mardi, avril 30

Réindustrialisation : quels sont ces cinq sites « clés en main » que l’Etat compte accélérer en Auvergne-Rhône-Alpes ?

La liste et les contours des premiers sites industriels « clés en main » étaient attendus au tournant. Elle a finalement été dévoilée hier soir par les ministres Roland Lescure (Energie et Industrie) et Christophe Béchu (Transition écologique) : près de 55 projets, situés dans l’ensemble des régions, vont être accompagnés par le gouvernement dans le cadre de son nouveau programme.

L’objectif : « accélérer la mobilisation d’un foncier industriel de qualité », en labellisant ces sites et en les accompagnant dans leurs démarches réglementaires et d’ingénierie, afin d’attirer des investisseurs et propulser la réindustrialisation. Pour cela, l’Etat dédie une enveloppe de 450 millions d’euros et réaffirme son ambition : réduire, in fine, les temps d’instruction des dossiers industriels à 9 mois, contre 17 mois aujourd’hui en moyenne.

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En Auvergne-Rhône-Alpes, cinq sites industriels situés dans cinq départements différents sont concernés par cette opération. Parmi eux, quatre sont des friches industrielles, et un fait l’objet d’une artificialisation. Leur taille, leur niveau de maturité et leurs connectivités sont hétérogènes. Ce qui fait dire à un conseiller du cabinet de Roland Lescure que « la région Auvergne-Rhône-Alpes représente assez bien la diversité des sites », avec des superficies allant 5 à 340 hectares.

Dans la Drôme, d’anciens laboratoires pharmaceutiques de l’Institut Mérieux sont « prêts à l’emploi »

Dans cette liste, Auvergne Rhône-Alpes héberge d’ailleurs l’un des cinq sites disponibles dès 2024. Et celui-ci est loin d’être un inconnu : il s’agit du pôle Ecotox, d’une surface de 5 hectares, qui possède déjà une longue histoire de reconversion industrielle.

Inauguré une première fois en 2017 par François Hollande, dans le cadre d’un Programme d’Investissement d’Avenir (PIA) – qui avait donné lieu à un investissement public de 50 millions d’euros de la part du Département de la Drôme et de Drôme Aménagement Habitat aux côtés de l’Union européenne et de la Région Auvergne-Rhône-Alpes-, ce site avait, à l’origine, été pensé comme une plateforme mutualisée d’innovation dans le domaine de l’écotoxicologie. Et était destinée à accueillir 300 chercheurs sur près de 14.000 m2.

Finalement suspendu une première fois, il avait failli revivre en 2021 par l’entremise du laboratoire lyonnais de l’Institut Mérieux qui souhaitait y installer la production de l’une de ses ex-filiales spécialisée la thérapie génique et les vaccins, ABL. Ce projet, chiffré à 100 millions d’euros, visait à profiter du bâtiment existant en vue de réduire les délais d’installation et de démarrer une production dès 2022.

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Sauf que deux ans plus tard, en novembre 2023, l’institut Mérieux officialisait finalement l’arrêt de son projet, dans la foulée de la revente de sa filiale ABL à une société anglaise, Oxford Biomédia. Résultat ? Le site d’Alixan, idéalement situé à proximité de la gare de Valence TGV et du réseau autoroutier, est de nouveau disponible. Avec l’avantage de réduire l’artificialisation nette, puisqu’il dispose de bâtiments pouvant être réutilisés et transformés. Et ce, « dès 2024 », affirme Bercy : le site « Mérieux Rovaltain » figure ainsi parmi les tous premiers noms à arriver en phase de « maturité » sur les plans réglementaires et d’ingénierie dès cette année.

Pour l’heure, nous ne savons pas si des entreprises sont déjà positionnées vers une reprise du site. Joint par La Tribune, l’Institut Mérieux indique qu’il « sera prochainement recontacté par les services concernés (de l’Etat) pour identifier les prochaines étapes et établir un calendrier ». Par sa physionomie et ses embranchements, le site pourrait en tout cas correspondre aux besoins de startups industrielles indique Bercy, qui souligne que beaucoup d’entre-elles s’avèrent intéressées par des « sites de quelques hectares, qui peuvent tout à fait leur suffire ».

En Isère, au bord du Rhône, l’immense projet Inspira pourrait-il retrouver un nouveau souffle ?

