jeudi, mai 16

Crédits : les ménages de plus en plus nombreux à emprunter pour boucler les fins de mois

L’année 2023 est déjà étiquetée comme l’année où le pouvoir d’achat des Français s’est contracté. Avec une inflation établie à 5,9% sur un an en avril et certains produits, comme l’alimentation, flirtant avec des hausses de prix à deux chiffres, le panier des ménages a fortement rétréci ces derniers mois, notamment celui des plus modestes.

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 « Les gens qui viennent nous voir, nous disent qu’ils ont changé leurs habitudes de consommation, qu’ils réduisent ce qui est superflu pour pouvoir payer leurs factures et acheter l’essentiel », alerte Julie Vanhille, secrétaire générale de l’Association de Défense, d’Education et d’Information du Consommateur (Adeic).

Pour combler les fins de mois difficiles, certains particuliers recourent à des crédits renouvelables. Ces derniers « ont pour objet de répondre aux besoins de trésorerie et sont essentiellement d’un montant inférieur à 3.000 euros », définit la déléguée générale de l’Association française des sociétés financières (ASF), Françoise Palle Guillabert.

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« Nous avons vu des personnes qui ont eu recours à cette solution pour payer leurs factures de chauffage cet hiver », illustre la membre de l’Adeic. Et l’augmentation du recours à ces crédits de « trésorerie » se voit déjà dans les chiffres. D’après le bilan mensuel de l’ASF, le nombre de crédits renouvelables a augmenté de 9,4% sur un an en mars et de 11,1% sur les trois premiers mois de 2023, par rapport aux trois premiers mois de 2022.

Les ménages obligés de se tourner vers les petits crédits

Si les crédits de petites sommes augmentent, c’est aussi parce qu’emprunter plus de 6.000 euros est devenu très compliqué. A l’origine de ce phénomène, le taux d’usure. Ce dernier fixe le taux maximal auquel un particulier peut emprunter auprès d’une banque.  Ce taux était affiché à 4,80% ces derniers mois (contre 6,40% depuis le 1er mai) pour les crédits de plus de 6.000 euros.

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Problème, « la faiblesse du taux d’usure a plutôt tendance à provoquer un repli de l’activité pour les crédits de plus 6 000 euros », ajoute Françoise Palle Guillabert. Résultat, en mars 2023, les prêts personnels, composés d’une part importante de crédits d’un montant supérieur à 6 000 euros, affichent un repli de 29,5% en mars 2023 par rapport à mars 2022 et de 25,3% sur les trois premiers mois de 2023 par rapport à la même période en 2022. « Nous avons aussi constaté que les crédits de plus de 5.000 euros ne représentent que 35% du total des crédits en 2023 contre 43% en 2022 », affirme Cécile Roquelaure, directrice des études chez Empruntis.

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A l’opposé, les crédits s’étalant entre 3.000 euros et 6.000 euros profitaient d’un taux d’usure plafonné à 8,43% (11,24% depuis le 1er mai) et même d’un taux à 15,87% (21,16% depuis le 1er mai) pour ceux de moins de 3.000 euros, accentuant l’engouement pour l’emprunt de petites sommes pour boucler les fins de mois.

Une hausse des défauts de remboursement ?

Cette multiplication des petits crédits commence toutefois à inquiéter. Qualifiant la conjoncture actuelle de « défavorable », l’ASF faisait remarquer dans un document paru en début mai que la qualité de la demande des crédits à la consommation poursuivait son effritement avec des « premiers impayés (qui) augmentent légèrement ».

Pour le moment, la Banque de France ne constate pas de situation problématique.  « Le nombre de dossiers de surendettement déposés en avril est quasiment stable (+ 1%) par rapport à avril 2022. La légère hausse constatée au premier trimestre marque une pause » affirme Mark Beguery, directeur de la Direction des particuliers à la Banque de France.

Ainsi, depuis le début de l’année, l’institution constate une progression « de 5% par rapport à la même période en 2022. Mais la baisse reste de 23 % par rapport aux quatre premiers mois de 2019. »

Néanmoins, la situation pourrait se dégrader dans les prochains mois « si la part des emprunteurs qui souscrivent à des crédit conso pour des problèmes financiers chroniques augmente », prévient Cécile Roquelaure.

Une crainte partagée par Julie Vanhille qui s’inquiète « de voir des ménages s’engluer dans des situations très difficiles de surendettement suite à la hausse du taux d’usure qui rend les crédits de moins de 3.000 euros très chers ».

Ces prochains mois, les banques vont donc devoir se montrer très prudentes dans l’octroi de crédits afin d’éviter de voir le nombre d’impayés augmenter.

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