lundi, avril 29

Taxe mondiale sur les milliardaires : les recettes de Bruno Le Maire vont-elles convaincre ?

Les propositions du ministre de l’Economie français vont-elles convaincre ? En déplacement à Washington mardi 16 et mercredi 17 avril, Bruno Le Maire doit assister aux réunions de printemps du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. En parallèle de ces échanges, le locataire de Bercy va rencontrer ses homologues du G7 et du G20 finances pour évoquer le dossier brûlant de la fiscalité internationale. En proie à des finances publiques moribondes après la pandémie et la guerre en Ukraine, les Etats sont à la recherche de nouvelles recettes publiques pour rembourser leurs dettes et financer des grands investissements pour assurer la transition écologique et financer la Défense entre autres.

Après le dérapage des finances publiques tricolores, l’annonce de coupes budgétaires massives en 2024 et 2025 pourrait avoir des conséquences néfastes sur la croissance économique. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a révisé la semaine dernière ses prévisions de croissance de 0,8% à 0,5% pour 2024 en raison d’un faible acquis de croissance pour cette année mais aussi des mesures d’économies annoncées par l’exécutif.

Dans ses nouvelles prévisions dévoilées ce mardi, le FMI pourrait noircir ses chiffres de croissance pour 2024. « Les perspectives de croissance sont élevées sur 2024, 2025 et 2026 mais ces perspectives se fracassent sur la réalité géopolitique », a déclaré Bruno Le Maire, lors d’une réunion avec des journalistes ce lundi 15 avril avant de s’envoler pour les Etats-Unis. « Les risques d’escalade au Proche-Orient, la persistance de la guerre en Ukraine pèsent sur la croissance économique », a-t-il prévenu.

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Les plus fortunés dans le viseur de cette nouvelle taxe

Présidé par le Brésil de Lula, le G20 a déjà commencé à aborder ce dossier lors des précédentes réunions de février. Accompagné par la France, l’ancien syndicaliste brésilien compte obtenir un consensus des pays les plus riches de la planète d’ici juillet. Il s’agit de « parfaire la transformation de la fiscalité internationale pour la rendre plus juste et plus efficace », a expliqué Bruno Le Maire, toujours opposé à une hausse de la fiscalité sur les « superprofits » en France. Dans le viseur de Bercy, « ce sont les personnes les plus fortunées qui échappent à l’impôt par des montages fiscaux légaux mais sont inacceptables moralement », a détaillé le ministre. Il ne s’agit pas de viser « les personnes à l’impôt sur le revenu », a lourdement insisté le ministre.

Interrogé sur les pistes de travail, il a expliqué que la France allait travailler sur « la transparence ». Pour l’instant, « il est encore difficile de savoir qui échappe à l’impôt ». Ces dernières années, de vastes enquêtes internationales menées par les journaux ou des ONG ont mis au grand jour des systèmes complexes d’optimisation fiscale agressive. Mais les sommes échappant à l’impôt s’élèvent encore à plusieurs centaines milliards de dollars dans le monde. La délégation tricolore doit également aborder les échanges d’informations entre les Etats et les juridictions et « une clause anti-abus qui pourrait correspondre au taux minimal ».

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Gabriel Zucman propose une taxe de 2% sur les milliardaires

Dans l’Hexagone, l’économiste et président de l’Observatoire européen de la fiscalité, Gabriel Zucman plaide pour une taxe de 2% sur les 3.000 milliardaires recensés sur la planète. Cette taxe pourrait rapporter 250 milliards d’euros par an, selon les calculs de l’économiste.

Dans une note qui avait fait grand bruit en 2023, l’institut des politiques publiques (IPP) avait montré que les milliardaires en France étaient taxés à un taux de 2% en raison d’un changement de composition des revenus au sommet de la distribution. « Le taux plus faible d’imposition des plus hauts revenus s’explique par le fait que l’imposition des bénéfices des sociétés est plus faible que l’imposition des revenus personnels », avaient précisé les économistes.

Taxation internationale, un parcours semé d’embûches

À ce stade, les contours de ce nouvel impôt sont encore flous sachant qu’il n’y a pas de consensus dans les pays du G20. « Les sujets fiscaux sont toujours difficiles », a concédé Bruno Le Maire. « Pour avoir mené le combat pendant 7 ans [sur la taxation minimum des multinationales], cela va demander beaucoup de détermination ». Sous l’égide de l’OCDE et de son ancien directeur de la fiscalité Pascal Saint-Amans, une grande partie des Etats de la planète avait réussi à se mettre d’accord en 2021 sur les deux principaux piliers de cette taxation, à savoir le taux minimum et la répartition des recettes.

En dépit d’un accord annoncé en grande pompe, le parcours de cette taxation minimum sur les multinationales est semé d’embûches. Depuis le premier janvier 2024, cette nouvelle fiscalité s’applique au sein des pays de l’Union européenne. Mais le pilier 1 n’est toujours pas appliqué faute d’un feu vert définitif de l’ensemble des pays signataires à l’accord initial, en particulier des Etats-Unis où se joue cette année une élection présidentielle cruciale. Et de nombreux Etats traînent des pieds pour mettre en place le système de répartition des bénéfices de cette taxation. De quoi donner des sueurs froides au ministre français de l’Economie.

La France favorable à l’OCDE pour les débats techniques

Sur le cadre des échanges, Bercy est favorable à l’OCDE. « Nous pensons que c’est à l’OCDE que doivent se dérouler les discussions techniques », a déclaré Bruno Le Maire. Le mérite de cette institution est qu’elle a permis de mette autour de la table près de 140 Etats pour plancher sur ce dossier crucial. Le négociateur de ces interminables discussions Pascal Saint Amans avait fait part à La Tribune d’une montagne de difficultés pour mettre en place les deux piliers.

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Grégoire Normand

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