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Pionnier de l’éolien flottant en Méditerranée, Qair en appelle au soutien de l’Etat

Une facture qui s’envole de 52%. C’est l’augmentation du coût du projet EolMed. Porté par la société Qair, installée à Montpellier en Occitanie, il s’agit de la concrétisation de l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) de 2016 pour des projets pilotes de parcs éoliens flottants au large des côtes françaises. La mise en service au large de Gruissan (Aude) prévue pour 2024 pourrait être mise à mal par cette hausse spectaculaire des coûts. « Nous allons devoir appliquer les contrats et ne pas accepter les hausses demandées par les fournisseurs, mais s’ils perdent trop d’argent ils ne pourront pas continuer », prévient Laurent Vergnet, directeur du groupe Qair, présent au salon de l’éolien flottant Fowt à Marseille. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, des projets ont été abandonnés à cause de ce contexte. En France, Shell avait également renoncé à son parc au large de Belle-Île-en-Mer.

Pour Eolmed, le budget de 212 millions d’euros nécessaire au départ atteint aujourd’hui 323 millions d’euros. Les raisons sont multiples, comme la faillite du fabricant d’éoliennes Senvion qui a conduit à l’évolution des flotteurs, mais aussi à la hausse des tarifs des prestataires. « Le raccordement de RTE est passé de 30 millions à 42 millions d’euros », illustre le dirigeant. Des péripéties qui s’étalent sur six ans jusqu’au printemps 2022 où la guerre en Ukraine, dans un contexte post Covid, entraîne une crise inflationniste. Cette conjoncture, Laurent Vergnet voudrait que l’Etat la prenne un peu plus en compte pour renforcer son aide. Pour les projets de ce type, les budgets anticipent une inflation, mais il s’agit de prévisions qui ne sont pas de l’ampleur de la récente hausse des prix.

Le difficile juste prix

Un document de la Commission européenne, qui encadre les aides d’Etat, de février 2019 revient sur les dispositifs prévus par la France. On peut y lire qu’« en l’absence d’aide, et dans les conditions normales du marché, (…) le projet ne serait pas financièrement viable ». Deux types d’aides sont mises en place, une à l’investissement et l’autre au fonctionnement. La première, apportée par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), correspond à un financement de 78 millions d’euros, dont la moitié comme subvention et l’autre en avances remboursables.

La seconde prend « la forme d’un tarif d’achat d’électricité » fixé à 240 euros le mégawattheure quand le prix du marché, donné dans ce même document, est de 40 euros le MWh. « Le prix du marché est celui projeté par l’Etat et il le complète d’une aide », explique Laurent Vergnet. Le tarif de 240 euros/MWh « fait l’objet d’une indexation annuelle », précise le document. « Ce n’est pas appliqué, il faudrait maintenir la part de l’aide et augmenter celle du prix de l’électricité », plaide le dirigeant.

En mars 2023, EDF avait remporté un appel d’offres pour un parc éolien en mer, posé et non flottant, avec un prix de 44,9€/MWh. Ce qui avait fait grincer des dents certains investisseurs et producteurs qui espéraient que le critère technologique soit plus pris en compte que celui du prix, notamment pour le flottant qui n’est pas tout à fait à maturité. « Ne pas bouger la tension sur le critère prix conduit mécaniquement à fragiliser les capacités industrielles européennes », avançait alors à La Tribune, Mattias Vandenbulcke, responsable de la stratégie de France Energie Eolienne (FEE).

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Engie et EDF préoccupés

« Alors même que le discours est à la réindustrialisation, nous avons joué la carte du made in France », défend Laurent Vergnet. EolMed s’appuie notamment sur ArchiMed pour l’assemblage, Bourbon pour l’installation du Hub électrique flottant, ou encoure BW Ideol pour la conception des flotteurs.

Le sujet du prix préoccupe aussi les autres fermes pilotes d’Engie et d’EDF. Les deux entreprises, dont l’Etat détient la plus grosse part du capital pour la première et la totalité pour la seconde, ont adressé avec Qair une lettre aux pouvoirs publics pour exposer cette situation, rapporte Les Echos. Une source au sein des pouvoirs publics indique au quotidien que réévaluer les prix reviendrait à annuler la désignation par l’Etat de ces pionniers du flottant sélectionnés « sur une base concurrentielle ». Un argument qui ne convainc pas Laurent Vergnet, notamment parce que l’Etat justifiait le montant des aides accordées par un TRI (taux de rentabilité interne) de 6 à 9% en précisant que ce dernier « n’excède pas les taux normaux appliqués dans les autres projets de nature comparable ».

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