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TotalEnergies : Patrick Pouyanné envisage une cotation principale du groupe à la Bourse de New York

[Article publié le vendredi 26 avril 2024 à 09h29 et mis à jour à 11h14] Voilà un début d’année ensoleillé pour TotalEnergies. La major pétrolière française a enregistré un bénéfice net de 5,7 milliards de dollars au premier trimestre 2024, améliorant encore ses résultats de 3% par rapport aux trois premiers mois de l’année 2023, ce vendredi. Le groupe affiche en revanche un Ebitda ajusté (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) – l’indicateur de rentabilité le plus suivi par les investisseurs – en baisse de 19% par rapport au 1er trimestre à 11,5 milliards de dollars.

Ses résultats s’inscrivent dans un « environnement marqué par des prix du pétrole (à près de 90 dollars le baril de Brent ce vendredi, NDLR) et des marges de raffinage soutenus, mais des prix du gaz en retrait », a déclaré le PDG de l’entreprise Patrick Pouyanné cité dans le communiqué.

Ce dernier estime notamment que les résultats du début d’année, sont « conformes à ses objectifs ambitieux pour l’année 2024. »

Mais coup de théâtre, le PDG réfléchit à une cotation principale de son groupe à la Bourse de New York, « une question légitime », a-t-il déclaré à Bloomberg en évoquant la montée en puissance de l’actionnariat nord-américain, qui détient près de 50% du capital de l’entreprise.

« Nous sommes confrontés à une situation où les actionnaires européens vendent ou maintiennent leur participation, et où les actionnaires américains achètent », a justifié le patron du fleuron du CAC 40, au cours d’un entretien. Le dirigeant a notamment évoqué la frilosité des investisseurs européens vis-à-vis de la stratégie défendue par le groupe, qui consiste à continuer d’investir dans les énergies fossiles pour financer sa transition vers les énergies bas carbone.

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TotalEnergies augmente sa production de pétrole

La compagnie, qui fête ses 100 ans cette année, « démontre une nouvelle fois ce trimestre la pertinence de sa stratégie de transition équilibrée ancrée sur deux piliers, les hydrocarbures et l’électricité », a commenté le dirigeant à l’annonce des résultats.

Entre janvier et mars, le groupe a augmenté sa production d’hydrocarbures d’1,5% sur un an, notamment grâce à la montée en puissance de projets pétroliers au Brésil, et de gaz à Oman et en Azerbaïdjan, pays-hôte de la conférence climatique de la COP29 en novembre prochain. Sa production d’hydrocarbures pour le gaz liquéfié (GNL) a aussi augmenté de 6% sur un an, portée par des projets au Qatar et au Nigeria. Ses ventes de GNL se sont toutefois érodées de 9% sur le trimestre en raison d’une demande moins élevée du fait d’un hiver doux et de stocks de gaz élevés.

TotalEnergies a beaucoup bénéficié de la volatilité des cours du pétrole ces dernières années. Pour rappel, en 2022, la major française avait enregistré un bénéfice record de 20,5 milliards de dollars, surfant sur l’envolée des cours et du pétrole – à plus de 120 dollars le baril contre 40 dollars en 2020 – dans le sillage de la guerre en Ukraine. Depuis, les cours se sont nettement assagis, mais ils restent soutenus pour le pétrole en raison des troubles géopolitiques en mer Rouge et de la guerre au Proche-Orient. Cela n’a pas empêché le groupe d’empocher, encore en 2023, un nouveau bénéfice record de 21,4 milliards de dollars, le meilleur résultat de son histoire, notamment grâce à sa stratégie payante sur le gaz liquéfié, sa priorité.

Avec tous ces bénéfices, le groupe confirme qu’il consacrera 17 à 18 milliards de dollars à ses investissements en 2024, dont 5 milliards pour la production d’électricité à partir de gaz ou de sources renouvelables.

