lundi, avril 29

Les ETI face à l’impératif défi de la digitalisation

Pour un client, la digitalisation de l’économie se traduit par la réalisation d’achats ou de démarches en quelques clics. Une réalité d’usage bien loin du lourd travail invisible pour effectuer cette adaptation au sein d’une entreprise. « Cela nous permet d’être agile, mais agilité ne veut pas dire légèreté, il faut faire attention à ne pas créer une usine à gaz », présente Damien Bonnabel, le directeur général d’Allopneus. En plus d’être digitale native, la société installée à Aix-en-Provence ne vend qu’en ligne, elle symbolise bien le fait que la transformation digitale concerne toutes les entreprises.

Un sujet sur lequel essaient de sensibiliser les autorités publiques, les acteurs politiques et privés. En mai dernier, le cabinet KPMG publiait une étude sur « les grandes transformations des ETI grâce au numérique » baptisée « la grande accélération ». Le but était « de creuser ce que représente pour les ETI le numérique », explique Benoît Favre-Nicolas, qui a co-piloté l’étude. Entre évolution du modèle d’affaire, impact environnemental, réglementation et cybersécurité, changement des compétences et enjeu de financement, il en ressort que « la transformation digitale est la mère de toutes les transformations » comme le formule Pierre-Laurent Soubra, directeur régional Sud-Est de KPMG. C’est pour aborder par l’exemple ce grand chamboulement que le cabinet a réuni Damien Bonnabel, Audrey Goutille, directrice générale d’Alinéa, et Serge Madgeleine, directeur général de LCL.

 Une hausse de la productivité

« Dans un magasin Alinea, vous ne verrez aucun écran », présente Audrey Goutille. Une manière d’illustrer que la digitalisation ne passe pas par la disparition des vendeurs. Car dans les points de vente de la marque d’ameublement dont le siège est basé à Aubagne, la mutation numérique a bien eu lieu. « Avec une application sur leur téléphone, nos vendeurs connaissent leurs stocks, les goûts des clients, sa CSP et peuvent déclencher des flux logistiques », énumère la dirigeante. La digitalisation sur l’ensemble de la chaîne a permis d’améliorer la productivité en passant de « 70% du temps de travail consacré à de l’administratif, pour 30% à la vente, à 50-50 aujourd’hui ».

Pour Allopneus, ce profil d’entreprise digitale « fait que nous ne pouvons pas nous manquer », prévient Damien Bonnabel. Depuis bientôt trois ans, la société originaire d’Aix-en-Provence est entièrement détenue par Michelin. Ce qui a nécessité des adaptations, à commencer par « une mise sous contrôle de risque » pour tout ce qui est liée à la cybersécurité, un « énorme sujet » et le RGPD pour éviter que « la petite filiale fasse une grosse bêtise qui touche le groupe ». Un travail « qui ne se voit pas dans le chiffre d’affaires mais qui a un coût », note Damien Bonnabel. Les investissements dans ce domaine sont donc suivis de près pour « savoir comment ils rapportent et comment ils contribuent à nos objectifs ».

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L’enjeu du financement

« Avec l’augmentation des coûts, le retour sur investissement (ROI) est difficile à calculer », reconnaît Benoît Favre-Nicolas. Pour autant, le développement numérique n’est pas une option. C’est ce que défend Serge Madgeleine, qui a été directeur de la transformation digitale et IT du Crédit Agricole. « Depuis la crise du Covid, le standard d’accélération de la digitalisation est bien supérieur. Se transformer d’autant plus impératif que les entreprises doivent être plus agiles pour gagner des parts de marché alors même que les enjeux de décarbonation vont rendre difficile la création de nouveaux marchés », estime-t-il.

A ce contexte, s’ajoute la hausse des coûts de l’énergie ainsi que la réindustrialisation qui devrait générer de l’inflation. « Tout s’accumule en même temps, c’est ça la grande accélération », pointe Benoît Favre-Nicolas. Le secteur bancaire, lui, prépare d’ores et déjà des réponses financières adaptées. « Pour développer le financement vert, nous proposons un crédit indexé sur des KPI carbone, s’ils sont respectés, le taux diminue », glisse le directeur général de LCL.

Du côté d’Alinéa, on revendique une digitalisation au service du retour sur investissement grâce à ce que Audrey Goutille appelle « la marge nette révisée ». Concrètement il s’agit ne pas prendre en compte que le coût d’achat d’un produit mais de réunir assez de données pour incorporer tous les autres coûts associés. Pour le développement d’autres projets, « l’approche par le ROI n’est qu’une brique, le courage c’est d’aller plus loin », expose la dirigeante. Plus loin, c’est de réinterroger les équipes derrière une initiative pour faire le point sur sa rentabilité. Quitte à renoncer « pour ne pas que les coûts s’empilent ».

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