dimanche, mai 19

Chez Orange, le torchon brûle entre la CFDT et la CFE-CGC

Il n’y aura pas, au terme de l’assemblée générale d’Orange le 22 mai prochain, de nomination d’un représentant des salariés-actionnaires au conseil d’administration. Dans un communiqué publié ce mardi, l’opérateur historique annonce que la proposition du tandem soutenue par la CFE-CGC, qui avait pourtant remporté une consultation interne le 9 février dernier, ne sera pas soumise au vote. Pourquoi ? Parce que le tribunal de commerce de Paris a, sur recours de la CFDT, annulé, vendredi dernier, le second tour de l’élection interne. L’opérateur historique indique qu’il va prochainement relancer la procédure pour désigner les représentants des salariés-actionnaires au conseil.

Le tribunal a considéré que la victoire de Thierry Chatelier et Mireille Garcia, supportés par la CFE-CGC, était entachée d’irrégularités. Il est notamment reproché au syndicat d’avoir « influé » le scrutin, notamment par le biais d’une « utilisation massive » de « moyens extraordinaires », ayant accouché d’un « climat délétère ». Il y a eu, selon le tribunal, « une rupture de l’égalité des armes » en défaveur des candidats soutenus par la CFDT, à savoir Nadia Zak Calvet et Marc Maouche.

500.000 courriels envoyés par la CFE-CGC

La décision s’appuie, en particulier, sur un rapport du cabinet Ernst & Young (EY), mandaté par la direction d’Orange, qui fait état de « 500.000 courriels » envoyés par la CFE-CGC au moment du scrutin, contre « environ 270.000 » pour la CFDT. Les membres de la CFE-CGC sont aussi pointés du doigt pour avoir multiplié les appels aux salariés et influer leur vote.

La Tribune, Olivier Berducou, le délégué central CFDT d’Orange, se félicite de cette décision du tribunal de commerce. Il fustige « la campagne mensongère, calomnieuse et injurieuse qui a été menée » contre ses candidats. Il critique les propos de Sébastien Crozier, le président de la CFE-CGC d’Orange, qui « disait que nos administrateurs s’enrichissaient personnellement en touchant leurs jetons de présence au conseil, ce qui est faux ». Même s’il concède que ça n’a pas toujours été le cas par le passé, Olivier Berducou souligne qu’aujourd’hui, « les jetons de présence sont directement reversés sur les comptes du syndicat ».

Une « déstabilisation de l’équilibre du vote »

Le représentant de la CFDT critique également « l’utilisation massive de mails, d’appels et de SMS » par la CFE-CGC pour « déstabiliser l’équilibre du vote »« Ca veut dire quand même que l’on accepte, dans l’entreprise, que quelqu’un se glisse avec vous dans l’isoloir en vous disant ce que vous devez voter, peste-t-il. C’est inacceptable, on doit le dénoncer. »

De son côté, Sébastien Crozier, lui, se montre serein malgré cette décision de justice. Il affirme d’emblée que la CFE-CGC a fait appel. Et balaye d’emblée les accusations de calomnie portées par la CFDT. « Le tribunal a rejeté tous leurs éléments à ce sujet, en considérant qu’il n’y avait pas eu de plainte en diffamation et en injure », remarque-t-il. La CFDT a notamment en travers de la gorge plusieurs de ses mails au vitriol. Le 30 janvier dernier, Sébastien Crozier s’est notamment attaqué à Zak Calvet, « une figure bien connue pour son soutien sans faille à la direction… et qui aura 70 ans à la fin de son mandat ». Quelques jours plus tard, il se paye son colistier, Marc Maouche, « qui a déjà démontré son intérêt de percevoir des jetons de présence » quand il fut administrateur d’Orange par le passé.

Une « parodie de justice » pour la CFE-CGC

Interrogé par La Tribune, Sébastien Crozier ne renie pas ses propos, affirmant que « tout est vrai »« Le problème, c’est que Marc Maouche a déjà siégé au conseil et a déjà enregistré les jetons de présence à titre personnel, renchérit le responsable. C’est dans le document universel de l’entreprise. C’est quand même un peu ennuyeux… » Quant au différentiel de mails envoyés par son syndicat aux salariés et ceux de la CFDT pendant la campagne, il estime que la CFE-CGC a « une base d’abonnés à (ses) newsletters supérieure »« Nous avons 45.000 abonnés, affirme-t-il. Nous avons envoyé un mail par semaine, cela n’a rien de délirant, et nous n’avons pas fait usage de moyens disproportionnés. »

Sébastien Crozier se demande surtout « à quel titre EY a identifié (ses) 3.000 adhérents et (ses) 40.000 abonnés »« Comment EY a-t-il pu lancer une telle enquête ?, s’interroge-t-il. Ils ont scanné les mails de la boîte, et ça, c’est vraiment irrégulier. C’est interpelant. Nous allons interroger la Cnil [la Commission nationale de l’informatique et des libertés, Ndlr] pour savoir si une ligne rouge, en matière de liberté syndicale, a été franchie. » En outre, le responsable se demande pourquoi la direction a financé cette enquête « au bénéfice de la CFDT, alors qu’elle doit être neutre ». Remonté contre cette « parodie de justice », Sébastien Crozier attend, désormais, le jugement en appel. En d’autres termes, la hache de guerre n’est pas, c’est peu dire, près d’être enterrée.

Pierre Manière

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