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À Clermont-Ferrand, le Parc Cataroux, symbole de la reconversion d’un site industriel historique de Michelin

Le lieu est emblématique et bien connu des Clermontois, avec ses grands toboggans en béton qui servaient de pistes d’essai pour les pneumatiques. Le Parc Cataroux a longtemps été au cœur de l’outil industriel de Michelin, avec des bâtiments inaugurés dès 1921. C’était même le premier pôle d’innovation du groupe dans le monde. C’est là qu’a notamment été imaginé le pneu le plus en circulation aujourd’hui, le pneu radial. Ce site, qui a employé jusqu’à 4.000 salariés, a aussi participé au développement économique de la ville. Depuis les années 2000, il est en pleine mutation.

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« Dans le cadre de la réhabilitation de ce patrimoine industriel, nous avions le choix de le détruire et de faire un programme immobilier ou de le redonner à la ville, à la région, à notre pays, au service d’un projet d’intérêt général », explique, Florent Menegaux, le président de Michelin, dans une courte vidéo publiée sur la chaine Youtube de l’entreprise le 12 juillet dernier.

Le groupe a donc opté pour cette deuxième option, en lançant un vaste projet de requalification et de transformation.

42 hectares entièrement réhabilités

Cet ensemble, implanté sur 42 hectares en plein cœur de la ville de Clermont-Ferrand, a été imaginé autour de quatre pôles : le PIC (pôle d’innovation collaborative), la Manufacture des talents, le Centre des matériaux durables et le futur quartier des pistes (voir encadré). Certains sont déjà opérationnels. Pour d’autres, les travaux viennent de débuter. Ce projet hors norme devrait être totalement achevé début 2028.

« C’est un projet à 300 millions d’euros. Michelin en prend une partie,  pour les aménagements extérieurs et la voirie notamment, mais nous avons des partenaires publics et privés. Notre ambition est que ce parc soit un accélérateur d’innovation et un moteur du dynamisme économique et culturel du territoire », précise Jean-Philippe Ollier, directeur du programme Parc Cataroux.

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Pour financer le projet, des foncières se sont montées autour d’acteurs locaux. Outre Michelin, on retrouve notamment le Crédit Agricole Centre France ou la Banque des Territoires (groupe Caisse des Dépôts). Cette ancienne friche industrielle accueillera bientôt une diversité d’activités : des logements, mais aussi des bureaux, des espaces de loisirs, de culture, de santé…

Garder une trace du passé ouvrier et industriel

Mais pas question de tout détruire. L’idée de Michelin est de recomposer avec l’existant. La Manufacture des talents ou encore le Hall 32 ont, par exemple, pris place dans d’anciens ateliers transformés. « Nous aimons l’idée que ce soit reconverti mais que l’on garde une trace de l’histoire. Il ne faut pas faire table rase du passé », indique Grégory Bernard, adjoint à la mairie de Clermont-Ferrand, chargé de l’urbanisme.

« Il y a une vraie question patrimoniale sur ce site, qui est un symbole fort du passé industriel et ouvrier de Clermont-Ferrand et qui a été le moteur du développement urbain de la ville. Et puis d’un point de vue écologique, c’est aussi positif. L’impact est plus faible que si l’on détruit tout », poursuit l’élu.

La ville compte apporter 6 millions d’euros de subventions dans ce programme. « Ce projet répond parfaitement à notre trajectoire de sobriété foncière. La métropole a besoin de ces espaces qui peuvent accueillir du développement sans étalement, sans artificialisation des sols. Ce foncier est une opportunité, comme l’a été un autre ancien site de Michelin qui est devenu, en 2010, le CHU d’Estaing. Cela nous a permis d’avoir un hôpital en pleine ville. Sans cette réhabilitation, cela aurait été impossible, » souligne Grégory Bernard, également conseiller métropolitain.

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Un site ouvert sur la ville

Ce projet Cataroux est aussi pensé pour être « en porosité avec son territoire ».

« Le quartier des Pistes deviendra, notamment, un lieu de vie, d’échange et de rassemblement. On y retrouvera des activités culturelles, une salle de spectacle, un hôtel… Nous y installerons aussi l’Aventure Michelin [musée consacré à l’histoire du groupe, Ndlr]. 400.000 visiteurs sont attendus par an », détaille Jean-Philippe Ollier de Michelin, qui indique que les pistes d’essai seront aussi réhabilitées afin d’offrir une expérience immersive aux visiteurs.

130 millions d’euros seront investis sur ce quartier des pistes, vient d’annoncer le groupe. La manufacture s’est aussi engagée à revégétaliser le Parc Cataroux. Trois hectares seront arborés.

« Nous sommes sur de la mixité fonctionnelle avec une dominante tournée vers l’activité économique. Cela correspond parfaitement à notre programmation stratégique pour le territoire », ajoute Grégory Bernard, adjoint au maire.