En remontant le Rhône jusqu’à Salaise-sur-Sanne (Isère), commune située dans le périmètre de la plate-forme chimique Les-Roches-Roussillon, le site industrialo-portuaire « Inspira » a sur le papier de quoi donner le tournis. Etalé sur près de 340 hectares, dont 90 ha sont déjà artificialisés et occupés par des entreprises, et 100 autres ha dédiés à de la renaturation, cet espace figure en tête des plus grands sites accompagnés par l’Etat dans son nouveau programme.

« Inspira, situé sur l’axe Rhône-Méditerranée, est un projet d’envergure avec une dimension multimodale. C’est un emplacement stratégique pour les industriels. Il est identifié comme un site particulièrement intéressant à réindustrialiser », détaille à ce titre un conseiller du cabinet de Roland Lescure. Qui précise que « ce genre de très grands sites, notamment fléchés vers l’implantation de gigafactories, sont souvent très bien placés en termes d’infrastructures, de réseaux de communication. C’est le cas ici d’Inspira, sur le Rhône ».

Déjà identifié la semaine dernière dans la liste des 167 projets « d’envergure nationale ou européenne », exemptés du décompte défini par le décret « Zéro artificialisation net » des sols (ZAN), le projet revient par ailleurs de plusieurs années d’immobilisme.

En 2018, un dossier avait été déposé afin d’obtenir l’autorisation environnementale relative à l’artificialisation des 130 ha de terres agricoles et naturelles restants. Mais la consommation d’eau excessive annoncée couplé à un bilan environnemental dégradé, ont eu raison du projet : le recours de l’association « Vivre ici environnement » a en effet été validé par le tribunal administratif, qui a annulé le décret d’autorisation d’Inspira, tout comme sa déclaration d’utilité publique.

La gestion de l’eau a en effet été « très mal appréhendée dans le premier dossier », reconnait l‘actuel directeur du syndicat mixte propriétaire de la majorité des terrains, Jean-Pierre Demenus, arrivé à sa tête en 2022. Mais elle est désormais « parfaitement traitée » : « Nous avons retravaillé la copie pour n’accueillir que des entreprises peu consommatrices d’eau : qui en consomment peu ou qui savent les réutiliser dans leurs process industriels », ajoute le directeur.

Et c’est bien sur ce point que le syndicat mixte attend un coup de pouce de l’Etat : « Ces projets nécessitent désormais un accompagnement technique qui n’est pas anodin, car ce sont des process un peu novateurs. Nous avons besoin d’acteurs comme le Cerema, qui est la branche armée « ingénierie » de l’Etat, pour nous aider à accompagner les industriels vers leurs changements de process et des solutions plus performantes ».

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Le syndicat mixte confie, à ce titre, avoir lancé une étude « pour explorer la possibilité de réutiliser les eaux de la plate-forme voisine d’Osiris, qui rejette des quantités importantes d’eau dans le canal du Rhône, afin de réduire les prélèvements en eau dans la nappe ».

Désormais, le site industrialo-portuaire entend également œuvrer à une autre stratégie : celle d’un découpage de son projet « par morceaux ». Un premier lot, de 15 ha, fait en ce moment l’objet d’une instruction par l’Etat, qui pourrait lancer une enquête publique à l’été 2024 en vue de délivrer une autorisation environnementale « d’ici à la fin de l’année », espèrent les porteurs de projet. S’ils l’obtiennent, ce premier site pourra être ouvert à la commercialisation, afin d’accueillir des entreprises d’ici environ deux ans.

« Nous redécoupons le programme pour y aller progressivement et intégrer au mieux les enjeux environnementaux, pour chaque phase d’aménagement. A chaque étape, on proposera une étude environnementale appropriée », ajoute à ce titre Jean-Pierre Demenus.

Déjà, Inspira indique recevoir une vingtaine de demandes d’installation chaque année. Quant à la taille des projets, il vise plutôt des « grandes industries » nécessitant des solutions multimodales (entre le fleuve, le réseau ferré et l’autoroute).

Dans la métropole de Saint-Etienne, un site de 5 hectares prêt dans quelques semaines

Dans la Loire, c’est un espace d’environ cinq hectares qui a été retenu, situé au carrefour des communes d’Unieux, Firminy et Fraisses : une ancienne friche industrielle abandonnée depuis 2013 par l’entreprise métallurgique Aperam, elle-même située sur l’ex-emprise foncière de Creusot Loire. L’espace a été entièrement dépollué et remis à nu sous la houlette d’Epora (Etablissement Public Foncier de l’Ouest Rhône-Alpes), lui-même missionné par Saint-Etienne Métropole. Budget des opérations : environ 8 millions d’euros, abondés par Aperam dans le cadre de son obligation de dépollution, mais aussi par l’État et Saint-Etienne Métropole.

