mardi, avril 30

Industrie : les relocalisations s’accélèrent en Europe et aux Etats-Unis

La recherche d’une plus grande résilience des lignes d’approvisionnement : c’est la raison principale, selon une étude de Capgemini publiée ce jeudi, pour laquelle les groupes industriels relocalisent massivement des entreprises, tant en Europe qu’aux Etats-Unis.

Capgemini a interrogé en février 1.300 hauts responsables de groupes industriels réalisant plus d’un milliard de dollars de chiffre d’affaires annuel, répartis aux États-Unis, en Allemagne, au Danemark, en Espagne, Finlande, France, Grande-Bretagne, Italie, Norvège, Pays-Bas et Suède. L’enquête décrit « une véritable lame de fonds » de réindustrialisation dans tous les pays étudiés et dans tous les secteurs.

 « Nous avons été surpris par l’ampleur du phénomène » de relocalisation, indique à l’AFP Etienne Grass, directeur exécutif de Capgemini Invent, filiale française du cabinet de conseil, l’un des auteurs de l’étude. « C’est vraiment considérable ».

Des investissements équivalent à 8,7% du chiffre d’affaires des sociétés étudiées

Selon l’enquête, le montant global des investissements prévus par les entreprises de 13 secteurs industriels dans les 11 pays étudiés pour renforcer leur capacité de production soit à domicile (« reshoring »), soit dans un pays voisin (« near-shoring »), a gonflé à 3.400 milliards de dollars pour les trois années à venir (février 2024-février 2027), après avoir atteint 2.400 milliards de dollars au cours des trois dernières années (janvier 2021-janvier 2024). Ces investissements équivalent à 8,7% du chiffre d’affaires des sociétés concernées.

Au-delà de la recherche d’une plus grande résilience des lignes d’approvisionnement, avancée par 70% des industriels en réponse aux pénuries de marchandises liées à la rupture des chaînes de fabrication ou de transport pendant la crise sanitaire, trois autres raisons sont avancées.

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Les tensions géopolitiques (Ukraine, Moyen-Orient..) sont invoquées par 63% des répondants. 55% des industriels interrogés mettent en avant leur volonté de réduire les émissions de CO2 – y compris sur les émissions de gaz à effet de serre de scope 3, dites indirectes è pour 55% des industriels interrogés. Enfin, un peu moins de la moitié (49%) des dirigeants expliquent leur motivation par les incitations financières et les politiques publiques de réindustrialisation menées dans leurs pays.

L’Europe plus volontaire que les Etats-Unis

Dans l’étude, les entreprises françaises affichent des projets d’investissement de réindustrialisation s’élevant à quelque 340 milliards de dollars entre 2023 et 2026. Les projets allemands s’élèvent à 673 milliards de dollars, et ceux aux États-Unis à 1.400 milliards de dollars.

« Rapporté au PIB, l’effort français de réindustrialisation (13% du PIB) est presque trois fois supérieur à celui des États-Unis (5%) », ajoute le directeur exécutif de Capgemini Invent. Le gouvernement français avait annoncé en août 2020 un programme d’un milliard d’euros consacrés à la relocalisation d’activités industrielles en France dans le cadre du plan de relance post-pandémie. L’un des principaux objectifs visés était de faire revenir sur le territoire des produits « indispensables à notre indépendance », avait alors précisé le ministre de l’Economie Bruno Le Maire.

Néanmoins, alors que le laboratoire Novo Nordisk s’apprêter à annoncer un investissement de deux milliards d’euros dans son usine de Chartres, la Cour des comptes jugeait fin novembre 2023 que le dispositif d’aides mis en place en 2020 pour doper les relocalisations comporte « des risques élevés de saupoudrage » de l’argent public et des effets d’aubaine

L’effort allemand (20% du PIB) est quatre fois supérieur. Et ce, malgré le vaste plan Inflation Reduction Act (IRA) annoncé par le gouvernement Biden. Cette loi américaine accorde de généreuses subventions à certaines filières industrielles stratégiques (véhicules électriques, batteries…) mais est accusée par les Européens de fausser la concurrence.

En France, une « vingtaine » de projets de relocalisation d’activités industrielles liées à la défense sont soutenues

Une « vingtaine » de projets de relocalisation d’activités industrielles de défense sont soutenus par les pouvoirs publics dans le cadre du chantier de « l’économie de guerre » destiné à répondre aux besoins de l’Ukraine et à la nouvelle donne géopolitique, selon l’Elysée.

A l’image de la production par Eurenco de poudre propulsive pour obus, usine dont Emmanuel Macron a posé jeudi dernier la première pierre à Bergerac certains des projets visent à faire revenir sur le territoire français des productions qui avaient été abandonnées par le passé.

C’est notamment le cas de la fabrication de corps de bombes de 250 kilos (BA82) par Aresia. Si la création de cette nouvelle chaîne à Rouvignies (Nord) s’est faite en autofinancement, l’entreprise a bénéficié du soutien du ministère des Armées pour accélérer la qualification de ces corps de bombes, qui ne lui a pas été facturée, selon lui. Autre exemple : la start-up Vistory va ainsi implanter à Bourges une « usine de production de modules d’impression 3D ». Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’un centre de fabrication additive créé par KNDS France (ex-Nexter) et MBDA, le « Printing Bourges », pour produire plus rapidement certaines pièces de missiles par exemple.

(Avec AFP)

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