lundi, mai 6

Ille Roussillon, 100 ans de fidélité aux Pyrénées-Orientales malgré un risque climatique qui grandit

« Tout avait commencé par une brouille entre Jacques Bès et son père qui était négociant en vin, raconte Julien Battle. Le fils a refusé de continuer à travailler avec son père et a commencé dans le négoce de fruits et légumes avec une brouette, ce qui le conduira jusqu’à Rungis. »

C’était il y a 100 ans… Un anniversaire que l’entreprise familiale llle Roussillon, basée à Thuir (Pyrénées-Orientales), a célébré à l’occasion du Medfel, salon des fruits et légumes qui a fermé ses portes le 25 avril au soir à Perpignan.

Aujourd’hui Julien, au commerce, et Pierre, à la production, sont les représentants de la quatrième génération à diriger l’entreprise familiale llle Roussillon, basée à Thuir (Pyrénées-Orientales). Chacune apporté un étage nouveau à l’édifice. L’entreprise fut ainsi la première à disposer d’un camion pour ses livraisons, la première à se mettre à la palettisation des produits pour l’expédition. Le dernier tournant est pris à la fin des années 1990 avec l’entrée dans le monde la production agricole.

« Il a semblé à notre mère et à notre oncle, qui dirigeaient l’entreprise, qu’il fallait aussi produire nous-même pour montrer que nous en étions capables et aussi pour sécuriser une partie de nos approvisionnements, explique Pierre Battle. Pour autant, pas question de produire tout et n’importe quoi pour satisfaire le marché.Nous essayons de produire ce que nous savons très bien faire. Aujourd’hui, nous nous concentrons sur les abricots, par exemple, qui nous semblent porteurs d’un grand potentiel et dont nous sommes devenus un des opérateurs majeurs en France. »

Julien et Pierre Battle, 4e génération à diriger l'entreprise catalane de fruits et légumes Ille Roussillon

Julien et Pierre Battle, 4e génération à diriger l’entreprise catalane de fruits et légumes Ille Roussillon, étaient au Medfel de Perpignan les 24 et 25 et avril 2024. (© Yann Kerveno)

Lire aussiFruits et légumes : une saison complexe et imprévisible, sur fond d’inflation et de sécheresse

« Un choix que nous n’assumons pas sans inquiétude »

Le verger qu’il exploite s’étend aujourd’hui sur 330 hectares en production, plantés en quelques années. L’entreprise possède et exploite également une trentaine d’hectares de serres, des vergers plus récents, et a installé deux installations agrivoltaïques avec SunAgri sur une serre et sur un verger de poiriers. Le négoce et la production réalisent aujourd’hui un chiffre d’affaires de 66 millions d’euros et chaque année « 90 % du résultat est renvoyé à l’amont, aux producteurs », souligne Julien Battle, qui voit l’entreprise familiale comme un aiguillon pour le territoire.

« Nous avons toujours fait le choix de produire ici, dans les Pyrénées-Orientales, quand d’autres entreprises du département sont allées acheter et exploiter des vergers dans d’autres régions pour limiter les risques, notamment climatiques, détaille-t-il. J’avoue qu’avec la sécheresse que nous vivons, c’est un choix que nous n’assumons pas sans inquiétudes quand même cette année. Si on nous coupe l’eau, nous perdons tout. »

Une meilleure gestion de l’eau réalisée pendant l’hiver dans le département a gommé une partie des inquiétudes mais la menace perdure, « mais nous restons attachés à ce choix, nous continuerons à investir localement ».

Quand l’opportunité s’est présentée de faire entrer des capitaux externes dans l’entreprise, les deux frères ont repoussé les offres pour « conserver le caractère familial de l’entreprise, quelque chose auquel nous tenons, car cela permet de maintenir une distance réduite entre nous et nos salariés ».

Lire aussiSécheresse : dans les Pyrénées-Orientales, arboriculteurs et éleveurs se demandent comment gérer les pénuries

Une entreprise « privée mutualiste »

Pour consolider ses positions, Ille Roussillon a noué un partenariat étroit avec la coopérative Plaine du Roussillon et Julien Battle aime à qualifier son entreprise d’entreprise « privée mutualiste », parce que la réussite tient « autant à l’entreprise et à ses salariés qu’à ses fournisseurs et ses clients ».

Les projets ne manquent pas pour les prochaines années, Julien Battle citant pèle-mêle le développement des nectarines et des pêches plates, marché jusqu’ici trusté par les producteurs espagnols, la poursuite de la production d’abricots pour arriver autour de 5.000 tonnes par an, la progression de la part du chiffre d’affaires export, aujourd’hui à 15%, de 10%, la construction d’une installation photovoltaïque pour autoconsommer l’énergie produite et se mettre un peu « à l’abri du chaos énergétique » , ou encore la mise en route d’une nouvelle ligne de conditionnement pour les fruits plats… Histoire de mettre l’entreprise sur les rails pour un nouveau centenaire.

Lire aussiSécheresse : dans les Pyrénées-Orientales, une quête de solutions pour « passer le cap de la crise avec le moins de dégâts possibles »

Lien source : Ille Roussillon, 100 ans de fidélité aux Pyrénées-Orientales malgré un risque climatique qui grandit