dimanche, avril 28

Pourquoi Threads, l’appli de Meta censée concurrencer X, ex-Twitter, ne décolle toujours pas

Imposer un nouveau réseau social n’est pas si facile, même pour Mark Zuckerberg. Malgré un lancement en fanfare le 5 juillet dernier et plus de 100 millions d’inscrits en cinq jours à peine – record de ChatGPT littéralement explosé – Threads, le nouveau réseau social censé détrôner X (ex-Twitter) du groupe Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp), peine à tenir la cadence.

D’après le cabinet d’analyse du trafic sur Internet Similarweb, l’utilisation de Threads a chuté de 79% au 7 août, un peu plus d’un mois après son lancement. Autrement dit, près de 8 personnes sur 10 qui ont téléchargé l’application ne l’utilisent déjà plus. Malgré 124 millions de téléchargements dans le monde – l’appli n’est pas encore disponible dans l’Union européenne en raison de problèmes juridiques -, Similarweb estime que le nombre d’utilisateurs actifs quotidiens est de 10,3 millions de personnes au 7 août, soit à peine 8,3% des inscrits. La chute est drastique : Threads a connu son pic d’utilisation le 7 juillet, au troisième jour après le lancement, avec 49,3 millions d’utilisateurs actifs. Une semaine plus tard, le 14 juillet, le nouveau réseau social avait déjà perdu la moitié de ses utilisateurs. Désormais, il n’en a conservé que 20%.

Autre déconvenue : l’engagement des utilisateurs, c’est-à-dire le temps qu’ils passent sur le site, ne cesse également de chuter. Cet indicateur crucial, qui révèle le succès des applis, est passé de 21 minutes par jour le 7 juillet, à 6 minutes une semaine plus tard. Au 7 août, il a encore été divisé par deux, à 3 minutes par jour. Famélique. Et encore, ces chiffres d’engagement ont été mesurés uniquement aux Etats-Unis… le marché le plus dynamique de Threads.

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Threads n’a pas encore prouvé sa pertinence

La question se pose : Mark Zuckerberg peut-il contenir l’hémorragie ? Pour l’instant, Threads est moins un succès qu’une énième illustration de la loi impitoyable des réseaux sociaux. Pour réussir, un nouveau service doit savoir créer l’engouement autour de lui, pour recruter en permanence de nouveaux utilisateurs, afin d’atteindre une taille critique qui le rend incontournable. La puissance d’un réseau social vient de l’effet de réseau, c’est-à-dire quand il devient indispensable de s’y inscrire, car tous ses amis y sont et y restent.

Mark Zuckerberg, qui a déjà connu trois fois ce rare succès avec Facebook, Instagram et la messagerie instantanée WhatsApp, l’a bien compris. C’est la raison pour laquelle il a décidé d’imbriquer Threads avec son réseau social phare, Instagram, qui revendique plus de 2 milliards d’utilisateurs actifs par mois. Threads a été lancé comme « une appli d’Instagram », au point où il est possible de s’y inscrire en un clic, en gardant ses identifiants Instagram pour les deux services, et avec la possibilité d’importer ses contacts Instagram dans Threads, plutôt que de partir d’une feuille blanche. Cette astuce a permis à Threads de réaliser un départ historique, avec un million d’inscrits la première heure, cinq millions le premier jour, cinquante millions à la fin du deuxième jour, et 100 millions au début du cinquième jour. Une prouesse inédite dans l’histoire d’Internet : ChatGPT, l’intelligence artificielle générative d’OpenAI qui détenait le record du service qui avait atteint le plus rapidement la barre symbolique des 100 millions d’inscrits, avait eu besoin de deux mois !

Mais tel le lièvre et la tortue de la fable de Jean de La Fontaine, un départ canon ne garantit pas de tenir la distance. Dans le monde des réseaux sociaux, il faut apporter une vraie disruption dans les usages pour convertir les curieux en utilisateurs quotidiens et assidus. Facebook l’a fait en son temps, tout comme Twitter, Instagram, Snapchat ou encore TikTok, grâce à un concept et à des fonctionnalités alors inédites et attirantes. Autrement dit, la puissance d’Instagram est, certes, une aide précieuse pour Threads, mais le nouveau réseau social devra convaincre sur ses propres mérites pour devenir lui aussi un succès.

Or, c’est là que le bât blesse pour Threads. Le service est perçu, pour l’instant, uniquement comme une alternative à X (le nouveau nom de Twitter depuis fin juillet), voire une extension d’Instagram. Pas suffisant pour maintenir l’engouement. Une fois la découverte passée, sans élément accrocheur et inédit, beaucoup d’utilisateurs « oublient » de se reconnecter régulièrement, et l’application devient une des nombreuse icônes inutilisées sur le téléphone. Threads a encore tout à prouver. Et il est encore loin de rivaliser avec X malgré les déboires d’Elon Musk : l’ancien oiseau bleu revendique 237,8 millions d’utilisateurs actifs quotidiens, pour un engagement quotidien de 25 minutes d’après Similarweb.

Un ton à part, mais pas de vraie innovation

Pourtant, il serait injuste de présenter Threads comme une simple copie de X. C’est plutôt une sorte de Twitter idéal, avec l’état d’esprit d’Instagram, conçu pour les déçus d’Elon Musk et les fans d’Instagram. Threads se veut ouvert sur l’extérieur – en réalité, surtout vers Instagram pour l’instant – tandis Twitter devenu X se referme sur lui-même. Threads garde les coches bleues. En revanche, il vérifie l’identité, quand X devient encore plus qu’avant une foire peuplée de bots et de comptes anonymes déversant haine et fausses nouvelles.

Chez Instagram, Threads a piqué la notion de « communautés inspirantes », dans le but de personnaliser à l’extrême les contenus qui apparaissent sur le fil d’actualités… et de récupérer le pactole publicitaire qui va avec, car X a perdu sous Elon Musk la moitié du chiffre d’affaires de Twitter.

« Threads n’est pas Twitter. Mais il a le potentiel de devenir quelque chose de différent et de puissant. C’est Twitter, mais avec moins de problèmes, plus d’éclat d’entreprise, et suffisamment de potentiel pour aspirer ce qui reste de vie du réseau social en difficultés d’Elon Musk », résumait début juillet le journal britannique The Guardian.

Sylvain Rolland

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