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« Il faut cesser d’opposer les aéroports de Tarbes et Pau, nos activités sont très différentes » (Philippe Baubay)

LA TRIBUNE – L’aéroport de Tarbes-Lourds-Pyrénées a clôturé un exercice 2023 en fanfare avec une progression de 50 % du trafic l’an dernier. Est-ce que l’activité est revenue au niveau de 2019 ?

Philippe BAUBAY – Nous avons en effet frôlé la barre des 600.000 passagers pour la première fois en 2023 ! Nous sommes avant tout un aéroport touristique. La grande majorité, 80 % des personnes qui arrivent, étant des pèlerins du monde entier se rendant au sanctuaire de Lourdes situé à seulement dix minutes. Ce sont surtout des personnes âgées ou malades, davantage exposées au Covid, ce qui explique pourquoi nous avons mis du temps à retrouver notre niveau d’activité de 2019. Nous l’avons même dépassé l’an dernier, car le trafic était en hausse de 23,5 % par rapport à il y a cinq ans, et cette tendance se poursuit depuis le début de l’année.

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Est-ce que vous observez un report de clientèle de l’aéroport de Pau, moins bien desservi que le vôtre ?

Nous avons naturellement des clients des Pyrénées-Atlantiques pour nos destinations européennes, mais non, il n’y a pas de phénomène de report depuis la perte de la liaison matinale vers Orly fin octobre dernier, car nos clientèles sont très différentes. L’aéroport de Pau est avant tout utilisé par la clientèle d’affaires, alors que nous avons une clientèle touristique internationale, comme en témoigne la liste de nos liaisons opérées par des compagnies charter et surtout low cost, à savoir Malte, Cracovie, Charleroi, Londres Stansted, Dublin, Rome Ciampino, Rome Fiumicino, Sicile, Naples, Milan, Bergame, Strasbourg et Orly [contre seulement trois destinations à Pau : Roissy-CDG, Orly et Lyon, NDLR].

Cette dernière destination représente 28 % de notre trafic, versus 56 % pour les low cost et 15 % pour les charters. La liaison avec Orly est opérée par Volotea, dont l’équipage est d’ailleurs basé à Tarbes, dans le cadre de l’obligation de service public dont bénéficie notre aéroport depuis 2004. Tarbes est la porte d’entrée des Pyrénées pour rejoindre les stations, telles que Peyragudes et La Mongie-Tourmalet, mais aussi les sites du Pic du Midi et du Pont d’Espagne, à Cauterets.

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La légitimité de l’OSP dont vous bénéficiez est régulièrement questionnée. Cela a été le cas la Cour des comptes et par la chambre régionale des comptes d’Occitanie l’an dernier ou encore actuellement par l’association BAP (Béarn Adour Pyrénées) qui vient de déposer un recours devant le tribunal administratif de Paris. Le comprenez-vous ?

Nous ne sommes pas informés de cette procédure. Je rappelle que l’un des critères d’attribution de l’OSP est l’enclavement. Pour notre territoire, ce cadre est indispensable car nous sommes à 5h30 en train de Paris. C’est aussi le cas pour Perpignan (Pyrénées-Orientales) par exemple, qui fait partie de la même SPLAR (société publique locale aéroportuaire régionale) avec Carcassonne (Aude) que Tarbes. Il faut cesser de nous opposer à Pau, dont la baisse d’activité n’est pas due à la concurrence, mais à l’évolution des habitudes des entreprises. Ces dernières préfèrent recourir au train, le trajet vers Paris étant de 4h15, ou aux visioconférences pour des raisons financières, pratiques ou écologiques. La situation de l’aéroport de Toulouse ou de Biarritz, à 4h en train de la capitale, est comparable.

Certains évoquent un rapprochement avec Pau. Qu’en dites-vous ?

Réfléchir à une obligation de service public commune à partir de 2026 pourrait avoir du sens. Mais je réitère que nos activités sont très différentes, également pour ce qui est de notre écosystème. Nous bénéficions certes d’une subvention annuelle de l’Etat de 1,5 million d’euros au titre de l’OSP, soit 4,5 millions d’euros au total prévu dans le Plan d’avenir pour Lourdes, mais une partie significative du chiffre d’affaires de notre aéroport (consolidé avec ceux de Carcassonne et Perpignan, soit 7,1 millions d’euros en 2021, ndlr) est réalisée par l’activité industrielle. Nous mutualisons en effet les installations entre les compagnies transportant des passagers et les entreprises représentant au total 3400 emplois notamment chez Tarmac et Daher.

Contrairement, là aussi, à Pau, qui dispose en revanche d’une base militaire. Et nous pouvons accueillir d’autres entreprises car nous avons du foncier disponible : plus de 200 hectares à proximité des pistes, dont 70 hectares prêts à être construits car l’ensemble des études ont été réalisées. L’Etat connait notre potentiel industriel : nous venons d’être labellisé site Industriel France 2030 et avons bon espoir d’être également ciblé comme projet d’envergure nationale au titre du ZAN [zéro artificialisation nette]. Nous disposons d’une piste d’une longueur exceptionnelle, de trois kilomètres, capable d’accueillir de très gros porteurs qui utilisent d’ailleurs notre piste pour leurs vols d’essai depuis Blagnac, situé à seulement 12 minutes de vol. Au total, les retombées économiques de l’aéroport sur le territoire sont estimées à 92 millions d’euros.

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