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Spatial : SpaceLocker prépare sa première mission de satellite partagé

Chaque jour, d’immenses navires transportant chacun entre 500 et 3.000 conteneurs sillonnent les eaux du globe pour acheminer des marchandises. A Toulouse, la startup SpaceLocker veut transposer cette logique de conteneurs dans le spatial pour mettre en orbite plus facilement et à moindre coût des charges utiles.

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Intégrer les charges utiles comme des Lego

Plus besoin d’acquérir un satellite pour prendre des images vues du ciel. La startup développe des conteneurs dans lesquels ses clients vont intégrer leurs charges utiles (caméras, ordinateur de bord, capteurs divers) qui seront ensuite branchées au satellite via une interface qui se veut la plus universelle possible, de manière à pouvoir accueillir des capteurs de taille différente.

« Nous avons développé une technologie d’interface modulaire pour héberger des charges utiles. C’est comme un système de Lego où l’on intègre sur un satellite du petit capteur d’un kilo à la grande charge utile de 200 kilos. Nous envoyons au client un châssis qui accueille cette interface. Depuis son laboratoire, le client construit son capteur, nous le renvoie et nous l’intégrons sur le satellite. C’est un procédé qui permet d’accélérer le temps de déploiement en orbite », décrivait en août dernier Théophile Lagraulet, CEO de SpaceLocker.

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Le conteneur se branche sur l’interface développée par SpaceLocker. (Crédits : Space Locker)

Limiter les débris spatiaux

Ne pas avoir besoin d’acheter un satellite pour sa mission et miser sur le covoiturage spatial permet aussi au client d’être facturé uniquement à la consommation des ressources (par exemple l’électricité) en orbite et de limiter la prolifération de débris.

« Au lieu d’envoyer dix petits satellites à faible fiabilité et générer autant de débris en fin de mission, autant lancer un seul satellite de plus grande qualité qui agrège ces missions pour qu’il n’y ait qu’un seul débris au final.  L’économie partagée est devenue un standard sur Terre et cette mutualisation des ressources fait aussi sens dans l’espace », plaide Théophile Lagraulet.

Fondée fin 2022, la jeune société annonce à La Tribune ce jeudi 25 avril la concrétisation de son concept lors d’une première mission qui sera lancée en octobre prochain via le remorqueur spatial de l’Italien D-Orbit. Ce spacetug (véhicule de transfert orbital) va transporter trois mini-charges utiles qui tiendront sur une surface de 20 centimètres de long et qui serviront à démontrer en orbite des technologies innovantes pour des startups et des académiques.

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Les trois charges utiles seront intégrées sur un véhicule de transfert orbital développé par la société italienne D-Orbit. (Crédits : D-Orbit)

Deux à trois autres missions sont prévues en 2025 par SpaceLocker face à l’afflux de demande de clients.

« Certaines seront hébergées sur un véhicule qui est opéré par un autre acteur, comme c’est le cas pour la première mission avec D-Orbit. Nous sommes aussi en lien avec les autres concepteurs de spacevans comme le Français Exotrail. Mais nous voulons aussi, à terme, nous-mêmes opérer un satellite de type smallsat sur lequel 5 à 10 utilisateurs pourront monter à bord en simultané, avec une capacité totale d’emport de 100 kg », commente le CEO.

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Interchanger les charges utiles à la dernière minute

Sur ce segment du satellite partagé, plusieurs acteurs ont pris une longueur d’avance à l’image de la startup franco-américaine Loft Orbital qui prévoit de lancer plus de vingt satellites de services partagés en l’espace d’un an et demi. Face à ces acteurs, SpaceLocker estime que sa valeur ajoutée repose sur la conception modulaire de son interfac : « Aujourd’hui, ce qui existe dans le satellite partagé, c’est plutôt de la co-conception de satellites. Si l’un des clients manque à l’appel le jour du lancement, il est très compliqué de le remplacer. Il n’y a pas de flexibilité avec des satellites conçus encore sur-mesure. Avec notre interface, nous voulons créer une offre universelle où les charges utiles deviennent toutes interchangeables ».

Cette modularité pourrait aussi s’appliquer sur les plus grands satellites, comme ceux envoyés en orbite géostationnaires qui réservent des places à des petits projets.

« Embarquer aux côtés de satellites géostationnaires permet d’atteindre des orbites qui ne sont pas du tout accessibles pour les petites charges utiles. Aujourd’hui, il est absolument impensable d’envoyer seulement 50 ou 100 kilos en orbite géostationnaire », rappelle Théophile Lagraulet.

Les grands opérateurs pourraient aussi trouver un intérêt à remplacer en dernière minute les clients qui font défaut.

« Il arrive qu’une place se libère sur un lancement car la charge utile a pris un retard de développement et n’est pas prête. Une interface universelle comme celle que nous développons permettrait d’interchanger les vols entre les clients dans les six à douze derniers mois avant le lancement », illustre Baptiste Fournier, cofondateur de SpaceLocker.

Avec son innovation, la startup cible en priorité les jeunes sociétés et les instituts de recherche en quête d’un satellite pour des missions de démonstration en orbite. Sur ce créneau, SpaceLocker doit faire face à la concurrence des tout-petits satellites type cubesat, plébiscités pour de la démonstration.

« Nous voulons offrir une alternative à ces tout-petits satellites qui ont une faible fiabilité et sont limités en termes de puissance. Nous essayons de leur proposer des alternatives et de travailler avec des constructeurs de nanosatellites pour aller vers des plateformes un peu plus grandes », indique Théophile Lagraulet.

SpaceLocker cible également les clients souhaitant envoyer des capteurs en orbite pour générer des données spatiales.

Une levée de fonds de plusieurs millions d’euros en préparation

A moyen terme, la startup veut aller plus loin et opérer, à l’horizon 2030, des plateformes amenées à rester durablement en orbite en hébergeant des flux de charges utiles acheminées par des bus spatiaux. Alors que ce segment de la logistique spatiale est en pleine ébullition, la jeune pousse aimerait à moyen-terme intégrer des consortiums pour des missions de démonstration de services en orbite, comme du ravitaillement de carburant ou de l’inspection de satellites.

Pour développer tous ces projets, SpaceLocker est en train de boucler un premier tour de table d’un million d’euros et devrait enchaîner avec une levée de plusieurs millions d’euros d’ici la fin de l’année. Hébergée à l’automne dernier au sein du Space Business Catalyst, nouvel accélérateur de startups de Thales Alenia Space à Toulouse, la startup a, depuis quelques mois, intégré la pépinière d’entreprises AtHome dans le quartier Compans-Caffarelli. En plus de ces bureaux qui regroupent la majeure partie de son effectif total d’une dizaine de collaborateurs, SpaceLocker a aussi des équipes à Paris où est installé son siège social.

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