vendredi, mai 17

Stellantis : les actionnaires se prononcent sur la rémunération controversée de Carlos Tavares

Ce sera l’un des moments forts de l’actualité économique de ce mardi. La rémunération 2023 de 36,5 millions de Carlos Tavares, le directeur général de Stellantis, sera soumise au vote de l’assemblée générale des actionnaires.

Trois sociétés de conseil aux actionnaires ont appelé à voter contre cette rémunération, dans un contexte de licenciements massifs au sein du groupe. Même pour les syndicats représentants les salariés, sachant qu’un vote « contre », ne remettrait pas en cause le versement de la rémunération. En 2022, les actionnaires avaient rejeté en majorité sa rémunération sur l’année 2021, mais le groupe avait tout de même versé les 19 millions d’euros actés par le conseil d’administrationUne rémunération jugée à l’époque « choquante » et « excessive » par Emmanuel Macron qui faisait campagne pour sa réélection.

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La hausse de 56% de la rémunération par rapport à l’année précédente est notamment liée au versement d’une prime de dix millions d’euros pour la « transformation »du groupe créé en 2021 avec la fusion de PSA et de Fiat-Chrysler. La rémunération intègre des pensions de retraite qui seront versées sur le long terme, mais aussi des bonus attribués seulement s’il est au rendez-vous d’objectifs fixés pour 2025, dernière année de son mandat actuel à la tête du constructeur

Hier lundi, lors de la visite de l’usine de Trémery, au nord de Metz, dans laquelle le groupe compte produire 1 million de moteurs électriques par an pour les 3008 et 5008  à partir de 2024, pour un investissement total de 37 millions d’euros, Carlos Tavares a convenu « qu’il réagira de manière démocratique au vote des actionnaires » avant d’ajouter « qu’il y a une dimension contractuelle entre l’entreprise et moi et 90% de mon salaire est lié aux résultats de Stellantis. C’est donc que l’entreprise fait de bons résultats. Sur la dimension sociétale, il faut faire une loi ou modifier la loi sur la rémunération en cas de problème. »

Avec ses marques Peugeot, Citroën, Fiat ou Dodge, Stellantis a publié le 15 février un nouveau bénéfice record de 18,6 milliards d’euros pour 2023, en hausse de 11% sur un an. Son chiffre d’affaires s’approche des 190 milliards d’euros.

Plusieurs discours sur la bataille avec la Chine

Le dirigeant est également revenu longuement sur la bataille avec les constructeurs chinois, qui multiplient les productions de véhicules électriques à des prix toujours plus attractifs. De fait, Carlos Tavares voit comme une « menace » l’arrivée du géant de l’électrique BYD sur le sol italien, en discussion avec les dirigeants du pays, alors que le constructeur franco-italo-américain règne en monopole dans le pays.

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 Le patron de Stellantis ne s’est pas gêné pour faire du chantage à l’emploi.

« Si quelqu’un veut amener des concurrents chinois en Italie, il sera responsable des décisions impopulaires qui devraient être prises le cas échéant », avait-il déclaré dans l’usine de Mirafiori à Turin la semaine dernière, précisant que « cela pourrait nous faire perdre des ventes, et donc des parts de marché, puis la production pourrait chuter et nous pourrions avoir besoin de moins d’usines ».

Le constructeur chinois a par ailleurs annoncé l’implantation d’une usine en Hongrie pour une production en 2027. Une perspective qui effraie le patron de Stellantis, estimant qu’alors, « les voitures électriques chinoises seraient au même prix que les thermiques européennes ».

En revanche, ces trublions chinois ne sont pas une mauvaise chose quant ils servent de relais pour relancer Stellantis en Chine. Car Carlos Tavares a acquis 20% du constructeur chinois de voitures électriques Leapmotor en novembre dernier et fondé avec lui une coentreprise afin de développer son marché chinois. Il a ainsi avoué aujourd’hui « ne pas être bon » sur le marché chinois et préfère « bénéficier de l’offensive chinoise » sur l’électrique « plutôt que d’en être victime ». La finalisation de cette opération capitalistique avec le groupe chinois a été effectué cette semaine ainsi que la validation du business plan pour des premières livraisons au 3ème ou 4ème trimestre 2024.

Inquiétude sur l’électrique

En outre, le constructeur a été interrogé sur le futur de l’électrique en Europe et aux Etats-Unis, après les baisses de vente récentes et la chute progressive de Tesla. En France, Stellantis a d’abord vu ses ventes bondir de respectivement 20% en janvier et février avant de marquer un coup d’arrêt en mars, en recul de 8,78%.

« Les citoyens expriment leur anxiété vis-à-vis de l’électrique, a justifié Carlos Tavares. Ils ne savent pas où va la réglementation. Les politiques ont fait le choix d’une technologie qui n’est pas soutenue par les citoyens ».

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Le dirigeant a tout de même grandement bénéficié du leasing électrique en France, dans lequel le gouvernement finançait à hauteur de 13.000 euros les voitures électriques neuves. Résultat : le groupe a proposé pas moins de 12 véhicules dans le dispositif, allant de 49 euros par mois pour la Fiat 500 électrique à 149 euros par mois pour la Jeep Avenger. Un large éventail d’offres qui a permis de placer Stellantis largement en tête des commandes du leasing électrique, avec 70% des 50.000 demandes enregistrées et d’augmenter ses ventes en ce début d’année.

Une aide fournie également sur le bonus écologique à l’achat de véhicules neufs électriques permettra au constructeur de proposer sa C3 électrique à partir de 19.300 euros. C’est la première citadine électrique fabriquée en Europe à être vendue sous la barre des 20.000 euros. Le groupe compte sur cette petite citadine pour relancer ses ventes et cibler la classe moyenne européenne, a confié son dirigeant. A l’avenir, Stellantis veut dupliquer le mode de production de sa C3 à l’ensemble de sa gamme afin de réduire la différence de prix avec les véhicules chinois.

Les investissements en suspens avec les élections

Sauf que le principal problème reste l’incertitude qui plane en Europe quant à la trajectoire sur l’électrique. Pour l’heure, les constructeurs seront interdits de vente de voitures thermiques en 2035. Une direction qui pourrait être modifiée par les élections européennes à venir et une clause de revoyure en 2026. De fait, l’arrêt des moteurs thermiques est considéré comme l’une des mesures les moins populaires en Europe, surtout en période d’inflation et de ralentissement des ventes.

« Je déciderai de mes nouveaux investissements dans les usines fin 2024 pour la période entre 2028 et 2035 », a annoncé le dirigeant de Stellantis, insistant sur la nécessité d’« une stabilité des règles » et « ne demandant rien pour la clause de revoyure sauf la continuité » de ce qui est fait actuellement.

Une phrase qui tranche avec les multiples appels de Carlos Tavares à modifier la réglementation européenne, estimant que la technologie électrique n’était pas la solution et qu’il aurait été préférable de s’appuyer sur un mix hybride et électrique pour faciliter la transition et réduire les coûts. Mais maintenant que la machine est lancée, le dirigeant ne veut plus d’un rétropédalage. « Si l’on freine l’avion au moment du décollage, alors il va s’écraser ».

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