dimanche, mai 19

Pourquoi la trajectoire de 1% de croissance promise par le gouvernement est possible

Et si Bruno Le Maire et Bercy avaient finalement raison ? La première estimation de l’Insee sur la croissance française est tombée ce mardi matin et surprise, les chiffres sont plutôt bons. Le PIB croît ainsi de 0,2%. C’est plus que ce qu’avait annoncé l’Institut national de statistiques, qui tablait sur 0%.

« A tous ceux qui veulent faire croire que notre économie est à l’arrêt : les faits sont têtus. La croissance française progresse. C’est un nouveau signe qui traduit la solidité de notre économie », s’est félicité le ministre de l’Economie, juste après la publication de l’Insee.

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Un objectif de plus en plus crédible

De quoi redonner de la crédibilité au gouvernement sur sa prévision annuelle. Bercy tablait à l’origine sur 1,4% de croissance cette année, une prévision qui avait d’ailleurs permis de bâtir le budget 2024, mais que beaucoup trouvait trop irréaliste. Bruno le Maire avait ensuite revu sa copie en février, en annonçant désormais 1%. Un objectif davantage pragmatique mais qui semblait encore hors de portée pour certains il y a quelques semaines.

« Avec ces chiffres du premier trimestre, meilleurs que prévus, la prévision du gouvernement reste dans une fourchette haute mais n’est désormais plus inatteignable. Alors qu’il y a quelque temps, c’était plus compliqué…», pointe Mathieu Plane, directeur adjoint à l’Observatoire Français des Conjonctures Economiques (OFCE).

Pour réussir son coup, le gouvernement doit tabler sur une croissance de 0,3% par trimestre. « Ce n’est quand même pas rien », estime l’économiste « mais c’est jouable ».

L’hypothèse des 1% est donc envisageable, « sauf si l’activité recule dans la deuxième partie de l’année, que les taux d’intérêts ne baissent pas, ou que l’investissement positif des entreprises n’est finalement qu’un feu de paille », argue par ailleurs Denis Ferrand, directeur général de Rexecode.

« L’année dernière, tout le monde rigolait quand Bercy tablait sur 1%, et finalement il a été le meilleur prévisionniste », souligne Jean-François Robin, directeur de la recherche chez Natixis (groupe BPCE). Plus confiant encore que le gouvernement, Natixis table, eux, sur une croissance de 1,1% pour 2024.

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Consommation et investissement au rendez-vous

Plusieurs raisons viennent conforter cette bonne perspective. La croissance, au premier trimestre, a notamment été portée par la consommation des ménages. Elle a augmenté de 0,4%, après avoir déjà rebondi à 0,2% au trimestre précédent. Un résultat qui s’explique en premier lieu par un ralentissement de l’inflation. « On constate un rebond du pouvoir d’achat avec une revalorisation des prestations sociales en début d’année, notamment des retraites », explique Mathieu Plane. A cela s’ajoute également une progression du salaire réel par rapport à l’inflation.

Cette dernière devrait poursuivre encore sa décrue cette année. En avril, elle atteint 2,2% sur un an, contre 2,3% en mars, grâce à la décélération des prix de l’alimentation. « Nous pensons que cette tendance va continuer sur l’année », note Jean-François Robin.

Mais ce qui a davantage surpris est le rebond de l’investissement du côté des entreprises. « On était sur l’idée que l’investissement allait être le chaînon manquant de la croissance en 2024 », soulève Denis Ferrand, notamment par rapport à la situation de trésorerie de certaines entreprises, de la montée des défaillances qui ont atteint un niveau record en 2023, et d’une demande anticipée moins optimiste.

Par ailleurs, les principaux partenaires commerciaux de l’Europe retrouvent également du poil de la bête. Dans le détail, le PIB a progressé au premier trimestre en Allemagne, en Italie ou encore en Espagne. Au premier trimestre, l’investissement a ainsi atteint 0,3% après -0,9% au quatrième trimestre 2023.

« Le chiffre de ce matin est une bonne surprise mais il faut le confirmer dans la durée, et ce n’est pas encore gagné », ajoute l’économiste, « nous maintenons que cette année la croissance sera dépendante des consommateurs ».

Encore faut-il que ces derniers désépargnent. Autre point noir : l’investissement des ménages qui s’est réduit comme peau de chagrin après la hausse des taux d’intérêts renchérissant le coût du crédit.

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Réduire le déficit, mais à quel prix ?

La croissance est un point clé pour le gouvernement s’il veut réduire le déficit public. « Un demi-point de croissance de plus, fait baisser le déficit de 0,25 point », soutient Mathieu Plane. D’autant que le déficit a dérapé en 2023, à 5,5% du PIB. Loin de ce que Bercy avait anticipé, à 4,9%. Cette année, l’exécutif table sur 5,1% du PIB, contre 4,4% à l’origine. Et encore plus ambitieux, il souhaite le réduire à 3% d’ici 2027, pour rentrer à nouveaux dans les critères européens. Un objectif auquel ne croît pas les agences de notation Moody’s et Fitch qui ont néanmoins maintenus leurs note sur la dette française vendredi dernier.

Pour se remettre dans les clous, l’exécutif compte donner un coup de rabot dans les dépenses publiques. Il a déjà validé 10 milliards d’euros d’économie dans les dépenses de l’Etat et cherche à couper de nouveau 10 milliards supplémentaires en 2024. Or, qui dit moins de dépenses, dit souvent moins de croissance. « La question est de savoir à partir de quand les mesures budgétaires peuvent avoir des effets sur la croissance », interroge Mathieu Plane.

D’autant que sur ce trimestre, une bonne partie de la croissance s’explique également par… de la dépense publique. « C’est un facteur qui a sur contribué à la croissance », explique Denis Ferrand. Pour que la croissance continue sur sa lancée, il ne reste donc plus qu’à croiser les doigts.

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