samedi, avril 27

Emploi à domicile : les aides d’Etat dans le viseur de la Cour des comptes

La Cour des comptes ne mâche pas ses mots. Dans un rapport au vitriol dévoilé ce mercredi, les Sages de la rue Cambon dressent un bilan sévère des aides d’Etat accordées à l’emploi à domicile.

« Faute d’objectifs clairs et de données financières consolidées et malgré l’importance de l’effort public, l’efficacité du soutien aux services à la personne n’est pas évaluée par l’État. Or, l’analyse de la Cour montre qu’au regard des principaux objectifs affichés, les résultats sont décevants », soulignent les experts dans leur épaisse publication de 168 pages.

Dans l’économie française, les services à la personne occupent une place relativement importante avec 850.000 personnes salariées par des particuliers employeurs et 430.000 intervenants pour des prestataires. Du repassage à domicile, à l’aide aux devoirs scolaires, en passant par le ménage ou les soins aux personnes âgées, ce secteur représente une myriade de métiers très hétéroclites. Pour éviter le travail au noir, l’Etat a développé une politique de soutien relativement importante à travers des aides et crédits d’impôt dont l’efficacité est parfois contestée.

Une efficacité peu mesurée

Dans leur travail d’enquête, les rapporteurs ont passé au scalpel l’évolution du montant des aides à l’emploi à domicile. Résultat, l’enveloppe a grimpé en flèche en dix ans (+40%), atteignant 8,8 milliards d’euros fin 2022. Une grande partie de cette hausse a d’ailleurs eu lieu sur les cinq dernières années, précise le rapport. En parallèle, l’activité a stagné. Selon un calcul de la Cour, le montant des aides rapporté à l’heure de travail s’élève à 9,38 euros (+29% en dix ans). Soit un montant proche de celui du SMIC brut.

« Cette hausse s’explique à la fois par le renforcement de certains dispositifs de soutien, par l’augmentation du coût horaire de ces activités, liée à la hausse du Smic, et à la montée en puissance des prestataires dont les tarifs sont plus élevés que le coût pour un particulier de l’emploi direct d’un salarié à son domicile », expliquent les auteurs.

En dépit de ce coût exorbitant, les effets sur l’emploi sont peu mesurés, regrette l’institution financière. Sur le coût par emploi par exemple, la seule évaluation statistique de l’administration remonte à 2014. A l’époque, le Trésor de Bercy avait évalué le coût à 48.000 euros par emploi. Surtout, les créations d’emplois sont bien inférieures aux prévisions alors que les soutiens publics n’ont cessé d’augmenter et les besoins également. En réalité, la Cour des comptes estime que ces dispositifs de soutien ont surtout permis de faire reculer l’emploi non déclaré.

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Des effets d’aubaine pointés du doigt

Les fonctionnaires de la Cour ont également pointé des effets d’aubaine « élevés ». Sans surprise, leur travail montre que le recours à ce type de prestation bénéficie avant tout aux ménages du haut de la pyramide. Chez les plus modestes, ce recours est plutôt « une dépense contrainte ». « Parmi les 75 premiers centiles de revenu, le taux de recours aux services à la personne est inférieur à 10 %, alors qu’il est supérieur à 50 % parmi les 3 % de foyers les plus aisés » souligne le document.

Autrement dit, la Cour suggère un meilleur ciblage des aides pour éviter des effets d’aubaine sur des ménages qui n’en auraient pas forcément besoin financièrement. « Les revenus restent, bien davantage que l’âge, la principale variable explicative du recours aux services à la personne ».

Des pistes d’économies

En pleine polémique sur le dérapage des finances publiques, la Cour des comptes a dressé quelques recommandations à l’attention du gouvernement. Parmi les options évoquées figure une plus grande restriction des activités éligibles au crédit d’impôt et aux aides.

Les auditeurs suggèrent également de supprimer le taux de TVA intermédiaire de 10% tout en conservant celui de 20% et celui de 5,5% qui relève des besoins sociaux. Enfin, la Cour propose aussi de simplifier les régimes de cotisations sociales existants. Au total, ces réformes pourraient permettre entre 280 millions d’euros et 380 millions d’économies d’euros au total. Reste à savoir si la Cour sera écoutée par le gouvernement.

Quatre chiffres clés sur le secteur des services à la personne

  • Le secteur des services à la personne compte 3,3 millions de particuliers employeurs et 1,3 million de salariés
  • Le montant total des aides publiques (Etat, collectivités local pour les services à la personne) s’élève à 14,5 milliards d’euros
  • Le pourcentage des recrutements jugés difficiles s’élève à 85%

Grégoire Normand

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