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Reste encore des discussions et des réflexions, notamment sur l’aménagement territorial associé à ce projet en termes de flux et de stationnement. Même si le site est déjà desservi par des pistes cyclables et un arrêt de tram. « Chaque pièce du puzzle doit et va trouver sa place dans la ville qui existe déjà », résume l’élu.

Rééquilibrer les forces par rapport à Lyon

Quant aux retombées économiques d’un tel projet, elles sont multiples. Michelin estime que le site pourrait créer un petit millier d’emplois et permettre d’attirer à Clermont des profils internationaux. Pas anodin dans un contexte de guerre des talents et de pénurie de personnel. Pour Claude Barbin, le président de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) Puy-de-Dôme Clermont Auvergne Métropole, ce nouveau Parc Cataroux va surtout apporter une visibilité au territoire et le remodeler.

« Nous sommes toujours dans cette volonté de nous rééquilibrer par rapport à Lyon et à la façade Est de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Cela commence à nous mettre en équité avec la dynamique de ces territoires. On dit souvent que Grenoble est la Silicon Valley française, nous, nous voulons être la capitale des matériaux durables. L’ambition est de créer une filière et ce n’est qu’un grand faiseur comme Michelin qui pouvait nous entrainer », affirme Claude Barbin.

La CCI s’est d’ailleurs engagée à hauteur de 1,5 million d’euros dans deux foncières (voir encadré) pour financer le PIC et le Centre des matériaux durables.

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Ancrage de Michelin sur le territoire

Cette réhabilitation du Parc Cataroux témoigne, en tout cas, de l’engagement et de l’ancrage local fort de Michelin à Clermont-Ferrand.

« Nous avons un rôle à jouer. Nous essayons de projeter ce site pour créer une activité moderne et redessiner la ville sur la ville », note Jean-Philippe Ollier, directeur du programme.

En 2016, la manufacture avait déjà investi 280 millions d’euros dans son tout nouveau centre mondial de recherche et développement, à Ladoux aux portes de Clermont-Ferrand, afin d’accueillir 1.700 chercheurs. Elle est aussi la seule entreprise du CAC 40, avec Legrand à Limoges, à avoir son siège social en province.

Quatre pôles qui interagissent

Quartier des Pistes

C’est le site le plus emblématique du Parc Cataroux, avec ses toboggans en béton armé, mais c’est aussi le projet le moins avancé. Le chantier devrait être livré début 2028. Sur les 10 hectares, Michelin prévoit d’installer son musée, l’Aventure Michelin, et une Cité du mouvement, portée par l’ASM Omnisports, le CHU et l’Université de Clermont-Ferrand, un lieu innovant qui aura pour vocation de sensibiliser le grand public aux méfaits de la sédentarité. Un projet de restaurant gastronomique est aussi évoqué. Les pistes d’essai de Michelin devraient également être ouvertes au public au travers d’une expérience immersive.

Manufacture des Talents

Le Parc de Cataroux accueille, depuis trois ans déjà, un pôle de formation. Cette Manufacture des talents accompagne les salariés de Michelin dans leur parcours de formation, mais pas seulement. Elle répond aussi aux besoins des entreprises locales. On y trouve des formations techniques industrielles mais aussi une école nouvelle génération tournée vers les métiers digitaux (développeur, programmeur… ). Le site fédère différents écosystème de formation et entend faire de l’innovation pédagogique.

Centre des matériaux durables

Ce pôle vise à créer une filière autour des matériaux biosourcés ou recyclés. Pour cela, 20.000 mètres carrés de plateaux industriels personnalisables sont mis à disposition des entreprises afin d’initier des projets collaboratifs innovants et d’accompagner l’industrialisation des start-up spécialisées dans ces matériaux durables. Cet écosystème devrait faciliter la montée en puissance de ces technologies. L’entreprise Carbios, qui développe le recyclage des plastiques à partir d’enzymes, y a justement installé son démonstrateur il y a trois ans, puis son laboratoire et son siège en 2022.

Le PIC, le Pôle d’innovation collaborative

La première pierre de ce PIC a été posée début avril, pour une ouverture attendue fin 2025. Ce projet de 18.000 m² a réuni différents acteurs du territoire (le Crédit Agricole Centre France, le groupe Michelin, la Banque des Territoires, la Caisse d’Epargne Auvergne Limousin et la CCI Puy-de-Dôme Clermont Auvergne Métropole ) qui ont investi, au total, de 61 millions d’euros. Le site rassemblera tout un écosystème autour de l’entreprenariat et de l’innovation, des startups comme de grands groupes, avec l’ambition d’accélérer la transition vers l’économie circulaire. On y retrouvera des espaces de co-working et de co-living (3.000m2 d’hébergement), mais aussi un food court, un espace bien-être… Le site pourrait accueillir 2.500 personnes.

Lien source : À Clermont-Ferrand, le Parc Cataroux, symbole de la reconversion d’un site industriel historique de Michelin