mercredi, mai 1

Réduction du déficit public : le FMI torpille l’objectif de la France pour 2027

Mauvaises nouvelles en cascade pour le gouvernement. Après des déficits plus élevés que prévus en 2023 et 2024, le Fonds monétaire international (FMI) et le Haut conseil des finances publiques (HCFP) ont déjà étrillé les nouvelles prévisions de l’exécutif pour les années suivantes. La trajectoire du déficit public jusqu’en 2027 est connue depuis une semaine mais le détail du programme de stabilité a été dévoilé ce mercredi 17 avril en conseil des ministres par Thomas Cazenave, ministre délégué aux Comptes publics. En déplacement à Washington, Bruno Le Maire doit assister aux réunions de printemps de la Banque mondiale et du FMI. Ce « Pstab », comme les spécialistes l’appellent, définit la méthode et le calendrier du gouvernement pour revenir sous le seuil des 3% de déficit d’ici 2027.

Le nouveau « Pstab » prévoit un redressement du déficit à 4,1% en 2025, 3,6% en 2026 et finalement 2,9% en 2027. Parallèlement, la dette stagnerait de 112,3% du PIB cette année à 112% en 2027, mais avec un coût qui passerait de 46,3 milliards en 2024 à 72,3 milliards d’euros en 2027. « Ce programme de stabilité doit nous permettre d’aller vers le plein emploi et de faire des réformes structurelles », a déclaré la porte-parole du gouvernement Prisca Thévenot, à l’issue du conseil des ministres. « Le programme de stabilité présenté aujourd’hui est sûr, cohérent et responsable », a-t-elle assuré face aux journalistes. En pleine tempête budgétaire, le gouvernement cherche la parade pour éviter de nouvelles critiques. Mais les récentes dissensions entre le ministre de l’Economie Bruno Le Maire et le chef de l’Etat Emmanuel Macron montrent que le gouvernement navigue en eaux troubles.

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Un déficit à 4,3% en 2027, prévoit le FMI

Le gouvernement a déjà annoncé 10 milliards d’euros de coupes budgétaires par décret en février dernier et 10 milliards d’euros à trouver de nouveau cette année. S’agissant de 2025, l’exécutif a annoncé 20 milliards d’euros d’économies pour parvenir à son objectif. Mais déjà, le Fonds monétaire international (FMI) met en doute les projections de l’exécutif. Dans son rapport annuel sur les finances publiques qui fait référence ( le « Fiscal monitor »), le FMI table sur un déficit de 4,9% en 2024 et 2025, 4,4% en 2026 et 4,3% en 2027, au-dessus donc de la limite de 3% fixée par le Pacte de stabilité, contrairement à l’engagement du gouvernement français de passer au-dessous (2,9%).

Parmi les grandes puissances de la zone euro, seule l’Espagne afficherait également un déficit supérieur à 3% (3,3%) en 2027. Mais il resterait tout de même bien inférieur à celui de l’Hexagone. Concernant la dette rapportée au produit intérieur brut (PIB), elle passerait de 110,6% en 2023 à 114% en 2027. Là encore, le scénario du gouvernement semble bien optimiste aux yeux des économistes du FMI.

S’agissant de l’activité, le FMI a dégradé sa prévision de croissance pour 2024 à 0,7% (contre 1% en janvier) et 1,4% en 2025 (contre 1,7% en janvier). De son côté, l’exécutif parie sur une croissance de 1% en 2024. Puis 1,4% de croissance en 2025, 1,7% en 2026 et 1,8% en 2027.

En revanche, l’institution de Washington n’a pas apporté de détails sur les coupes budgétaires annoncées par l’exécutif. Face au trou d’air des recettes publiques, le gouvernement Attal doit lancer une mission sur la taxation des rentes qui pourrait viser les superprofits des énergéticiens ou les rachats d’actions. Des pistes qui pourraient rapporter relativement peu au regard des maigres résultats obtenus par les prélèvements opérés en 2023 et estimés à 600 millions d’euros contre 12 milliards d’euros espérés. « Il est inacceptable que le rendement soit aussi faible que prévu », avait d’ailleurs lancé Bruno Le Maire lors d’une réunion avec des journalistes fin mars.

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Programme de stabilité : le carton rouge du Haut conseil des finances publiques

Le FMI n’est pas le seul à tirer à boulets rouges sur les prévisions du gouvernement. Dans un avis sévère rendu public ce mercredi 17 avril, le Haut conseil des finances publiques considère que la prévision de ramener le déficit en dessous de 3% du PIB en 2027 « manque de crédibilité » face à une situation des finances publiques « préoccupante ». La juridiction estime que la documentation de cette trajectoire est « lacunaire ». Auditionné par la Commission des finances de l’Assemblée ce mercredi 17 avril, Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, a une nouvelle fois tiré la sonnette d’alarme. « 2023 a été une année noire. Le déficit de l’année 2023 atteint presque le record de l’année 2020 », a-t-il déclaré.

Les experts du HCFP pointent également le manque de « cohérence » sur les projections de croissance jugées « optimistes ». « La mise en œuvre de l’ajustement structurel prévu pèsera nécessairement, au moins à court terme, sur l’activité économique », soulignent les auteurs de l’avis.

Le Haut conseil rappelle notamment que « la prévision de croissance en France du gouvernement pour 2024 (1,0 %) est supérieure à celle de la moyenne des prévisionnistes interrogés en avril par le Consensus Forecasts (0,7 %) et à celles du FMI (0,7 %) et de l’OCDE (0,6 %) ». De quoi fragiliser le scénario du gouvernement.

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Agences de notation : un verdict très attendu

A quelques jours du verdict des agences de notation, les avertissements du FMI et du Haut conseil des finances publiques sont de mauvaise augure. Le 26 avril, deux agences vont actualiser leur note: Fitch, qui a déjà dégradé la France en avril 2023 et ne devrait pas recommencer; et Moody’s qui juge désormais « improbable » que la France tienne son objectif de réduire le déficit public à 2,9% d’ici 2027. Elle pourrait abaisser la perspective de la note, prélude à une baisse, ou la baisser immédiatement.

Grégoire Normand

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