe Biden

Joe Biden rend visite à des ouvriers du secteur de l’automobile à Détroit ce mardi 16 avril. Crédits : Reuters.

Reprise poussive de l’Europe

Sans surprise, le redémarrage de l’économie européenne devrait être poussif. Le Fonds monétaire international prévoit une hausse de la croissance du PIB passant de 0,4% en 2023 à 0,8% en 2024 et 1,5% en 2025. C’est certes une accélération mais les économistes ont révisé leurs chiffres à la baisse par rapport à janvier (-0,1 point ;+0,9%) et à l’automne (-0,4 point ; +1,2% en octobre). «Les effets prolongés d’une politique monétaire restrictive et des coûts antérieurs de l’énergie, ainsi que le rééquilibrage budgétaire prévu, freinent l’activité économique », indique le FMI. Déterminée à faire revenir l’inflation à sa cible de 2%, la Banque centrale européenne (BCE) a procédé à une hausse des taux spectaculaire depuis l’été 2022. Depuis septembre dernier, ils s’élèvent à 4%.

L’indice des prix à la consommation a largement marqué le pas depuis un an. Un prolongement d’une politique monétaire restrictive pourrait avoir des conséquences néfastes à moyen terme sur la croissance de la zone euro en première ligne dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine. « Contrairement aux États-Unis, on ne voit guère de signe de surchauffe et la Banque centrale européenne devra orchestrer avec soin un assouplissement monétaire progressif afin d’éviter un ralentissement excessif de la croissance et une inflation inférieure à l’objectif fixé », soulignent les économistes.

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Coup dur pour la France, le FMI abaisse sa prévision

S’agissant de la France, le FMI a revu à la baisse sa prévision de croissance pour 2023 à 0,7% contre 1% en janvier dernier. Pour 2024, les conjoncturistes ont également assombri leurs projections de -0,3 point à 1,4% contre 1,7% auparavant. L’économie tricolore a fini l’année 2023 au ralenti et l’acquis de croissance pour 2024 est très faible. Le gouvernement français table sur une reprise de l’activité en fin d’année grâce à la baisse des taux mais les coupes budgétaires annoncées pourraient peser sur l’activité économique déjà très faible. Critiqué pour ses dérapages budgétaires, l’exécutif tente de trouver des milliards d’économies dans la dépense publique. A quelques jours du couperet des agences de notation Moody’s et Fitch, quelques économistes s’attendent à une dégradation pour l’Hexagone.

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En Allemagne, la croissance du PIB peine à se relever. Après une récession en 2023 (-0,3%), l’activité devrait légèrement augmenter à 0,2% en 2024 et 1,3% en 2025. Mais là encore, l’institution internationale a révisé à la baisse ses estimations de croissance pour les deux années de -0,3 point. Parmi les grandes puissances de la zone euro, seule l’Espagne continue de tirer la croissance vers le haut avec un PIB attendu à 1,9% cette année et 2,1% l’année prochaine. Quant à l’Italie, l’activité devrait péniblement atteindre 0,7% en 2024 et 2025, le FMI ayant dégradé sa prévision de 0,4 point pour l’année prochaine.

La Chine appuie sur le frein

Du côté de la Chine, les nuages s’accumulent. Le Fonds monétaire table sur un coup de frein de la croissance passant de 5,2% en 2023 à 4,6% en 2024 et 4,1% en 2025. Par rapport à janvier, les experts n’ont révisé aucun chiffre pour 2024 et 2025. « En Chine, à défaut d’une solution complète aux multiples difficultés du secteur de l’immobilier, la croissance pourrait s’essouffler et pénaliser les partenaires commerciaux du pays », indiquent les économistes. Pékin table toujours sur une croissance du PIB de 5% cette année. « La demande domestique demeure terne malgré des mesures fortes de soutien », note Pierre-Olivier Gourinchas. « Avec une demande interne déprimée, les excédents devraient continuer d’augmenter. Le risque est que cela exacerbe les tensions commerciales dans un environnement géopolitique déjà fragmenté ». De quoi encore inquiéter l’industrie en Europe en proie à de fortes difficultés.

Grégoire Normand

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