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Cour des comptes, Insee : ces agents qui appellent à la mobilisation contre la réforme des retraites

La mobilisation contre la réforme des retraites fait des vagues dans les institutions publiques françaises. Au lendemain de l’entretien télévisé d’Emmanuel Macron au journal télévisé de TF1 et de France 2 mercredi 22 mars, plusieurs agents de la Cour des comptes et de l’Insee ont appelé à rejoindre la contestation de la réforme des retraites ces derniers jours.

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Dans un communiqué diffusé mercredi soir sur Twitter, le collectif Juridictions financières rassemblant des salariés de la Cour a fait part de ses craintes.

« Nous sommes préoccupés par la crise politique, le blocage et la tension dans lesquels l’absence de dialogue, l’utilisation d’un projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale et l’article 49-3 de la constitution ont plongé notre pays »

Un appel inédit

Après une réunion mercredi midi, ces agents administratifs et magistrats de l’institution de la rue Cambon ont décidé de rejoindre les manifestations prévues sur l’ensemble du territoire ce jeudi 23 mars.

Cet appel dans l’institution en charge du contrôle de la dépense publique est d’autant plus étonnant que le président de la Cour des comptes Pierre Moscovici appelle régulièrement à faire des réformes structurelles lors de ses interventions face à la presse.

Dans une note dévoilée à l’automne 2021, les auteurs ont notamment recommandé de revoir le système de retraite par répartition. Pour parvenir à l’équilibre financier, « les paramètres sont nombreux (âge d’ouverture des droits à retraite, dispositifs de départ anticipé, conditions pour une retraite à taux plein, indexation des pensions, etc.), mais in fine, la maîtrise des dépenses de retraite passe par un recul des âges de départ à la retraite ou une baisse du niveau relatif des pensions », explique la Cour.

Des tensions à l’Insee

Le passage de l’âge légal de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans en France ravive aussi les tensions entre les salariés et la direction au sein de l’institut de statistiques publiques, basé dans les Hauts-de-Seine à Montrouge.

Lors de la dernière présentation à distance de la note de conjoncture, le 15 mars dernier, plusieurs agents sont intervenus au début du point presse. « Le taux de participation à l’Insee dans le mouvement social est l’un des plus élevés », a déclaré un représentant devant une trentaine de journalistes connectés à la visioconférence. « La réforme soutenue par le gouvernement n’est pas soutenable. Les conditions de travail pèsent sur les fins de carrière », a-t-il ajouté

Après plusieurs minutes de confusion et de vifs échanges entre le comité de mobilisation soutenu par les syndicats CFDT, CGT, FO, SUD et les autres statisticiens présents pour la présentation de la note de conjoncture, le point presse a pu reprendre. Le lendemain, le comité engagé dans la contestation contre la réforme a organisé un point presse, mais en dehors des locaux de l’Insee de la direction générale.

Ce n’est pas le premier épisode de ce genre. Déjà en décembre 2019, plusieurs agents du comité de mobilisation étaient venus interrompre une présentation de l’Insee, près de la gare de Lyon. A l’époque, le gouvernement d’Edouard Philippe sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron venait de présenter son projet de réforme universel à points, avant que le début de la pandémie en mars 2020 suspende le processus législatif. Dans Paris, les transports étaient également perturbés pendant plusieurs semaines.

Des notes acerbes sur la pénibilité et les conditions de travail

Outre les appels à rejoindre le mouvement social, le comité de mobilisation a dévoilé une série de notes particulièrement acerbes sur les différentes réformes des retraites ces dernières années. Le dernier numéro consacré à la pénibilité s’appuie sur une documentation issue de travaux de recherche ou de services statistiques ministériels la plupart du temps.

Ils reprennent par exemple un récent chiffre de la Dares, la direction statistique du ministère du Travail, expliquant que 37% des salariés au travail ne sentent pas capables d’aller jusqu’à la retraite, un chiffre passé sous les radars. « L’exposition à des risques professionnels – physiques ou psychosociaux -, tout comme un état de santé altéré, vont de pair avec un sentiment accru d’insoutenabilité du travail », soulignent les auteurs.

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Dans l’entretien télévisé du mercredi 22 mars, le chef de l’Etat Emmanuel Macron a assuré « entendre les protestations sur le travail ». Il a notamment cité « un chantier sur l’usure professionnelle et les fins de carrière » et veut que le gouvernement travaille sur « les reconversions professionnelles » avec les partenaires sociaux. Au vu des relations extrêmement tendues avec les syndicats actuellement, l’Elysée pourrait se retrouver plus que jamais isolé sur ces questions pourtant cruciales.

Grégoire Normand

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