samedi, avril 27

L’explosion des cours du cacao renchérit le prix du chocolat

Sur les marchés aujourd’hui, l’antique fève du cacao surperforme Nvidia, la star de l’IA comme le remarque l’agence Bloomberg. La tonne de cacao a dépassé le seuil historique de 10.000 dollars. Ce mercredi, en fin d’après-midi, le prix était en retrait, de 2%, à 9.430 dollars. En un mois, le cours de la fève a bondi de 45% et sur un an il s’envole de près de 238%. L’action Nvidia, elle, s’est appréciée de 14,7% sur un mois et de 240% sur un an.

Cette flambée est avant tout le résultat du déséquilibre entre la production et la demande mondiale, le marché du cacao est prévu de se retrouver en déficit en 2024 pour la troisième année consécutive. Il devrait s’établir à 374.000 tonnes sur la saison 2023-2024, contre 74.000 tonnes la saison précédente, soit le pire déficit en 60 ans, selon l’Organisation mondiale du café et du cacao (ICCO).

« La mauvaise récolte dans les principaux pays producteurs, la Côte d’Ivoire et le Ghana, a entraîné des pénuries d’approvisionnement », note John Plassard, économiste chez Mirabaud Equity Research. Ainsi, le Ghana a revu ses prévisions de production de cacao à la baisse, passant de 850.000 tonnes à 650.000 tonnes pour l’année en cours.

Fortes pluies et chaleur extrême

Comme c’est souvent le cas pour les produits agricoles, ce sont les conditions climatiques qui ont conduit à ce résultat. « El Niño a provoqué de fortes pluies en décembre, ce qui a endommagé les cultures et favorisé la propagation de la maladie des cabosses noires. La chaleur extrême qui a suivi, le vieillissement des cacaoyers et l’exploitation minière illégale ont encore réduit la production », énumère l’analyste.

La cherté des fèves poussent également des usines de cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana à réduire leurs activités de broyage (pour transformer la fève en poudre et en beurre).

Par ailleurs, l’Autorité de régulation du café et du cacao (ARCC) en Côte d’Ivoire a indiqué que la récolte intermédiaire du pays (il y a deux récoltes annuelles), qui débute en avril, devrait être en forte baisse.

Face à cette situation, les broyeurs sont obligés de puiser dans leurs stocks qui, à l’échelle mondiale, sont en constante baisse. La flambée du prix du cacao n’est pas une bonne nouvelle pour les amateurs de chocolat, en cette veille de fêtes de Pâques, dont la gourmandise va devenir plus coûteuse, les producteurs répercutant la hausse du prix de la matière première sur le consommateur final.

« Pour protéger leurs marges, les confiseurs adoptent des mesures d’économie en réduisant le contenu de cacao dans la composition de leurs produits, en lui substituant des produits alternatifs ou encore en réduisant les quantités (phénomène de shrinkflation) », indiquent les analystes d’Allianz Trade, dans une note.

La hausse du prix du chocolat reste à venir

Pour autant, les perspectives de profit pour les plus importants producteurs de confiseries et de chocolat restent solides, indique Allianz Trade. Leurs experts prévoient une hausse de 1% en moyenne du bénéfice par action pour les plus importantes sociétés cotées. Ils notent que pour le moment la hausse des prix de détail du chocolat reste encore largement inférieure à celle des prix du cacao, suggérant que la majoration du prix reste encore à venir pour les amoureux du chocolat.

Reste à savoir jusqu’où peuvent monter les cours de la fève. « Le déficit d’offre met en évidence les défis structurels à long terme de l’industrie cacaoyère », pointent les analystes d’Allianz.

La production mondiale de cacao est en effet concentrée pour 75% dans quatre pays de l’Afrique de l’ouest : Côte d’Ivoire, Ghana, Cameroun et Nigéria, avec la particularité de dépendre largement de petits producteurs dont la production est achetée à des prix plus faibles que le prix de marché. Les mécanismes d’établissement des prix locaux sont souvent contrôlés par les Etats qui comptent sur les revenus du cacao pour alimenter leurs budgets.

Sous-investissement et baisse des rendements

A contrario, les négociants, les broyeurs, les transformateurs et les producteurs de chocolat ont la possibilité d’améliorer leurs marges durant les périodes de tensions sur l’offre.

Cette situation qui dure depuis des décennies ne permet pas aux petits producteurs de sortir de la pauvreté structurelle, le secteur souffrant du sous-investissement et également de la baisse des rendements.

La pénurie actuelle devrait être une forte incitation à moderniser la filière, notamment en permettant aux petits producteurs de bénéficier plus largement de la hausse des prix, pour assurer la durabilité de la production de cacao et répondre à la demande mondiale croissante de chocolat.

Quant aux marchés à terme, la flambée des prix qui renchérit les appels de marge devrait pousser certains investisseurs (détenteurs de la matière première, transformateurs, confiseurs, fonds d’investissement) à devoir liquider leurs positions de couverture en accusant des pertes.

Robert Jules

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