Les travaux étant sur le point de s’achever, la commercialisation va être lancée sous peu. Mais d’ores et déjà, des contacts avec plusieurs industriels ont été noués, dont l’entreprise ligérienne Mob outillage qui souhaite construire une nouvelle usine pour, notamment, relocaliser la production d’un outil à main. Selon Saint-Etienne métropole, dans un contexte de pénurie du foncier sur le territoire métropolitain, d’autres industriels seraient sur les rangs. Les critères de choix seront guidés par une priorisation des activités productives et la création/maintien des emplois locaux.

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La friche Aperam concerne un peu plus de quatre hectares mais des discussions sont en cours avec des industriels déjà présents sur la zone d’activité pour une extension de l’espace disponible. Des échanges sont ainsi en cours avec Aubert et Duval qui pourrait se séparer d’1,2 hectare, révèle Saint-Etienne Métropole. Qui négocie en parallèle avec la famille Arnaud, propriétaire d’un terrain. A terme, un espace de près de six hectares pourrait finalement être accessible pour un nouveau projet industriel.

« Ce site a été retenu car c’est une friche emblématique du territoire. De plus, le travail avait été déjà bien avancé par Epora et Saint-Etienne métropole. Elle est par ailleurs située dans ce secteur de la vallée de l’Ondaine où nous avons besoin de créer de l’emploi. C’est donc une excellente nouvelle », décrypte Hugo Le Floc’h, sous-préfet de la Loire en charge des affaires économiques. « Le site bénéficiera de financements pour la finalisation des aménagements. D’autre part, les futurs projets industriels seront facilités. Je me chargerai de la coordination des différents intervenants afin d’accélérer les processus ».

À Vichy, un pôle de référence sur le bois sur les friches d’une ancienne manufacture de munitions

Autre collectivité, autre projet : la communauté d’agglomération de Vichy (Allier) sera également soutenue par l’Etat dans la réhabilitation des quelque 125 hectares du site de « Montpertuis Palazol » situé sur la commune de Bellerive-sur-Allier, à 3 kilomètres du centre-ville de Vichy.

Cette ancienne usine de munitions du cartouchier Manurhin-Giat (jusqu’à 800 salariés), fermée en 2003 et aujourd’hui à l’état de friche, a fait l’objet d’un vaste plan de dépollution entre 2006 et 2019. Racheté ensuite par Vichy Agglo en 2020, une fois sa dépollution achevée, le site, toujours interdit au public, est désormais en voie de requalification.

Mais de nombreux travaux restent encore à réaliser sur cette immense parcelle en partie boisée, peu à peu reprise par la nature : les chantiers de démolition et de désamiantage des bâtiments vont débuter à la fin de l’année 2024 pour un coût de 20 millions d’euros. Tandis qu’en parallèle, la collectivité indique travailler en ce moment sur son « plan guide d’aménagement », mais aussi sur « la prospection de la filière bois-construction », souligne Jean-François Liaboeuf, directeur du développement économique. L’objectif : faire de cet espace un « campus industriel » de référence dans la filière du bois en France, avec près de 1.000 salariés à l’horizon 2026.

« Nous travaillons en ce moment sur l’implantation d’un groupe, pas forcément international, mais a priori ce sera le cas. Pour le moment, nous sommes en voie de finalisation : nous faisons signer la locomotive industrielle, mais ensuite il faudra rassembler les wagons qui pourraient travailler sur l’approvisionnement ou encore les filières tertiaires, notamment liées à la formation », ajoute le directeur.

Ainsi, l’Etat viendrait, à travers son soutien, « accélérer les procédures réglementaires », notamment au regard de « la démarche ZAN » en cours sur le site. Il interviendrait ainsi sur « les aspects calendaires » en plus de donner un coup de pouce promotionnel, non négligeable.

À Clermont-Ferrand, 20 ha accompagnés en entrée de ville

Enfin, Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) héberge à son tour un site industriel concerné par cet accompagnement de l’Etat : le projet « Sugar », à savoir une friche industrielle de 20 hectares, située sur une ancienne sucrerie, et dont les travaux de démolition sont en ce moment en cours.

Situé en entrée de ville, le site bénéficie d’un « positionnement attractif », souligne le gouvernement, sans donner d’information complémentaire à ce stade. Un autre projet dont le développement pourrait arriver à maturité « à horizon 2025-2027 » selon l’Etat. Le temps que « des études soient menées », là où il ne resterait pas « de travaux majeurs » ou de « démarches réglementaires importantes », précise le gouvernement.

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