Une multinationale sous le feu des critiques

Si l’énergéticien a opéré une diversification dans l’électricité renouvelable, il reste donc très critiqué pour la poursuite de ses investissements dans les énergies fossiles, néfastes pour le climat. En 2023, TotalEnergies a notamment annoncé des projets ou acquisitions en Namibie, au Suriname et au Brésil, et il s’est renforcé aux Etats-Unis dans le gaz liquéfié (GNL), une énergie très convoitée par l’Europe qui cherche à remplacer le gaz russe. « On est quand même durablement lié à l’importation de gaz naturel liquéfié en Europe », affirmait mi-janvier Patrick Pouyanné, le PDG du groupe qui revendique la place de 3e acteur mondial du GNL.

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En septembre, le groupe s’était encore attiré les critiques en annonçant vouloir augmenter sa production d’hydrocarbures de 2 à 3% par an dans les cinq prochaines années, tandis que plusieurs pétroliers comme Enel, Shell et BP ont annoncé en 2023 une révision en baisse de certains de leurs objectifs de transition énergétique.

Mis sous pression par les militants du climat et des droits humains, le groupe est visé par plusieurs actions judiciaires contre sa stratégie ou contre ses projets gaziers et pétroliers, dont le très controversé projet Tilenga/Eacop en Ouganda et en Tanzanie. Il soutient que ces projets sont encore nécessaires pour répondre à la demande mondiale, et fait valoir qu’il consacre aussi un tiers de ses investissements aux énergies bas carbone, notamment dans l’éolien et le solaire. TotalEnergies compte maintenir son cap de 35 GW de capacités d’électricité renouvelable en 2025, avant 100 GW en 2030, un objectif ambitieux.

Séparation des pouvoirs

Par ailleurs, le groupe a annoncé vendredi avoir refusé l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale des actionnaires d’une résolution proposant de séparer les fonctions de directeur général et de président du conseil d’administration, que cumule le PDG Patrick Pouyanné.

« L’unité du pouvoir de direction et de représentation de la société s’inscrit dans un contexte d’équilibre de pouvoirs particulièrement bien encadré », justifie dans un communiqué le conseil d’administration.

Une coalition d’actionnaires représentant 0,62% de la capitalisation boursière de TotalEnergies avait déposé ce projet de résolution, purement consultative, qui vise « à mettre fin au cumul des fonctions de président et directeur général », tout en maintenant Patrick Pouyanné à son poste de DG. Pour les actionnaires à l’initiative de la résolution consultative, la trop forte concentration des « pouvoirs aux mains d’une seule et même personne » pose des risques de conflits d’intérêts.

Le texte a été déposé par la fondation Ethos, qui représente des caisses de retraites en Suisse et une coalition de 19 investisseurs internationaux, coordonnés par l’organisation française Forum pour l’investissement responsable (FIR), parmi lesquels Achmea Investment management (Pays-Bas, 218 milliards d’euros d’actifs sous gestion), Candriam (Belgique, 144 milliards) ou AP7 (Suède, 102,4 milliards).

Dans son communiqué, le conseil d’administration « invite » les actionnaires à déposer un « point à l’ordre du jour », plutôt qu’une résolution consultative. TotalEnergies fait également valoir auprès de l’AFP que le groupe « s’en tient à la loi » et « ne souhaite pas créer une jurisprudence » sur l’inscription d’une résolution consultative sur le mode de gouvernance à l’ordre du jour de l’AG, qui se tiendra le 24 mai prochain.

« On n’a jamais eu, en droit français, une société qui a inscrit une résolution consultative à l’ordre du jour de son AG sur l’unification ou la dissociation des fonctions », a souligné un cadre proche du conseil d’administration. « Il n’y a pas de précédent, ça n’existe pas ».

Pour rappel, le conseil d’administration s’était prononcé en septembre dernier en faveur d’une reconduction de Patrick Pouyanné pour un 4e mandat de 3 ans, ce que doivent encore approuver les actionnaires fin mai.

Parmi les entreprises cotées au sein du CAC 40, l’indice vedette de la Bourse de Paris, une douzaine d’entre elles cumulent les deux fonctions. Une nouvelle pourrait s’ajouter, le groupe Publicis ayant annoncé récemment vouloir modifier sa gouvernance en ce sens, à l’occasion de son Assemblée générale du 29 mai.

(Avec AFP)

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